La lectrice, car c’était une femme, était noire de colère. «Vos billets, on en a assez! Edmond, vos visites dans votre famille, votre Abitibi, on s’en fout! Gardez vos états d’âme pour vous.» Par respect pour cette lectrice, je tairai son nom, bien qu’elle ne se soit pas gênée pour mettre sa griffe sous son charmant petit mot… «envoyé de mon iPhone». Le ton était grossier, hargneux, volontairement méchant. Je n’oblige personne à aimer mes billets. Je peux comprendre que certains ne les apprécient pas, mais il me semble que cela peut être formulé avec doigté comme chaque fois que l’on veut dire quelque chose qui n’est pas particulièrement agréable. Les mots de cette lectrice étaient comme des crocs qui s’enfoncent dans la peau.
C’était un vendredi. Tout le week-end, j’ai pensé à ce courriel… Ces mots, ce ton, cette opinion exprimée avec tant de véhémence.
Cette lectrice voulait m’atteindre, me blesser. Elle a réussi.
Cherchant à me rassurer… et à apaiser mon malaise, je me suis tourné vers mes proches. J’ai surtout demandé à une amie en qui j’ai une totale confiance, et que je sais capable de me dire les choses sans complaisance, si mes billets étaient aussi vides et insipides que le prétendait cette dame. «Oublie ça! Elle est complètement dans le champ!» m’a-t-elle répondu. Une autre amie m’a imploré de jeter au plus vite ce message à la poubelle.
Les mots de cette dame continuaient pourtant à me trotter dans la tête… «Gardez vos états d’âme pour vous.» J’avais beau me rappeler toutes les autres lettres, les vôtres, si gentilles, si touchantes, rien à faire. Les mots-crocs de cette lectrice continuaient à distiller leur venin.
Chacun prend plus ou moins bien la critique. J’imagine que cela a à voir avec la sensibilité et l’estime de soi. Ce n’est pas la première fois, d’ailleurs, que je vis ce genre de situation… Et je sais que, dans ces cas-là, le meilleur allié, c’est le temps. Le temps qui finit par panser les blessures.
Peu à peu, le chagrin, la douleur s’apaisent. On relativise, on fait la part des choses. On revient surtout peu à peu à soi.
Je suis comme je suis!
La vérité, voyez-vous, c’est que je suis comme je suis. Mes billets me ressemblent, leurs sujets aussi, que je veux les plus proches possible de ma vie… Ma réalité. Ma sensiblité… Mon Edmond, mon Abitibi natale, mon enfance, ma famille, mes peurs, mes joies, mes peines et, par-dessus tout, mon goût de la vie. Tout cela est, j’en conviens, d’une grande banalité. Mais cette banalité est la mienne. Chaque fois, cependant, j’essaie de voir ce qui se cache derrière elle. Chaque fois, aussi, j’espère qu’en parlant de ces choses toutes simples et de ce qu’elles peuvent signifier, je parviens à m’approcher au plus près de ce que vous êtes.
Mais je sais bien qu’on ne peut pas plaire à tout le monde… même si on le souhaiterait. Alors, désolé madame iPhone, je ne changerai pas. À 66 ans, si j’avais eu à le faire, ce serait déjà arrivé. Trop tard ! Vous pouvez cependant vous consoler en vous disant que je ne suis pas éternel et que sonnera un jour l’heure de la retraite. D’ici là, libre à vous de me détester si vous n’arrivez pas à m’aimer.
Il est maintenant temps de passer à l’essentiel et de vous souhaiter à vous, chers lecteurs, chères lectrices, et même à vous madame iPhone, une Joyeuse Saint-Valentin. N’oubliez surtout pas que la personne la mieux placée pour vous traiter avec tendresse et délicatesse, c’est encore vous!
Jean-Louis Gauthier Rédacteur en chef
jean-louis.gauthier@bayardcanada.com
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