Isolement: on se protège des dangers

Isolement: on se protège des dangers

Par Isabelle Bergeron

Crédit photo: Photo by Ave Calvar on Unsplash

«L’isolement social chez les aînés est une préoccupation qui ne fait que prendre de l’importance depuis quelques années, confirme la Dre Paule Lebel. Spécialiste en santé communautaire, professeure agrégée à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et médecin-conseil à la Direction régionale de santé publique de Montréal, Dre Lebel travaille depuis plusieurs années auprès des personnes âgées. «Maintenant, on sait que l’isolement social constitue un facteur de risque pour la santé qu’on ne peut plus mettre de côté.»

Ce serait comme mettre de côté les 15 % environ de nos aînés qui en souffrent, c’est-à-dire qui ont très peu ou pas d’interactions satisfaisantes avec d’autres personnes. Des personnes dont le réseau social est effrité, voire complètement absent. Certains s’accommodent bien de cette situation et ne souffrent pas nécessairement de solitude. En revanche, chez plusieurs autres, l’isolement social entraîne un sentiment de solitude, qui peut d’ailleurs être ressenti même lorsqu’on est entouré. 

 

Filet de sécurité

«L’image est frappante mais vraie. Selon des recherches sérieuses, l’isolement social est aussi dommageable que de fumer 15 cigarettes par jour», observe Valérie Lemieux, ergothérapeute et agente de planification, programmation et recherche à la Direction régionale de santé publique de Montréal. Plus risqué même que l’obésité ou la sédentarité! Bref, l’isolement social mine réellement la santé. «Les effets ont également été prouvés quant aux risques de maladies cardiovasculaires, de troubles cognitifs et de dépression», ajoute Dre Lebel. 

En plus, selon le Rapport sur l’isolement social des aînés du gouvernement du Canada, le réseau social a un impact direct sur les habitudes de vie d’une personne. Un réseau social solide motivera et encouragera par exemple une personne à maintenir ou développer de saines habitudes (bouger, cesser de fumer, etc.). Tout comme être isolé pourra faire en sorte qu’une personne se préoccupe moins d’agir positivement sur sa santé. Bref, on n’en sort pas: le filet que représente un réseau social satisfaisant nous protège assurément de la chute irréversible de notre santé, physique et psychologique. 

 

Tendre la main

Depuis près de 80 ans maintenant, des chercheurs de Harvard tissent la toile, fil par fil, de ce qui compose le bonheur et la santé chez l’être humain. Nos relations aux autres, nos rapports sociaux représentent un maillage essentiel au bonheur de notre esprit, de notre cœur et de notre corps. Ainsi, si l’isolement social fait en sorte qu’on dort moins bien, que notre diète est déséquilibrée ou que notre cœur s’érode trop vite, aucun supplément, régime ou exercice ne contrera totalement le problème. Ce dernier doit, idéalement, se régler à la source, en tendant une main vers les autres et réciproquement. 

Cela dit, des ressources existent qui peuvent ralentir les effets de l’isolement social sur la santé. Différents services offerts dans les CLSC couvrent certains aspects. Des exemples? Le programme PIED, qui vise à prévenir les chutes chez les personnes âgées (celles souffrant d’isolement chutent plus fréquemment), des séances d’information contre la maltraitance (dont les aînés isolés sont plus souvent victimes), des ateliers sur l’alimentation, de l’aide à domicile et de l’entretien ménager, ou des programmes cherchant à faire bouger les personnes très sédentaires. Plusieurs organismes et associations communautaires proposent aussi des clubs de lecture, de marche, du jumelage et de l’accompagnement avec, souvent, un véritable effet positif. Que ce soit pour nous-même ou pour une autre personne, on peut s’informer à ce sujet auprès de notre CLSC ou du Centre d’action bénévole de notre région. 

 

Un enjeu social 

Quand on se sent isolé socialement, aller chercher de l’aide n’est pas toujours évident… Si on souhaite aider une personne qu’on pense isolée, on peut essayer de bâtir un pont avec elle et s’informer soi-même des ressources existantes. «Comme société, on a toutefois besoin de plus de ressources, soutient Dre Lebel. Heureusement, de plus en plus d’initiatives semblent bien fonctionner, comme Le Collectif aînés isolement social, à Québec, qui mise sur des travailleurs "de rue" pour repérer les personnes possiblement isolées afin de leur venir en aide.» Resserrer le tissu social, également, créer des liens de confiance, dans le respect, et amener les personnes isolées à être socialement actives. «Arriver comme société à créer un sentiment d’appartenance, à faire en sorte que nos aînés se sentent impliqués, valorisés, qu’ils sentent qu’ils contribuent, c’est essentiel», estime Valérie Lemieux. Comme société, il faudrait aussi miser sur les échanges intergénérationnels. «On doit éduquer nos enfants pour qu’ils aient une vision positive de la vieillesse», poursuit Dre Lebel. 

Au Royaume-Uni, Teresa May a récemment confié à sa ministre du Sport et de la Société civile le portefeuille de la Solitude, un nouveau ministère créé en réponse au fléau de l’isolement social, qui mine non seulement la santé des personnes touchées, mais la santé de toute une société. Une piste à explorer également au Québec? 

 

Quels impacts?

L’isolement social se manifeste par plusieurs effets sur la santé. Les principaux:

  • espérance de vie diminuée (jusqu’à 30 %);
  • troubles cardiovasculaires (hypertension, maladies coronariennes et vasculaires cérébrales);
  • dénutrition et malnutrition;
  • capacités immunitaires réduites;
  • sentiment de fatigue chronique; 
  • dépression;
  • troubles anxieux;
  • troubles du sommeil; 
  • déclin des capacités cognitives; 
  • hospitalisations et visites à l’urgence plus fréquentes.

Source: Trousse Rejoindre, comprendre et accompagner les personnes aînées isolées socialement (FADOQ Québec et Chaudière-Appalaches). 

 

Des chiffres parlants 

  • 16 % des aînés se sentent isolés parfois ou souvent.
  • 6 % passent peu ou pas de temps en compagnie d’une personne avec qui ils peuvent s’adonner à des activités plaisantes.
  • 5 % ne peuvent compter que rarement, voire jamais, sur quelqu’un pour les écouter.
  • Plus de 8 % ne peuvent compter que rarement, voire jamais, sur quelqu’un à qui demander conseil au sujet d’une situation difficile.
  • 3,9 % font rarement, voire jamais, l’objet d’un témoignage d’amour ou d’affection.
  • 6 % ne peuvent compter que rarement, voire jamais, sur quelqu’un avec qui faire une activité plaisante.
  • 6 % ne participent que rarement, voire jamais, à des activités avec des membres de leur famille ou des amis.

Source: Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (Statistique Canada, 2016).

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