Même si elle a été pénible pour plusieurs, la pandémie nous a aussi permis de ralentir. Petit guide pour revenir à la normale… en douceur.
Avant que le vilain virus n’envahisse la planète, Martine, 54 ans, jonglait comme beaucoup d’autres entre ses obligations familiales, professionnelles et personnelles. Mère d’une ado et d’un préado, proche aidante d’une tante de 82 ans habitant seule non loin de chez elle à Sainte-Thérèse, elle partageait son temps entre les devoirs, les tâches ménagères, les activités parascolaires, les coups de pouce à sa tante, ses fonctions bénévoles à l’école de son plus jeune et son boulot à Montréal, pour lequel elle devait passer plus de deux heures chaque jour en transport. «Bref, j’avais énormément de broue dans le toupet, mais c’était ma routine, et je l’avais acceptée parce que je tenais à ce que mes enfants grandissent en banlieue.»
Il va sans dire que, quand la pandémie a forcé l’annulation des activités sportives et parascolaires et obligé le télétravail, Martine a «fait une danse de la joie», même si elle a dû se transformer en enseignante à domicile. «Soudainement, c’était un peu la vie rêvée: exit le trafic, le taxi à faire pour que les enfants aillent voir leurs amis, davantage de temps de qualité avec eux. Même si c’était dur de ne pas visiter ma tante, on s’est créé de nouveaux rituels en se parlant souvent sur FaceTime. Je mentirais de dire que j’ai hâte de retourner au bureau, même si j’adore mes collègues, et à un agenda social bien rempli.»
Une appréhension normale
Que Martine se rassure: bien des gens redoutent, comme elle, la reprise des activités en tous genres… et les obligations qui viennent avec. «La pandémie nous a forcés à nous adapter, a suscité de l’anxiété, mais elle nous a aussi apporté des bienfaits, confirme la psychologue clinicienne Geneviève Beaulieu-Pelletier, aussi professeure associée à l’UQAM. Plusieurs ont découvert durant ces longs mois un rythme très agréable qui leur a permis de prendre soin d’eux et de resserrer les liens familiaux, même si ça n’a pas toujours été facile d’être constamment ensemble et d’intégrer des activités qu’ils n’avaient pas le temps de faire auparavant. Alors oui, c’est normal d’appréhender le retour au rythme effréné d’avant la pandémie.»
On a ainsi réalisé qu’on pouvait vivre autrement qu’à 100 milles à l’heure et carburer à autre chose qu’à la performance. Une leçon que Martine a retenue. «Avant, il me fallait faire bonne figure dans toutes les sphères de ma vie. Aujourd’hui, si ma tante – que j’adore mais qui est très exigeante – se plaint d’un service rendu, je ne m’en soucie plus. Si les profs de mes enfants me reprochent de ne pas assez travailler telle ou telle matière avec eux, je leur réponds que je fais de mon mieux. Je. Lâche. Prise.»
Le simple fait de ne pas se sentir pressé par le temps, de passer de bons moments en famille, de cuisiner et de manger ensemble a eu une incidence positive sur notre bien-être et notre santé mentale, rappelle Geneviève Beaulieu-Pelletier. «Cette parenthèse nous a aussi permis de faire certaines prises de conscience, d’avoir du recul sur notre vie, ce qui est moins évident quand on est pris dans le quotidien, note la psychologue. Elle nous a donné du temps pour réfléchir à nos valeurs, nos priorités, pour mesurer à quel point certains liens nous sont chers et significatifs. En outre, elle a mis en lumière les inconforts et le mal-être qui étaient déjà présents, mais que la pandémie a exacerbés.»
Reprendre le collier à son rythme
Autant on a eu besoin de s’adapter au confinement, autant retourner à la vie d’avant exigera une adaptation, prévient la psychologue Véronique Guérin, qui pratique à Granby: «Certaines personnes reprendront leur routine habituelle du jour au lendemain sans trop de problèmes, mais la règle d’or devrait être de respecter son propre rythme et de se poser les bonnes questions pour mieux cerner nos priorités.»
Prônant une approche axée sur les solutions, Mme Guérin suggère d’aborder le tout comme on le ferait avec n’importe quel changement. «Que souhaite-t-on, au juste? Qu’est-ce que la pandémie nous a apporté qu’on aimerait conserver? Que désire-t-on écarter de sa vie? Ressent-on le besoin de reprendre le collier sans rien changer ou plutôt d’adopter une cadence plus en harmonie avec nos valeurs et priorités?» On peut ensuite se fixer des objectifs à atteindre en ce sens.
