L’amour et la démence au temps des robots

L’amour et la démence au temps des robots

Par Linda Priestley

Crédit photo: iStock

Au cours des prochaines années, étant donné le vieillissement de la population, le nombre de gens – nos parents, nos amis, nos proches – qui vivront avec un trouble neurocognitif risque d’augmenter. L’aide de millions d’autres personnes sera alors sollicitée pour les accompagner au quotidien. Préoccupés par cette réalité, des roboticiens ont entrepris il y a quelques années un projet à la fois ambitieux et délicat: la conception de robots ayant des capacités d’interaction sociale, destinés aux aînés atteints d’un trouble neurocognitif. L’objectif: favoriser leur maintien à domicile et appuyer les efforts de leurs proches aidants et du personnel de la santé.

Sauf qu’un robot social ne s’invente pas en criant: «C-3PO!». Quand vient le temps d'interagir avec des humains, en particulier ceux qui éprouvent des pertes de mémoire ou de la frustration, un robot n'est pas en mesure de comprendre les émotions ressenties par son vis-à-vis, qui peuvent être très changeantes selon son état d’esprit. Remarquez... bien des humains ont de la misère à capter l’humeur de leur prochain, ce n’est pas propre aux automates!

Et un robot, aussi bien intentionné soit-il (du moins, sa programmation), ça peut être bête. Au cours de séances d’observation menées par les chercheurs, certains participants vivant avec l’Alzheimer ou autre trouble neurocognitif n’ont pas apprécié les efforts de conversation du robot avec lequel ils échangeaient, allant même jusqu’à le trouver étrange ou malaisant. Pas seulement sa voix ou ses gestes, mais surtout ses réponses ou le temps qu’il mettait à répondre (trop vite ou trop lent). Au lieu d’une interaction fluide et intuitive, la conversation leur a semblé... artificielle. On jase, mais difficilement.

Ces constats ont amené les chercheurs et les ingénieurs en robotique à élargir leur vision de la technologie et à se concentrer sur les besoins particuliers des gens à différents stades de leur maladie neurodégénérative. À l'Université technique d’Eindhoven, aux Pays-Bas, des roboticiens, certains ayant une formation en anthropologie, en psychologie ou autre science cognitive, font équipe avec des personnes atteintes de démence afin de créer des «robots pour l'âme», davantage axés sur leurs besoins. Loin d'être préoccupés par ce qui manque à ces personnes, les fabricants voient plutôt l'étincelle qui sommeille encore en elles et cherchent à l’attiser davantage. Ils veulent faire des robots qui peuvent contribuer à renforcer leur sentiment d’appartenance, cette connexion qui les pousse à aller vers les autres, à former des liens, à briser leur isolement...

Pour les centaines de milliers de proches aidants à travers le monde, ces nouvelles encourageantes sont un baume. Parce que même quand des morceaux d’eux s’en vont, petit à petit, l’amour que l’on porte à nos parents, nos amis, nos proches touchés par la démence, lui, est toujours là. Ça réchauffe le cœur de savoir qu’en tant que proche aidant, on n’est pas tout seul là-dedans. Et que les robots s’efforcent eux aussi de voir l’humanité dans la démence.

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