Ami, amant ou conjoint: comment faire la différence?

Ami, amant ou conjoint: comment faire la différence?

Par Caroline Fortin

Crédit photo: Renate Vanaga via Unsplash

Pas toujours facile de caser les personnes avec qui ça clique. Conseils d’experts pour faire le tri parmi nos amours et nos amitiés. 

«Quand on aime, on a toujours 20 ans», chante Jean-Pierre Ferland. Absolument! «Peu importe l’âge: quand on tombe amoureux, on a des papillons dans le ventre, on recherche la présence de l’autre, il ou elle occupe notre esprit, affirme la Dre Aglaé Lemarchand, psychologue à Trois-Rivières. Mais plus on vieillit, mieux on se connaît, et nos expériences passées peuvent nous éclairer sur ce qu’on recherche ou pas dans une relation.»

La coach de vie amoureuse Marie-Soleil Cordeau estime elle aussi que l’âge rime avec bagage. Et celui-ci peut être lourd ou léger. «Ce n’est pas tout le monde qui a réussi à surmonter ses expériences négatives en amour, dit-elle. Certains sont restés blessés et la peur de souffrir à nouveau reste imprimée en eux, les incitant à appuyer sur le frein. Pour avoir une approche saine et positive de la relation amoureuse, ça aide d’avoir fait un certain travail sur soi.» 

 

Et plus si affinités

Lorsqu’on rencontre quelqu’un, il peut s’avérer difficile, de prime abord, de savoir vers quoi cette relation nous mènera. «En tant qu’être humain, on a tendance à vouloir prévoir, explique Aglaé Lemarchand. Quand on est bien avec une personne et qu’on la trouve agréable, on voudrait la catégoriser dans un rôle pour savoir dans quoi on s’engage, mais quand les sentiments s’en mêlent, ça brouille les pistes.» 

Alors, comment savoir à quel type de relation on a affaire? Réglons d’abord le cas de l’amitié. «Avec un ami, il n’y a pas d’attirance physique, souligne Marie-Soleil Cordeau. On est dans le partage, les intérêts communs, l’écoute, le soutien. On passe de bons moments sans arrière-pensée, sans envie de “posséder” l’autre, d’être la personne la plus importante dans sa vie.»

Cette attirance est donc l’élément fondamental qui distingue l’ami d’un amant ou d’un conjoint. «Un amant répond à nos besoins charnels, note la psychologue. Il peut devenir un confident, nous apporter de la chaleur humaine, mais on ne peut pas s’attendre à ce qu’il soit toujours là. Le conjoint, lui, regroupe tout ça: il peut être un bon ami, un bon amant, nous épauler, nous écouter. La différence, c’est qu’avec lui on s’engage dans des projets à long terme.»

Avec un conjoint, l’attachement est plus profond, renchérit Marie-Soleil Cordeau. «Au-delà de l’attirance, il y a une proximité émotionnelle, une vulnérabilité, un véritable désir de connaître l’autre, son entourage, et de le présenter à nos proches.»

 

Des balises claires

Là où ça se corse, c’est qu’on peut éprouver une attirance physique envers un ami, lequel peut alors devenir un amant puis, éventuellement, un conjoint. «Lorsqu’on est proche de quelqu’un, l’attraction et le désir peuvent se développer avec le temps, et ce, même si on avait précisé au départ qu’on ne voulait qu’une relation d’amitié», rappelle Aglaé Lemarchand.

D’où l’intérêt, lorsqu’on est au stade de partenaire sexuel, d’établir certaines règles de base, insiste Marie-Soleil Cordeau. «Qu’arrive-t-il si l’un des deux tombe amoureux sans que ce soit réciproque? Pour celui ou celle qui éprouve des sentiments amoureux, il sera moins facile de mettre un terme à la relation parce que cette personne entretiendra l’espoir que son ou sa partenaire finisse par l’aimer… C’est donc primordial d’être honnête par rapport à ce qu’on ressent ou pas, quitte à amorcer la rupture.»

À cet égard, le danger consiste à rester malgré tout. «Mon principe, poursuit la coach de vie, c’est qu’on ne doit jamais se contenter de miettes ni accepter moins que ce qu’on veut. On mérite d’avoir la relation amoureuse qu’on souhaite et d’être traitée comme une personne de qualité.» Autrement, le malheur nous guette. 

 

En couple pour les bonnes raisons

Fuir la solitude ne s’avère certes pas un motif valable pour se mettre à la recherche d’un partenaire. «Est-ce la raison qui me pousse à m’engager dans une relation? Est-ce que je veux être en couple parce que je m’ennuie? Voilà des questions à se poser, estime Aglaé Lemarchand. La solitude, on a tous peur d’y faire face, c’est normal, car on a tous besoin de contacts humains. Mais ça devient problématique si la personne néglige ses propres besoins, si elle s’oublie pour laisser place à l’autre. Oui, cette relation comble sa solitude, mais si elle ne sait plus ce qu’elle j’aime ni ce qu’elle veut dans la vie, c’est comme si elle n’avait plus d’existence en tant qu’être à part entière.»

