Marthe Laverdière 100 % naturelle

Marthe Laverdière 100 % naturelle

Par Caroline Fortin

Elle rend le jardinage beaucoup plus ludique, elle a son franc-parler, elle est tout le contraire de compliquée, et elle vient de lancer son autobiographie. Discussion sans prétention avec la seule horticultrice et humoriste du Québec!

Votre autobiographie, 100% nature, débute avec la petite histoire derrière la capsule vidéo qui a changé votre vie en 2016. Vous écrivez: «Je venais de lancer un immense mouvement de gens qui avaient besoin de rire.»

Quand j’avais la serre [NDLR: fermée depuis la pandémie], certains clients qui venaient nous voir quasiment toutes les fins de semaine. La première fois, c’était pour acheter, mais les suivantes, c’était pour rire. Je faisais des jokes avec le monde. Avec mes capsules horticoles, et en montant sur scène, je me suis rendu compte que je revivais exactement ce même rapport. Les gens ont besoin de rire, de dédramatiser, et c’est normal puisqu’on vit dans un monde stressant et compétitif.

Qu’avez-vous découvert sur vous-même en écrivant ce livre?

Quand j’ai fait ma dépression en 2007, j’ai voulu comprendre qui j’étais vraiment. Je pensais avoir fait le tour, mais en écrivant ce livre, j’ai réalisé que non. Parce qu’une dépression vide physiquement. En étant bien et reposée, j’ai pu aller plus loin. Je ne voulais pas me mettre de masque ni de filtre. Et je l’ai écrit au « tu », ça m’est venu tout seul. Les gens aux Éditions de l’Homme sont restés un peu surpris, ils m’ont dit que c’était inhabituel. Mais après avoir terminé mon livre, je me suis aperçue qu’en fait, j’avais écrit une longue lettre aux gens qui me suivent. Une par une, je voulais que chaque personne qui le lise soit en confidence avec moi, comme si on prenait un café ensemble.

Votre mari, que vous surnommez Minou, et vos trois fils ont-ils appris des choses sur vous?

Oui. Minou, ça lui fait revivre plein de choses. Et mes enfants sont aujourd’hui des hommes et pères de famille. Mon plus vieux m’a dit qu’il avait vécu cette période avec des yeux d’adolescent, alors qu’après avoir lu le livre, il a vu la femme derrière la mère.

La femme, on la voit d’ailleurs sur la photo de la couverture, magnifique.

Je voulais montrer, surtout aux femmes d’un certain âge qui ont de la difficulté à accepter de vieillir, que c’est beau un corps qui vieillit. Nos rides, c’est l’écriture de notre vie qu’on a dans la face. Les commentaires sur la couverture sont bons, beaucoup me demandent : étais-tu flambant à poil dans l’eau? Non! J’avais mon costume de bain, les bretelles baissées! Ça ne paraît pas, mais je suis gelée comme une bine, parce que l’eau dans la rivière était froide!

Vous racontez aussi votre histoire d’amour avec Minou, qui en a mis du temps avant de réagir à vos approches.

Je l’ai couru, Minou, je le voulais en titi ! On est différents. Quand tu tombes réellement en amour, que tu es avec ton âme sœur, tu es prêt à accepter beaucoup de choses. De nos jours, on veut aimer vite. On est dans un monde où tout va vite. Mais l’amour, ça se développe, ça prend son temps. On passe tout de suite à la passion physique, et ensuite, on se dit qu’on n’a plus de papillons comme avant. C’est parce que ça devient un autre genre de papillon, qu’on ne prend plus le temps de regarder.

Vous expliquez que vous avez enfin enlevé les masques que vous vous étiez créés et qui vous ont menée à votre dépression. Pourquoi ces masques?

J’avais tellement besoin d’être aimée. Ma mère est morte quand j’avais deux ans et demi, et je m’étais imaginé que je devais être parfaite pour que les gens m’aiment. Ce qui est faux ! En voulant créer un être parfait, on devient quelqu’un de dur, d’intransigeant, avec des objectifs purement pratiques. Dieu merci, j’ai compris que la vie, ce n’est pas ça.

Pourquoi dire que votre dépression a été bénéfique?

