Comment se relever psychologiquement d’une fraude?

Comment se relever psychologiquement d’une fraude?

Par Isabelle Bergeron

Crédit photo: iStock

Arnaque amoureuse, hameçonnage, investissements factices, vol d’identité: les types de fraudes financières sont nombreux. Les conséquences psychologiques aussi.

Au Canada, les fraudes sont au premier rang de tous les incidents criminels rapportés. Le plus effarant, si l’on se fie aux données fournies par le Centre antifraude du Canada, c’est que seulement 5 à 10% des gens portent plainte contre ce type de méfait. Ce que semble corroborer Benoît Dupont, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en cybersécurité: «Selon Statistique Canada, il y a eu 170 000 cas de fraudes en 2021. Mais on estime qu’il y en a eu au moins 1,5 million, sachant que la majorité des victimes ne parlent pas.»

Une montagne d’émotions

Les personnes lésées couvrent tous les pans de la société, sans égard à l’âge, à l’éducation, à la situation sociale et financière. «Il y a malheureusement beaucoup de préjugés à l’égard des victimes de fraude. On a tendance à les rendre responsables de leur sort alors qu’elles ne le sont pas», ajoute l’expert en cybersécurité.

«Quand on se fait avoir, la honte est souvent le premier sentiment qui monte à la surface», explique la criminologue Karine Mac Donald, qui a été intervenante pendant près de 20 ans au Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), organisme pour lequel elle est aujourd’hui la coordonnatrice aux relations publiques et aux communications.

Anxiété, augmentation du niveau de stress, embarras, isolement, sentiment de culpabilité: «On minimise souvent les effets psychologiques d’une fraude financière, affirme la criminologue. Pourtant, la perte d’argent peut signifier devoir faire une croix sur ses projets de retraite. Et la fraude amoureuse est souvent la plus dévastatrice, car la victime perd une relation émotionnelle, en plus d’une partie ou de la totalité de ses économies.» Heureusement qu’il y a des pistes pour amener les victimes à traverser la tempête.

CONSEILS DE PROS POUR S’EN SORTIR

Mené par la firme Innovative Research Group en 2021, un sondage auprès d’un peu moins de 6000 Canadiens victimes de fraude a révélé que 22% d’entre eux rapportaient avoir, après l’infortune, des problèmes de santé mentale importants, tels qu’un état dépressif et des crises de panique. C’est signe que la situation mérite d’être prise au sérieux! Un travail d’introspection et des actions concrètes sont nécessaires pour apprendre à se pardonner et mettre ce malheur derrière soi. Voici ce qu'il faut faire pour y arriver.

Reconnaître et accepter ses émotions

C’est normal de se sentir coupable ou d’avoir honte. « Pratiquement toutes les victimes éprouvent les mêmes émotions. Ne pas les reconnaître fait en sorte de rallonger le temps nécessaire pour s’en sortir », signale Karine Mac Donald.

Briser l’isolement

Il faut parler à quelqu’un de confiance. «Se renfermer sur soi-même nous prédispose à être de nouveau victime», affirme Benoît Dupont. «Nous avons noté que c’est au moment où une victime s’ouvre sur ce qui s’est produit qu’elle amorce véritablement sa guérison», ajoute Karine Mac Donald. 

Éviter la culpabilité excessive

Peu importe l’âge, le milieu social, l’emploi occupé ou le niveau d’instruction, tout le monde peut être victime d’une fraude. Selon un sondage effectué en 2023 pour les Comptables professionnels agréés du Canada, les méthodes de fraude sont de plus en plus raffinées ; même que les gens de 18 à 34 ans seraient les plus susceptibles d’en être victimes!

Tenir à l’écart les gens qui portent des jugements négatifs

«C’est évident que des propos tels que "Tu as vraiment fait ça?", “Comment se fait-il que tu n’as pas flairé le piège?", “Tu ne t’es pas méfié quand on t’a demandé de dévoiler tes NIP?” n’aident en rien les personnes qui ont été abusées. Ça ne signifie pas qu’il faille couper les ponts avec les gens qui portent de tels jugements, mais c’est sans doute préférable d’éviter d’aborder le sujet avec eux.

Ne pas succomber à la crainte irrationnelle

«On n’en parle pas assez, mais plusieurs victimes peuvent développer une peur importante, dit Karine Mac Donald. Si le ou les fraudeurs sont toujours en liberté, qu’ils ont des informations sur elles, qu’ils savent où la personne habite, ça peut être très angoissant.» Que faire? Aller chercher de l’aide auprès d’une personne exerçant le métier de psychologue ou de psychothérapeute, par exemple, afin de déconstruire ces peurs-là. Cela dit, en règle générale, les gens qui commettent des arnaques financières font rarement des crimes contre la personne.

Prendre des mesures concrètes

Porter plainte à la police et contribuer à l’enquête du mieux possible: le témoignage de la victime peut certainement aider à épingler les bandits! «Poser des gestes concrets peut en effet donner un sentiment de reprendre le contrôle de notre vie», assure Benoît Dupont.

Se concentrer sur les aspects positifs de sa vie

On a la santé, des amis et des passions. L’idée n’est pas de tendre vers un optimisme exagéré, mais de nombreuses recherches ont démontré que porter notre attention, en l’écrivant notamment, sur au moins une chose positive dans notre vie, chaque jour, avait un effet très positif: diminution du stress et de l’anxiété, augmentation du sentiment de bien-être, etc.

Devenir un agent de changement

Comment? En partageant avec d’autres personnes ce qu’on a vécu afin de prévenir d’autres cas de fraude. «La victime a le sentiment d’aider les autres, ce qui la valorise et augmente son estime. De plus, sensibiliser les autres contribue à normaliser l’impact psychologique négatif des fraudes et à briser des tabous», avance Karine Mac Donald. On ne le dira jamais assez : il n’y a aucune honte à avoir quand on est victime.

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