Gare aux ITSS!

Gare aux ITSS!

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStock

Personne n’est à l’abri d’une infection transmise sexuellement et par le sang (ITSS). Même les personnes de 50 ans et plus n’y échappent pas. Pourtant, le sujet reste tabou. Et si on en parlait sans gêne?

Bon an, mal an, on note une hausse inquiétante des ITSS, qu’on appelait autrefois MTS (maladies transmissibles sexuellement). Les femmes et les hommes âgés de 50 ans ne sont pas épargnés. Parmi le nombre de cas déclarés au Québec dans ce groupe d’âge en 2021, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a recensé entre autres 706 chlamydias, 706 infections gonococciques, 495 hépatites C et 179 syphilis infectieuses. Comment expliquer cela ? Les raisons sont multiples.  

Une population à risque  

La vie sexuelle ne disparaît pas en vieillissant. Après le décès de leur conjoint(e) ou une séparation, de nombreux aînés souhaitent retrouver une intimité amoureuse. Les boomers seraient d’ailleurs nombreux à fréquenter les sites de rencontre. Reste que s’engager dans une nouvelle relation implique aussi d’éventuels rapprochements sexuels. Discuter de prévention des ITSS avec son nouveau partenaire, occasionnel ou non, afin de se protéger et d’éviter la transmission devient crucial. Hélas, ça ne va pas de soi pour tout le monde. 

La gêne et les tabous entourant la sexualité des personnes âgées justifient en partie leur inconfort et leur grande vulnérabilité aux ITSS. Mais il y a plus : « Chez les 50 ans et plus, il y a souvent une méconnaissance des ITSS, indique Stéphanie Vermette, conseillère en santé publique. À leur défense, il faut dire que les campagnes de sensibilisation ciblent les jeunes. Et ils n’ont pas tous eu accès à des cours d’éducation sexuelle. » Cela pourrait expliquer que bon nombre d’entre eux ne se considèrent pas susceptibles de contracter des ITSS, ce qui les incite à adopter des comportements à risque et à négliger le dépistage.  

Les croyances ont aussi la vie dure. «Certaines personnes croient encore qu’un partenaire gentil, bien élevé, sans lésion apparente au niveau des organes génitaux ne risque pas de leur refiler une ITSS», ajoute Mme Vermette. En réalité, se fier aux apparences pour évaluer les risques est une très mauvaise idée. Selon le Dr Réjean Thomas, fondateur de la clinique L’Actuel, certaines ITSS sont asymptomatiques durant plusieurs mois, voire des années. Il est donc possible d’être infecté ou de transmettre l’infection, même après une seule relation sexuelle non protégée, et ce, sans le savoir.    

Mais de quelles maladies s’agit-il? 

Il existe trois catégories d’infections transmises sexuellement: celles d’origine parasitaire (morpions, trichomonase), bactérienne (chlamydia, gonorrhée, syphilis) et virale (herpès génital, VIH, hépatites B et C et VPH). La transmission se fait notamment lors du contact avec des liquides corporels comme le sang, le sperme et les sécrétions vaginales d’une personne infectée ou du partage de jouets sexuels ou de matériel non stérilisé (injection de drogues, tatouage, perçage).  

La bonne nouvelle: la plupart des ITSS peuvent se guérir à l’exception des infections virales, qui se contrôlent avec des traitements adéquats. Mais pas question de les banaliser pour autant. Les ITSS peuvent entraîner de graves complications telles que des douleurs abdominales persistantes, des atteintes neurologiques, voire certaines formes de cancer si elles ne sont pas identifiées et traitées rapidement.  

Mais encore faut-il être capable d’en parler. «Bien des gens s’abstiennent de discuter de leurs inquiétudes par rapport aux ITSS avec un professionnel de la santé par timidité ou par crainte d’être étiquetés ou incompris», reconnaît Stéphanie Vermette.  

Il faut toutefois admettre que la sexualité des aînés est encore peu abordée par les médecins et le personnel médical. Selon le Dr Thomas, certains seraient même mal à l’aise de le faire. «Il y a de l’âgisme dans la population, mais aussi dans le milieu médical, comme si les aînés étaient asexués. Au contraire, les recherches démontrent que la sexualité représente une dimension importante chez les 50 ans et plus.»  

Bon à savoir: les médecins et le personnel œuvrant dans les cliniques de santé sexuelle et de dépistage des ITSS sont formés pour écouter et fournir des renseignements, des conseils et un accompagnement sans porter de jugement.    

