Brrr et grrr… L’hiver se pointe le nez avec son lot de pépins en tous genres: grippes, trottoirs verglacés, blues, sans compter le temps des Fêtes, qui n’est pas toujours facile à traverser quand on se sent isolé. Pour Anne, que les changements de saisons perturbent autant que les dérèglements hormonaux, les mois d’octobre à avril sont une période de grande noirceur, où elle se morfond. «Ça me donne juste l’envie d’hiberner», avoue la quinquagénaire.
Être tristounet dès que les feuilles se mettent à tomber n’a rien d’exceptionnel, assurent les experts. «Il est tout à fait normal à l’automne d’avoir le moral plus fragile et de se sentir davantage fatigué», confirme la psychologue Nancy Poirier. C’est l’avalanche toutefois quand on n’arrive plus à fonctionner normalement et que la solitude nous étouffe. L’humeur dépressive serait deux fois plus fréquente chez les personnes âgées que chez les jeunes, nous apprend le Dr José A. Morais, directeur de la division de gériatrie du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). «On pense que c’est associé aux nombreux deuils auxquels on doit faire face avec l’âge: perte d’amis, du conjoint, des capacités fonctionnelles, isolement, douleur (arthrite, problèmes de dos, etc.).» Heureusement, plusieurs solutions existent pour combattre le spleen!
La lumière au bout du tunnel
À défaut de clarté, on se fane comme une fleur. Même si le manque de lumière n’est pas un facteur direct de notre humeur maussade, il joue un rôle essentiel sur notre santé physique et mentale. «La lumière contribue à produire des hormones au niveau du système nerveux central, ce qui augmente notre humeur», explique le Dr Morais. Pour illuminer nos journées, Nancy Poirier recommande de faire entrer le soleil à flots, autant que possible bien sûr, dans notre maison ou notre condo. «Ainsi, on stimule notre cerveau mine de rien, et on risque d’être moins déprimé.» On veut imiter notre voisin qui fait bronzette devant sa lampe solaire chaque jour pendant la saison froide? «Le simple fait d’agir contre la dépression peut s’avérer en soi thérapeutique, nuance le Dr Morais. Cependant, quand on est dépressif, la lumière seule ne suffira pas à nous guérir. Il y a lieu alors de se tourner vers d’autres solutions, comme sortir, voir des gens ou encore suivre une thérapie.» À tout le moins, avant de faire l’acquisition d’une lampe de luminothérapie, on consulte notre médecin puisqu’il pourrait y avoir des contre-indications dues à notre condition.
Actif comme une souffleuse
Une bonne façon d’éviter d’être enseveli sous une bordée de pensées sombres est de bouger. «Des études de ces dix dernières années démontrent que l’activité physique joue un rôle extrêmement important, tant au niveau de notre bien-être général que dans la prévention des états dépressifs, rapporte le Dr Morais. Elle permettrait une meilleure oxygénation du cerveau et la sécrétion d’endorphines, hormones du bonheur.» Un minimum de 10 minutes par jour est nécessaire pour constater des bienfaits. «Mais idéalement, on gagne à s’exercer environ 150 minutes par semaine ou de 20 à 30 minutes par jour. Évidemment, plus on en fait, mieux c’est!» On intègre autant que possible du cardio et de la muscu, en y allant selon nos capacités. Et on adopte une activité qu’on aime pour rester motivé. La natation, par exemple. «Elle se pratique en douceur et fait bouger les quatre membres de notre corps.» La marche est également un exercice idéal que bon nombre d’entre nous peuvent pratiquer sans problème. «Marcher pendant 20 minutes est déjà suffisant pour générer des bienfaits santé.»
Pour sa part, Francine, la maman d’Anne, s’y est mise après le décès de son mari, survenu à l’automne. «Trois mois plus tard, en plein mois de janvier, j’en ai eu marre de regarder les murs. Je me suis donné un coup de pied au derrière, puis, équipée d’un podomètre, j’ai commencé à marcher tous les jours. Depuis, j’ai hâte de partir et quand je reviens, je suis fière de moi et j’ai plus d’énergie. Ma fille m’accompagne à l’occasion. Ça nous empêche de brasser des idées noires chacune dans notre coin!» Marcher seul, à deux, ou se joindre à un groupe de marcheurs, on y va avec la formule qui nous tente. L’important est d’adopter une vitesse avec laquelle on est à l’aise, conseille le docteur: «Et si on est capable d’accélérer juste assez pour générer un peu de transpiration, c’est encore mieux!» Avant d’aller marcher, on fait quelques exercices de réchauffement pour éviter les douleurs après l’effort. Idéalement, on met le nez dehors vers la fin de l’avant-midi pour faire le plein de lumière, et en jouant de prudence afin d’éviter les mauvaises chutes. Cela dit, toute activité quotidienne contribue aussi à notre mieux-être: nettoyer la maison, passer l’aspirateur, magasiner, jouer dehors avec les petits-enfants, porter des sacs d’épicerie, sortir les poubelles, aller au parc…
Panse d’ours
Notre appétit est sous influence climatique? «Le fait de ne pas s’alimenter suffisamment, par exemple, comme bon nombre de personnes âgées isolées qui n’avalent pas plus de 600 calories par jour, affaiblit le système et rend moins énergique», explique le Dr Morais. Certains, au contraire, se gavent de comfort food, de desserts, de mets gras ou salés dans le but de tromper l’ennui ou de noyer leur tristesse. Avec le sentiment de solitude ou d’inutilité qui s’ajoute parfois à ces privations ou ces excès, pas étonnant que la dépression guette comme un lanceur de balles de neige caché derrière un arbre! Pour fuir le cafard, mieux vaut ajouter au menu des aliments riches en vitamines du groupe B, qui jouent un rôle sur le cerveau: fruits, légumes, noix, céréales, poissons, lait, œufs. Afin d’éviter le manque d’énergie, on gagne surtout à varier nos repas. «Tous les aliments naturels sont bons pour la santé. C’est la combinaison de tout cela, dans des proportions suffisantes et variées, qui apporte le plus de bienfaits.»
