Trois mesures principales y figurent: un accès rémunérateur à la retraite progressive, une bonification de la rente de retraite du Régime de rentes du Québec (RRQ) pour les retraités travailleurs et un assouplissement de certaines règles administratives du RRQ.
Le projet de loi 68 cherche à prévenir la pénurie de main-d’œuvre qui frappera le Québec de plein fouet dans moins de 20 ans si rien n’est fait aujourd’hui. Déjà, les entreprises éprouvent des difficultés de recrutement. Pas surprenant: d’ici 3 ans, 700 000 postes seront à pourvoir. Et lorsque le gros des baby-boomers partira à la retraite, vers 2021, le choc sera encore plus considérable. Or, quand on ne trouve pas de nouveaux travailleurs à embaucher, que fait-on? On demande aux vétérans de demeurer au boulot. Mais il faut les y convaincre en éliminant les difficultés financières, ce à quoi s’attaque le projet de loi.
Précisons tout de suite: au moment de mettre sous presse, l’Assemblée nationale n’avait pas adopté le projet de loi 68. Lorsque vous lirez cet article, il est possible que des modifications y aient été apportées. Tout de même, il vaut la peine de s’y arrêter dès maintenant.
Accès rémunérateur
Le projet de loi 68 introduit dans la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (RCR) des dispositions qui faciliteront l’accès à la retraite progressive. Ces modifications visent les travailleurs âgés de 55 ans et plus qui ont droit à une pleine prestation de retraite, sans pénalité actuarielle, et ceux âgés de 60 ans et plus sans autre condition. Les personnes actuellement à la retraite et qui désirent retourner sur le marché du travail pourront aussi en bénéficier. Ce qui est prévu: les employés pourront choisir de travailler à temps partiel et recevoir jusqu’à 60% des prestations de leur RCR; avec la collaboration d’Ottawa, le gouvernement du Québec peut enfin lever l’interdiction de cotiser à un RCR à partir du moment où un travailleur commence à toucher des prestations de retraite. Résultat: les années de service additionnel bonifieront la rente des travailleurs qui optent pour la retraite progressive.
Travailler moins, gagner plus!
Les tableaux ci-dessous montrent comment 2 travailleurs, l’un âgé de 55 ans et l’autre, de 60 ans, peuvent améliorer leurs revenus s’ils décident de devenir des «retraités progressifs». Les calculs sont fondés sur les hypothèses suivantes:
- les 2 travailleurs acceptent un emploi à temps partiel qui leur rapporte 30 000$ par année. À temps plein, leur salaire était de 50 000$;
- ils ont droit chacun à une rente de 35 000$ par année de leur RCR, de sorte qu’ils peuvent recevoir 21 000$ pendant qu’ils travaillent à temps partiel (35 000$ x 60% = 21 000$);
- en plus de la rente de son RCR, le travailleur de 60 ans touche la rente maximale de retraite du Régime de rentes du Québec (RRQ) prévue pour cet âge, soit 7 431$ par année;
- ces données sont basées sur les valeurs de 2008 et ne tiennent compte d’aucune indexation.
Travail 3 jours/semaine | Plein temps | Pleine retraite | |
À 55 ans | |||
Salaire | 30 000 $ | 50 000 $ | 0 $ |
Rente employeur | 21 000 $ | 0 $ | 35 000 $ |
Total annuel | 51 000 $ | 50 000 $ | 35 000 $ |
Travail 3 jours/semaine | Plein temps | Pleine retraite | |
À 60 ans | |||
Salaire | 30 000 $ | 50 000 $ | 0 $ |
Rente employeur | 21 000 $ | 0 $ | 35 000 $ |
Rente RRQ | 7431 $ | 0 $ | 7 431 $ |
Total annuel | 58 431 $ | 51 000 $ | 42 431 $ |
* Les calculs sont valables pour la tranche d’âge de 60 à 65 ans.
Source : Régie des rentes du Québec.
Comme on peut le constater, le travailleur âgé de 55 ou de 60 ans qui choisit un emploi à temps partiel gagnera plus que s’il demeurait à temps plein, et bien davantage que s’il prenait une pleine retraite. L’avantage financier de la retraite progressive est donc évident.
Et les employeurs?
Et les employeurs?
Mais les employeurs s’engageront-ils dans l’aventure? En effet, le projet de loi 68 ne contraint pas les entreprises à dire oui à la retraite progressive. Si elles refusent de participer, tout s’arrête là. Cependant, on sent une ouverture de leur part. Le Conseil du patronat du Québec, par exemple, a accueilli très positivement le projet de loi 68. «La formule incitative et volontaire présentée par le gouvernement Charest pour favoriser la retraite progressive est une formule gagnante/gagnante», a déclaré l’organisme patronal.
Pour l’instant, l’encouragement à la retraite progressive ne s’appliquera qu’aux travailleurs du secteur privé, des sociétés d’État, des municipalités et des universités. Le gouvernement entreprendra bientôt des négociations à ce sujet avec les syndicats de la fonction publique et parapublique. Quant aux milliers de travailleurs québécois qui ne cotisent pas à un RCR, ils ne pourront malheureusement pas profiter des bienfaits de la retraite progressive.