Sur le coup, c’est affreux, t’es au bord d’un gouffre et tu ne sais pas si tu vas sauter. Mais quand tu t’en sors et que tu prends de l’altitude, maudit que tu te connais et que tu sais tes faiblesses ! Les miennes sont devenues mes forces. Je suis contente d’avoir vécu cette dépression, parce que maintenant, je sais comment je peux être fragile, combien il faut que je fasse attention, qu’il y a des places où je ne dois pas aller, des choses que je ne dois pas accepter. Ça passe beaucoup par le dialogue. J’étais une personne qui ne disait jamais non. J’ai appris à dire non, mais je dis aussi pourquoi : parce que je suis fatiguée, je n’ai pas le temps, pas le goût. Pour que ça ne soit pas un non sec, et que les autres comprennent d’où il vient.

Vous avez eu la grande chance d’avoir un père aimant, présent et qui a tout sacrifié pour ses enfants. Qu’est-ce qu’il vous a transmis de plus précieux?

Papa, c’était un homme-femme. Il pouvait faire de la discipline, mais on pouvait tout lui conter quand ça n’allait pas. Il était toujours là pour nous écouter, et ça, c’était réellement rare dans ce temps-là. Pour lui, le plus important, c’était la famille. Il a donné sa vie pour nous. Il est mort à 84 ans, usé.

Vous racontez d’ailleurs que tous ses enfants sont arrivés à son chevet le jour de sa mort sans s’en être parlé.

C’est frappant, parce que papa a toujours dit qu’il allait mourir chez lui, entouré de ses enfants. On est huit avec mon demi-frère et, sans s’appeler personne, on est tous arrivés le même soir chez lui. Il nous a appelés, lui. Je crois beaucoup à la communion des âmes. De nos jours, le mot « âme », on ne s’en sert pas beaucoup. Mais je pense que, dans les moments forts de notre vie, on est capables de communiquer seulement avec notre âme.

Que pensez-vous qu’il y ait après mort?

Je crois que la vie n’arrête pas, et qu’elle se transforme. Notre corps retourne à la terre, mais je suis convaincue qu’il y a une vie de l’autre côté. Mon père disait souvent de notre mère : elle vous voit, elle vous entend, elle est juste dans la porte à côté. C’est magnifique de penser que même les gens qui sont partis ne sont pas morts. Au fond, ils sont juste passés à autre chose, à une autre forme de vie. Je suis certaine qu’un jour, on va tous se retrouver.

Comme croyante, comment considérez-vous les nombreuses épreuves que vous avez dû traverser?

J’ai parfois eu de la difficulté à accepter les épreuves, mais jamais au point d’en vouloir à Dieu. Si je n’avais pas eu ma dépression, si je n’avais pas fait le grand ménage, j’aurais eu de la difficulté à accepter que ma petite-fille Jeanne soit malade. J’aurais été une révoltée de la vie, et je n’aurais pas démarré la Fondation Marthe Laverdière avec sa mère, Minou et compagnie. Avoir un enfant malade, c’est une chose, mais un petit-enfant malade, c’est encore plus souffrant parce que tu vois ton propre enfant vivre une peine terrible et qu’il n’y a rien que tu puisses faire pour le consoler. Jeanne a le syndrome de Rett atypique, elle ne peut pas guérir ni aller mieux.

Votre spectacle Marthe Laverdière fait son show servira en partie à financer votre Fondation et à réaliser un rêve, lequel?

Ouvrir une maison de répit pour les parents d’enfants comme Jeanne, sur la Rive-Sud de Québec. Si on réussit, je vais pouvoir me coucher dans la boîte, avec le chapelet dans les mains, et dire amen, fermez le couvert! C’est ma façon de donner un sens à notre souffrance, à sa maladie.

C’est quoi, le bonheur pour vous?

C’est le moment présent. Le bonheur n’est que dans le moment présent, avec les gens avec qui on est. Arrêtons de chercher du bonheur avec un gros B majuscule, la vie est faite de petits bonheurs. Mon père disait: «Dans la vie, il y a des hauts, des bas et des paires de bas!» Il faut accepter que des fois, c’est une paire de bas, une grosse épreuve, qui t’arrive dans la face.

À la fin de votre livre, vous écrivez que vous êtes une femme «ben ordinaire». Plusieurs vous trouvent, au contraire, extraordinaire.

Parce qu’ils me connaissent. Il n’y a pas de vies plates, juste des vies qui ne sont pas sues.

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