Plus robuste qu’un igloo
Pour booster notre moral et nous distraire de nos soucis de santé, «rien de tel que des activités qui nous rendent heureux», assure Nancy Poirier. Même les gestes simples comptent pour beaucoup, comme aller au théâtre avec un ami, s’inscrire à un club social, s’offrir une journée au spa, lire à la bibliothèque avec une copine, organiser une soirée camping dans le salon avec nos petits-enfants… Multiplier les occasions de rire, ajoute la psychologue, est aussi une façon de réchauffer notre cœur endurci à l’hiver. Le sentiment d’accomplissement contribue également à enterrer notre mauvaise humeur. «Se fixer des objectifs et s’encourager à les réaliser fait naître en nous la satisfaction du devoir accompli. Et ça, c’est positif!» Nos bons gestes pour aider ou dépanner les autres, comme faire du bénévolat ou s’occuper de nos petits-enfants, sont aussi très bénéfiques. «L’essentiel est de s’engager à réaliser des projets chaque jour», confirme le Dr Morais.
En cas d’avalanche
Comme l’une des causes principales de dépression est l’isolement, la pire chose à faire pendant les mois amers (et même en tout temps!) est de se couper des autres. Particulièrement durant la période des Fêtes, où une présence peut s’avérer aussi réconfortante qu’un chocolat chaud. «Il arrive qu’on tombe dans un cercle vicieux, par exemple si on se fracture une cheville et qu’on ne reçoit pas de visite parce que nos enfants sont loin. On devient alors peureux à l’idée de ressortir et de se faire de nouveau mal, on perd l’envie de bouger, de socialiser, on s’enlise de plus en plus dans la solitude», raconte le Dr Morais. Comment savoir si on a atteint un niveau de déprime trop élevé? «Quand notre fonctionnement quotidien est affecté, par exemple si on dort ou on mange trop ou pas assez, qu’on se sent au ralenti, dans notre tête ou dans notre corps, qu’on éprouve une perte d’intérêt ou de plaisir pour les choses qu’on aime habituellement, décrit Mme Poirier. Mieux vaut dans ce cas chercher un soutien approprié.» Cela consiste, en tout premier lieu, à consulter notre médecin qui, au besoin, nous dirigera vers une aide spécialisée, comme en psychothérapie. Parce que dans le fond, se sentir aimé, soutenu et savoir qu’on compte pour quelque chose, c’est de toutes les saisons!
Qu’est-ce que j’ai?
Du blues passager à la dépression sévère, il y a autant de façons de vivre l’hiver qu’il y a de flocons de neige. Pour y voir plus clair: -> La dépression majeure est une maladie mentale qui persiste à travers les saisons et qui touche de 3 à 5 % de la population, tous âges confondus.
-> Les blues de l’hiver font qu’on a moins de pep et d’entrain, sans nous empêcher, toutefois, d’accomplir nos tâches quotidiennes.
-> Le désordre affectif saisonnier (DAS) ou les troubles affectifs saisonniers (TAS) peuvent nous ralentir, voire nous paralyser. Certains symptômes s’apparentent à ceux d’une dépression majeure, mais au printemps, ils fondent comme neige au soleil, avant de revenir l’automne suivant.
Besoin d’aide?
Pour profiter d’un service d’écoute/soutien, de référence et d’information:
– Tel-Aide: telaide.org, 514 935-1101 et Tel Aînés: tel-ecoute.org, 514 353-2463.
– Tel-Aide Québec: 418 686-2433
– Revivre, volet dépression saisonnière (offre aussi le suivi psychoéducatif): revivre.org, 1 866 738-4873
– On peut aussi vérifier si notre région offre un service téléphonique d’écoute.
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