Bien sûr, tous n’ont pas le luxe de déménager à la campagne, de rester à 100 % en télétravail ou d’embaucher une infirmière à domicile pour soulager leurs tâches de proche aidant. «Mais on peut tous se demander ce qu’on pourrait intégrer comme modifications à son quotidien, explique Geneviève Beaulieu-Pelletier. Et ça n’a pas besoin d’être majeur. De petits changements peuvent véritablement faire une différence. On s’est découvert une nouvelle passion ou on a repris un sport, une activité délaissée? Comment peut-on la poursuivre? On ne pourra peut-être pas s’y adonner aussi fréquemment, mais on peut sûrement la garder à l’horaire. L’important est de se ménager des moments de plaisir au quotidien. Il peut simplement s’agir de mettre la musique à fond et de danser ou encore de lire un bon roman. S’accorder ces instants de plaisir est vital et contribue à réduire les signes d’anxiété et de dépression.»
On sent la petite voix de la culpabilité nous souffler à l’oreille? On lui ordonne alors de se taire! «Souvent, on se sent coupable vis-à-vis du regard d’autrui, révèle la psychologue et professeure. Que penseront les gens si je ne reviens pas au même rythme qu’avant? Accepter l’idée que chacun a son propre rythme nous évite de se juger les uns les autres. Sans en être toujours conscient, on emmagasine en nous des façons de faire d’autres personnes ou qui répondent à leurs attentes. Mais plus on demeure cohérent avec ce qu’on est, moins on aura tendance à se sentir coupable.»
C’est ainsi que Martine a décidé d’abandonner ses activités de bénévolat. «Ça me fait de la peine, car je m’étais attachée aux jeunes, mais j’ai décidé de privilégier ma santé mentale.» Un conseil que Véronique Guérin donne aussi aux proches aidants: «On devrait toujours prioriser notre bien-être, car il est indispensable. Par ailleurs, s’occuper de soi aide à s’occuper des autres. Maintenant que les sorties et les rencontres sont permises, les aidants devraient se mobiliser pour se réactiver, briser leur isolement. Ils peuvent le faire à petites doses. Aller prendre un café. Voir un film. S’inscrire à une activité de groupe, etc.»
Et l’agenda social?
Alors que les restrictions sanitaires sont levées (du moins, au moment d’écrire ces lignes), les invitations recommencent à pleuvoir. Mais ce n’est pas tout le monde qui a envie de renouer avec les soupers, la bise, les discussions sur la pluie et le beau temps, le gros party de Noël. Sans compter qu’après 15 mois confinés dans notre bulle, on s’est peut-être rendu compte que certains amis ne nous manquaient pas vraiment. Comment faire le tri sans se sentir mal?
«D’abord, on investit les relations qui nous nourrissent, où les gens s’apportent quelque chose mutuellement, qui nous permettent de nous éclater, suggère Geneviève Beaulieu-Pelletier. Les relations sociales sont énergivores et ce n’est pas parce qu’elles comblent un besoin fondamental qu’elles ne sont pas exigeantes. On peut très bien refuser des invitations en précisant qu’on est dans une période de notre vie où on a davantage envie d’investir son énergie dans sa famille, son couple, le sport ou des projets personnels, par exemple. Il faut aussi avoir de la compassion envers soi-même et se donner le droit de décliner des invitations, de ne pas relancer les gens.»
Cela vaut aussi pour la vie sociale virtuelle. «J’ai décidé de supprimer mon compte Facebook, mentionne Martine. Il grugeait beaucoup de temps et ne m’apportait pas grand-chose. J’y ai gagné de précieuses heures. Par contre, avec ma tante, on a décidé de continuer nos conversations FaceTime. Elle adore ça maintenant. Et ça lui permet de ne pas s’ennuyer entre deux visites en personne. C’est toujours ça de gagné!»
Pour se redynamiser
Pas facile de se sortir de la langueur induite par la pandémie. Les trucs suivants pourraient nous aider à y parvenir.
1. Se lever un peu plus tôt.
«Trop de sommeil ou de repos finit par avoir l’effet contraire et nous fatiguer, indique Véronique Guérin. Au début, c’est plus difficile, mais le corps va s’adapter et l’énergie, revenir.»
2. Se réactiver. Encore là, en y allant graduellement.
«Ce qu’on ne veut pas, c’est éviter les contacts sociaux ou la reprise de nos activités», résume Geneviève Beaulieu-Pelletier. Ainsi, au lieu de soupers entre amis, on commence par un apéro ou un café. Si on a arrêté le sport, on s’y remet en se fixant des objectifs réalistes et atteignables.
3. Troquer l’alcool pour l’eau.
La fatigue est un des premiers signes que le corps est déshydraté, et il n’y a rien de mieux que l’eau pour le réénergiser. Comme l’alcool a un effet sédatif, on gagne à boire avec modération. Allez, on trinque à la fin prochaine de la pandémie avec un mocktail!
Très bon article à consulter surtout en période de COVID.
Bonne lecture et Merci!