Pas de risques inutiles  

La chimie est au rendez-vous et on veut passer à l’acte? Ouvrir la conversation sur la prévention des ITSS avec sa ou son partenaire est un must. La gêne n’a pas raison d’être. Il ne faut pas hésiter à questionner l’autre sur ses comportements pour évaluer ses risques de transmettre une ITSS. Cette personne a-t-elle eu plusieurs partenaires sexuels? A-t-elle déjà passé un test de dépistage? Quelles sont ses pratiques sexuelles? Cet homme s’objecte-t-il à porter le condom ?  

Parler du préservatif est important puisqu’il demeure l’allié numéro un contre les ITSS. Pourtant, « son utilisation n’est pas un automatisme chez les plus de 50 ans, notamment chez ceux ayant vécu longtemps avec la même personne ou à l’époque de la liberté sexuelle sans condom, note Stéphanie Vermette. C’est nouveau pour eux. Des femmes et des hommes n’osent pas demander à leur partenaire de le porter. Certaines femmes ménopausées ne voient pas non plus sa nécessité, puisque le risque de grossesse est écarté. » Un truc : négocier le port du condom en utilisant l’humour. Et pour ne pas être pris au dépourvu, s’assurer d’en avoir toujours au moins un sur soi.   

Outre le préservatif, il est recommandé d’utiliser la digue dentaire (feuille de latex) comme protection lors des contacts oraux/génitaux. Les vaccins contre l’hépatite B et le VPH, peuvent aussi être considérés, surtout lors des voyages. Sans oublier les tests de dépistage. 

Dépister, sans hésiter 

La relation devient plus sérieuse entre Paul et Marie de sorte que le couple voudrait arrêter d’utiliser des condoms? Nadine a eu une relation sexuelle non protégée avec une personne infectée? Marc a plusieurs partenaires sexuels? Lison présente des symptômes d’ITSS ? Voilà autant de raisons pour se soumettre régulièrement à un test de dépistage, idéalement une fois par année ou plus selon les facteurs de risque de chacun.  

«La majorité des ITSS peuvent être identifiées par le dépistage, précise le Dr Thomas. Selon le type d’infection, les tests peuvent être effectués à partir de l’urine, du sang ou des sécrétions (vaginales, anales, etc.). C’est simple, facile et non douloureux.» Pour ce faire, il est possible de prendre rendez-vous dans un centre de prélèvement public, comme un CLSC, sur Clic Santé. Les tests sont gratuits. Une personne peut également se présenter à une clinique spécialisée en ITSS, où elle pourra rencontrer confidentiellement des professionnels spécialisés. Enfin, différentes entreprises médicales peuvent être approchées en ligne. Par exemple, le site Tontest.ca propose de remplir un questionnaire d’autoévaluation avant d’envoyer une prescription pour un prélèvement, moyennant des frais de 55$. Pour les personnes timides, il s’agit donc d’une option à considérer. 

Plus question de prendre des risques. 

Deux ITSS à surveiller  

La chlamydia, causée par la bactérie Chlamydia trachomatis, ne provoque généralement pas de symptômes. Dans le cas contraire, mentionnons : écoulement purulent, clair ou laiteux du pénis, sensation de brûlure en urinant, douleur ou enflure aux testicules chez les hommes, et du côté des femmes, saignements entre les menstruations ou après les relations sexuelles, douleurs abdominales, relations sexuelles douloureuses, douleur en urinant ou pertes vaginales anormales. La chlamydia se traite à l’aide d’antibiotiques. Il s’agit de l’ITSS la plus fréquente chez les personnes âgées de 50 ans et plus. 

La gonorrhée, causée par la bactérie Neisseria gonorrhoeae, est souvent asymptomatique. Les hommes sont toutefois plus sujets à avoir des symptômes que les femmes. Chez ceux-ci, ils apparaissent sous forme d’écoulement épais, jaunâtre ou verdâtre du pénis accompagné de douleur, d’une sensation de brûlure en urinant, de douleur aux testicules et d’infection à l’anus se manifestant par un écoulement, des picotements et, parfois, l’évacuation douloureuse des selles accompagnée de saignement. Chez les femmes, les symptômes sont sensiblement les mêmes que pour la chlamydia. Elles peuvent aussi présenter une infection à l’anus en cas de relation anale. La gonorrhée se traite avec des antibiotiques et, parfois, une injection de pénicilline.  

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