Dans le cas d’Adèle (ndlr: prénom fictif), veuve depuis huit ans, la quête de l’âme sœur ne faisait pas du tout partie de ses priorités. Ses amies l’encourageaient pourtant à se trouver au moins un amant. «Mais je n’avais pas besoin de ça dans ma vie! Avec mes loisirs, mes sorties et mes voyages, je n’avais aucun problème à rester seule dans ma maison», raconte la colorée Longueuilloise de 75 ans. Sauf que le hasard a placé un homme sur son chemin… ou, plus précisément, sur sa rue. «Un gars que j’apercevais parfois sans lui parler et qui, par un concours de circonstances, m’a été envoyé pour m’aider avec mes courses alors que j’étais en convalescence.»

Au début, elle le voyait seulement comme un ami. Puis, au fil des rencontres – qui n’avaient plus rien à voir avec le dépannage –, «ça s’est fait tout seul, on est devenus amoureux», avoue-t-elle. Ensemble, ils ont jeté les bases de leur nouveau couple: ce qu’ils voulaient (certaines activités chacun de son côté) et ce qu’ils ne voulaient pas (habiter sous le même toit). «Je l’ai bien averti: si jamais il se tanne, il me le dit franchement – et vice-versa –, et on termine ça là!»

Bref, consciemment ou non, Adèle a agi dans les règles de l’art en ne se remettant pas en couple à tout prix et en se respectant dans cette démarche. Pour repérer les drapeaux rouges signalant qu’on s’engage dans une relation pour les mauvaises raisons, Aglaé Lemarchand suggère de se poser les questions suivantes: «Est-ce que je suis bien à l’aise dans ce couple? M’arrive-t-il d’inventer des mensonges pour ne pas voir l’autre? D’hésiter à lui confier des choses, alors que je le ferais avec mes amis? Ai-je l’habitude de rapidement mettre fin à mes relations, ce qui pourrait signifier que je reste au stade de l’idéalisation et que je baisse les bras quand la réalité me rattrape?»

Tout ça nous ramène au constat énoncé au début de l’article: si, avec l’âge, on se connaît davantage, ça ne veut pas dire qu’il faut pour autant tomber dans l’intransigeance. «Le bagage qu’on accumule devient un inconvénient s’il nous incite à dresser une liste rigide des critères recherchés chez le futur être aimé, relève la psychologue. Par exemple, on peut se croire incapable de vivre avec un homme qui adore regarder le sport à la télé, mais en réalité, très bien s’en accommoder et profiter de ce temps pour faire autre chose. Toute relation suppose certains compromis, et on passe peut-être à côté de quelqu’un d’intéressant parce qu’un trait de sa personnalité ne correspond pas à notre fameuse liste. De toute façon, au départ, on a toujours des étoiles dans les yeux, on trouve que l’autre est merveilleux... et puis on se rend compte qu’il n’est pas aussi extraordinaire que nous!» (rires)

 

Pas sur la même longueur d’onde

Que faire quand l’un veut plus que l’autre ou qu’il ne voit pas la relation du même œil que nous? «À la base, il faut nommer les choses et clarifier les attentes de chacun, mais souvent, celui qui espère quelque chose de plus ou de différent de la relation actuelle se tait par crainte de tout perdre ou de changer la dynamique, explique la psychologue Aglaé Lemarchand. À long terme, ce sera souffrant pour cette personne qui n’est pas satisfaite.»

Dans ce genre de situation, il n’y a pas de formule infaillible, ajoute Marie-Soleil Cordeau. «Le mieux, c’est de s’exprimer simplement, comme on le ressent, dans un esprit d’ouverture et de respect. On peut dire, par exemple, que la chimie n’opère pas, que ça ne clique pas, qu’on l’aime comme un ami et qu’on ne peut répondre à son besoin. En général, l’autre appréciera d’avoir l’heure juste, et ce, rapidement.»

Et si c’est nous qui sommes dans la position de celui ou celle qui se fait dire ce genre de choses, il faut résister à la tentation de se braquer ou de se réfugier dans le déni. «Communiquer, ce n’est pas seulement exprimer tout ce qui nous passe par la tête, c’est aussi de laisser une place à l’autre. Si je peux énoncer mon désaccord, mon point de vue et mes désirs, l’autre doit également avoir cette possibilité!»

En fin de compte, la base d’une bonne relation comme d’une bonne rupture, c’est de savoir se dire – et entendre – les vraies choses. 

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