Par ailleurs, le projet de loi 68 comprend des mesures qui facilitent les liens entre les retraités et leur association. S’il survenait une modification au régime qui nécessite leur avis, les retraités, de même que les participants non syndiqués, seraient informés de l’existence d’une association qui les représente.
Bonification de la rente
Autre bonne nouvelle, universelle celle-là: le projet de loi 68 propose une augmentation de la rente de retraite du RRQ pour tous les retraités qui continuent de travailler à temps plein ou partiel après 60 ans.
Le montant de la bonification est fonction du revenu de travail, sans limite de temps. Elle sera pleinement indexée chaque année. Cela signifie qu’un retraité travailleur qui demeure à l’ouvrage jusqu’à 80 ans, par exemple, verra sa rente du RRQ s’apprécier durant ces 20 ans. Le tableau ci-dessous donne un aperçu du supplément que toucheront les retraités qui restent ou retournent au travail.
Revenu annuel de travail après la retraite | Cotisation au RRQ (part de l’employé) | Bonification annuelle |
5 000 $ | 74,25 $ | 7,50 $ |
10 000 $ | 321,75 $ | 32,50 $ |
15 000 $ | 569,25 $ | 57,50 $ |
20 000 $ | 816,75 $ | 82,50 $ |
23 500 $ | 990,00 $ | 100,00 $ |
25 000 $ | 1 064,25$ | 107,50 $ |
30 000 $ | 1 311,75 $ | 132,50 $ |
35 000 $ | 1 559,25 $ | 157,50 $ |
40 000 $ | 1 806,75 $ | 182,50 $ |
44 900 $ et plus | 2 049,30 $ | 207,00 $ |
L’effet de la double bonification
Reprenons l’exemple du «retraité progressif» de 55 ans qui opte pour un emploi à temps partiel durant 10 ans. Sa participation au marché du travail se traduira par une double amélioration de ses rentes: celle de son RCR et celle du RRQ. S’il décide de prendre une pleine retraite à 65 ans, il recevra 98 % des revenus qu’il gagnait lorsqu’il travaillait à temps plein. Le tableau L’effet de la double bonification ci-dessous donne le détail du calcul.
Retraite complète à 65 ans | |
Rente du RCR | 35 000 $ |
Bonification de la rente du RCR | 6 000 $ |
Rente du RRQ | 7 431 $ |
Bonification de la rente du RRQ | 663 $ |
Total annuel | 49 094 $ |
Source: Régie des rentes du Québec
En bonifiant la rente de retraite du RRQ, le gouvernement corrige une injustice. Actuellement, tout retraité qui retourne sur le marché du travail doit recommencer à cotiser au RRQ dès que son salaire dépasse 3 500$. S’il ne reçoit pas la rente maximale du RRQ prévue pour son âge, il peut l’améliorer en remplaçant des années passées de faibles cotisations par des années de cotisations plus élevées. C’est logique et équitable.
Par contre, si ce retraité travailleur touche la rente maximale du RRQ, ou si ses nouvelles contributions ne sont pas assez élevées pour remplacer des années de cotisations plus faibles, il n’améliorera pas sa rente. Ses cotisations ne feront que financer les prestations d’autres bénéficiaires. La solidarité, mais dans une seule direction, quoi. Le projet de loi 68 abolit donc cette iniquité. Notez que, en cas de décès du retraité travailleur, la bonification de la rente ne sera transférable ni au conjoint survivant ni aux orphelins.
Cette générosité du régime public s’accompagnera-t-elle d’une hausse des cotisations? Pas d’ici 2030, a promis l’actuaire en chef de la Régie des rentes du Québec.
Plus de souplesse
Plus de souplesse
Le projet de loi 68 contient plusieurs modifications qui assoupliront le mode de fonctionnement du RRQ. Ainsi:
- vous pourrez demander votre rente de retraite en téléphonant à la Régie. Actuellement, vous êtes tenu de faire une demande écrite;
- en cas de disparition ou d’absence du cotisant, le RRQ accordera une rétroactivité de 36 mois pour les rentes de conjoint survivant et d’orphelin;
- la Régie cessera de considérer les caractéristiques socioprofessionnelles (scolarité, formation, profil de carrière, etc.) lorsqu’elle déterminera si vous êtes admissible à une rente d’invalidité.
En rencontre de presse, le ministre Sam Hamad, parrain du projet de loi 68, a dit qu’il était important de créer une conciliation travail-retraite. Son projet de loi est un premier pas en ce sens. «Le travail doit être payant et attrayant», a-t-il souligné. Outre le Conseil du patronat, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale peut compter sur l’appui du réseau FADOQ et sur celui de la Fédération des associations de retraités du Québec. «Nous sommes heureux de constater que le gouvernement reconnaisse enfin la nécessité d’agir pour favoriser la retraite progressive chez les travailleurs qui le désirent», a déclaré Ernest Boyer, président du réseau FADOQ.
Reste à voir comment l’opposition réagira. Le ministre Hamad a indiqué que des modifications au projet de loi 68 étaient presque inévitables, mais il gardait bon espoir que les dispositions clés resteraient intactes. Si tout se déroule comme prévu, les mesures annoncées entreront en vigueur dès le 1er janvier 2009. À suivre!
Mise à jour: juin 2008
Commentaires: