Hormonothérapie: oui ou non?

Hormonothérapie: oui ou non?

Par Suzanne Décarie

Crédit photo: iStockphoto.com

Il y a quelques années, on prescrivait l’hormonothérapie à toutes les femmes en ménopause, ou presque, en vantant ses bienfaits: soulagement des symptômes, protection contre la perte osseuse et les maladies cardiovasculaires, ralentissement du vieillissement des tissus, prévention du cancer du côlon, de la maladie d’Alzheimer...

Puis, en 2002, l’étude américaine Women’s Health Initiative (WHI), menée auprès de plus de 160000 femmes de 50 à 79 ans, a montré que l’hormonothérapie augmentait les risques de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral, de cancer du sein et de démence. Résultats: nombre de médecins ont conseillé à leurs patientes de l’abandonner, ce que 50% des utilisatrices nord-américaines ont fait.

Mais voilà qu’en janvier dernier, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada publiait de nouvelles directives cliniques sur la ménopause. Après une analyse fouillée des données, la SOGC concluait que «l’hormonothérapie est une option viable et sûre pour bon nombre de femmes, pourvu qu’elle soit mise en œuvre au début de la ménopause et qu’elle serve, à court terme, à soulager des symptômes occasionnant des difficultés».

Peu après, le New England Journal of Medicine diffusait les résultats d’une recherche démontrant que le traitement hormonal, composé d’une combinaison d’œstrogène et de progestérone, augmentait bel et bien le risque de cancer du sein! De quoi y perdre son latin...

Le risque de cancer du sein expliqué


«On savait bien avant l’étude américaine que les femmes qui suivent une hormonothérapie (HT) durant plus de quatre ans augmentent légèrement leur risque de cancer du sein», souligne la Dre Sylvie Dodin, professeure au Département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université Laval, directrice du Centre Ménopause Québec, chercheuse clinicienne et consultante en santé publique. On parle d’une hausse de 26% de risque de cancer du sein après 4 ans d’utilisation. «Cela signifie que, sur 10000 femmes qui ne prennent pas d’hormones, 20 auront un cancer du sein alors que sur 10000 qui prennent des hormones, 26 en développeront un», explique la Dre Dodin. L’hormonothérapie serait donc responsable de 6 cas de plus de cancer du sein par tranche de 10000 femmes par année: voilà ce que montrent les études. «En tant qu’épidémiologiste en santé publique qui s’adresse à l’ensemble de la population, je dirais que l’hormonothérapie ne devrait pas être prescrite à toutes les femmes à la ménopause parce qu’on élève leur risque de cancer du sein, sans diminuer le risque de maladies cardiovasculaires comme on le croyait autrefois», poursuit-elle.

Mais son attitude change quand elle se trouve devant une femme qui a des bouffées de chaleur à n’en plus finir, qui se réveille fatiguée ou ne dort pas la nuit, ne fait plus d’exercice par crainte de nouvelles bouffées de chaleur, ne surveille plus son alimentation parce qu’elle est déprimée et gagne du poids... «Elle a le droit de prendre une décision éclairée par rapport à l’hormonothérapie, dit-elle. Surtout si elle ne fait plus d’exercice: elle va prendre du poids... ce qui augmente son risque de cancer du sein!»

«Les effets nocifs de l’hormonothérapie sont restreints, insiste le Dr Michel Fortier, professeur au département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université Laval et coauteur de la mise à jour des avis médicaux au sujet de la ménopause. C’est ce qu’il y a de meilleur pour soulager les symptômes vasomoteurs – bouffées de chaleur, troubles du sommeil... Et il y a une réaction en chaîne: une fois cet aspect réglé, plusieurs symptômes s’atténuent.»

Hormonothérapie: pour qui?

Pistes de réflexion


Pour minimiser les désagréments de la ménopause, on révise d’abord ses habitudes de vie: alimentation saine, poids santé, abandon du tabagisme, activité physique, consommation modérée d’alcool...

Malgré tout, certaines femmes seront aux prises avec des symptômes incommodants. Plusieurs se tournent alors vers les produits naturels, «même si les études montrent qu’ils sont aussi efficaces qu’un placebo», note le Dr Fortier. «S’ils soulagent, pourquoi s’en priver?», demande pour sa part Sylvie Dodin qui suggère toujours à ses patientes qui présentent des symptômes moyens d’essayer les oméga-3 (3 doses de 1 g par jour) et le millepertuis (500 mg 3 fois par jour), avant de se tourner vers l’hormonothérapie. On essaie une chose à la fois pendant au moins huit semaines pour être en mesure de voir s’il y a des résultats, et lesquels.

«On vient de faire une étude aux résultats intéressants avec le millepertuis, remarque-t-elle. On note une amélioration de la qualité de vie, des humeurs, du sommeil et des bouffées de chaleur, mais jamais autant qu’avec l’hormonothérapie. On a aussi des résultats avec les oméga-3 qui ont des effets sur les bouffées de chaleur, tout en ayant un profil de bénéfices pour les maladies cardiovasculaires.» Si la sécheresse vaginale est le principal symptôme, «on le traite efficacement avec des produits hormonaux, assure le Dr Fortier. Comme l’application est locale, les hormones ne sont pas absorbées dans le système.».

HT: pour qui?


Toutes les femmes n’ont pas besoin d’hormonothérapie. «Environ 20% des femmes traversent la ménopause sans aucun symptôme, alors qu’un autre 20% éprouvent des symptômes si sévères qu’elles ne s’endurent plus, soutient le Dr Fortier. Il reste quelque 60% de femmes qui ont des symptômes moyens, assez importants pour que certaines demandent un soulagement, alors que d’autres les endurent.»

«En général, le corps s’habitue à son nouvel état hormonal, explique la Dre Dodin. Dans les trois ou quatre ans qui suivent l’arrêt des règles, les femmes qui ont des symptômes pas trop dérangeants les verront s’estomper ou s’y habitueront.» Les bouffées de chaleur sont le symptôme le plus associé à la ménopause. Les troubles du sommeil, les sautes d’humeur, l’irritabilité, l’anxiété, les pertes de mémoire, les problèmes de concentration, la sécheresse vaginale, la fatigue, la baisse de libido, le gain de poids font aussi partie du portrait.

Il revient à chacune d’évaluer à quel point ses symptômes perturbent sa qualité de vie et de discuter avec son médecin des risques et bénéfices de l’hormonothérapie. «Celles qui la craignent peuvent très bien l’essayer pendant quelques mois pour voir si ça améliore leur qualité de vie, suggère la Dre Dodin. Bouffées de chaleur, troubles du sommeil, troubles de l’humeur: chez certaines, les résultats sont spectaculaires. Nous prescrivons maintenant des doses deux fois plus faibles que celles que l’on donnait dans la fameuse étude américaine. On a donc moins de chances d’accroître le risque de cancer du sein.»

Comme ce risque augmente après quatre ans d’hormonothérapie, on la donne le moins longtemps possible. «À l’arrêt de l’hormonothérapie, une femme sur deux verra ses symptômes diminuer doucement et devenir tolérables», constate la Dre Dodin. Celle dont les symptômes perturbants persistent réévaluera avec son médecin les risques et les avantages d’une reprise du traitement. «C’est du cas par cas», insiste le Dr Fortier qui rappelle que plusieurs femmes ont délaissé les hormones et se sont mis à prendre des somnifères et des antidépresseurs pour traiter leurs symptômes... «C’est une question de choix éclairé, conclut la Dre Dodin. Des risques, on en prend chaque jour!»

Pour faire image


Le Dr Michel Fortier compare la ménopause à l’atterrissage d’un avion. L’avion décolle, c’est la puberté. Il lui faut une trentaine de minutes de montée, avant d’atteindre son altitude de croisière: c’est l’adolescence, qui dure de six à huit ans. Puis il file, avant d’amorcer sa descente, qui prend aussi une trentaine de minutes: ce sont les six à huit ans de la périménopause qui se manifeste généralement entre 40 et 45 ans par l’apparition de certains symptômes. L’avion touche terre, c’est la ménopause: les ovaires ne fonctionnent plus, les règles ont disparu depuis 12 mois consécutifs.

Mise à jour: juin 2009

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