Au début de chaque printemps, certains investisseurs se défont de leurs titres boursiers pour réinvestir à l’automne, moment où les rendements redeviendraient, croient-ils, meilleurs. Cette pratique est-elle une bonne idée? Voici des conseils d’experts pour y voir plus clair.
Le prévisionniste et économiste américain Harry S. Dent a fait les manchettes récemment en mentionnant que l’indice S&P 500, le NASDAQ et les cryptomonnaies allaient s’effondrer de 86%, 92% et 96% respectivement au cours de 2024. Voilà de quoi ébranler (ou pas!) les convictions des investisseurs. Faut-il quitter le navire? Le mois d’avril s’achève à peine que, déjà, l’expression «vendre en mai et s’en aller» titille les actionnaires en Bourse. Le moment est-il venu de prendre des profits? De tout liquider et d’attendre la fin de cette apocalypse boursière annoncée pour racheter tous les titres voulus à meilleur prix?
Le dicton bien connu suggère que les investisseurs sont plus enclins à prendre des risques sur les marchés durant les mois froids et qu’ils limitent leur exposition aux actions à l’approche des vacances estivales. Les adeptes de cette théorie semblent donc faire le pari que les rendements boursiers sont meilleurs entre les mois d’octobre et mai que durant la période qui s’étire de juin à septembre. Et c’est probablement déjà arrivé!
Le bémol est qu’à la Bourse, le jeu des prédictions est bien souvent futile. En fait, personne ne détient la formule infaillible qui lui permettrait d’anticiper avec certitude les mouvements du marché. Celui-ci est influencé par une multitude de facteurs économiques, géopolitiques et même psychologiques, rendant impossible d’en prédire la trajectoire.
Pour nous aider à prendre les bonnes décisions, Martin Lalonde, président et gestionnaire de portefeuille de Rivemont, et Sébastien Mc Mahon, stratège en chef pour IA Groupe financier, nous donnent leurs recommandations à ce sujet.
Ne pas essayer de synchroniser le marché
L’idée de vouloir vendre «au bon moment» et de racheter plus tard (encore au bon moment) doit être écartée de notre plan de match. «Réussir à faire les deux, constamment, ce n’est pas commun. Vouloir faire du market timing, c’est un jeu dangereux», dit Sébastien Mc Mahon.
À l’inverse, ce dernier nous recommande de rester investi sur les marchés. «Mieux vaut se bâtir un portefeuille diversifié et garder le cap aussi longtemps que possible. L’argent se fait en demeurant assis sur nos positions», résume-t-il. Au lieu de céder à la sagesse éphémère du «vendre en mai et s’en aller», il est préférable d’adopter une approche axée sur la construction d’un portefeuille résilient face aux caprices saisonniers ou ponctuels de la Bourse.
Mettre par écrit les raisons à l’origine d’un achat
Acheter bas, à bon prix, et vendre haut, à profit : bien que simple, ce postulat n’est pas facile à réaliser. «Pour y arriver, il faut un plan. Quel chemin emprunterez-vous pour y arriver? Les professionnels de l’investissement utilisent différents outils, dont des arbres décisionnels, pour identifier le moment d’acheter ou de vendre», explique Sébastien Mc Mahon. Ainsi, l’investisseur autonome pourrait de son côté noter, noir sur blanc, la thèse derrière son investissement, pour guider son parcours d’actionnaire auprès de chaque entreprise détenue.
Avant d’investir, il faut identifier un prix cible pour l’actif convoité. «Je pense que ce titre pourrait générer un rendement de X% en raison du facteur Y», illustre-t-il. À l’inverse, il faut aussi savoir quand sortir d’une position. «Si on se rend compte que le scénario qu’on avait élaboré initialement pour le titre ne se matérialise pas, ou que l’analyse fondamentale de l’entreprise change radicalement, mieux vaut subir une petite vente à perte que faire naufrage.»
Et si mai était plutôt le moment idéal pour coucher sur papier les raisons de nos achats précédents et nous assurer ainsi que ces positions tiennent toujours la route?
Diversifier, sans «collectionner»
La diversification est essentielle pour capturer les rendements réalisés par différentes classes d’actifs et pour limiter le risque de baisse associé à toute exposition au marché. Un portefeuille bien construit limite la tentation de se sauver lorsque la tempête se pointe. Par exemple, la partie actions d’un portefeuille diversifié doit comprendre plusieurs titres provenant d’industries et de pays différents. Mais attention: diversifier ne veut pas dire collectionner!
«Lorsqu’on détient 300 titres, la 50e meilleure idée n’est probablement déjà plus aussi bonne que les précédentes. À l’inverse, ne détenir que trois entreprises différentes, ou n’être exposé qu’à un seul secteur, c’est trop risqué! L’idéal, c’est de posséder un noyau (core) de neuf ou dix titres. Et rien ne vous empêche d’ajouter trois ou quatre petites positions par intérêt, si vous le souhaitez», précise Martin Lalonde. En ne possédant qu’une dizaine, quinzaine ou vingtaine de titres individuels, l’investisseur se facilite la tâche. À défaut, il peut venir à en perdre le fil et à négliger le suivi de «ses» entreprises.
Adopter l’approche des petits pas
Pour éviter les regrets, Martin Lalonde recommande de prendre une position modérée au départ, le temps de mieux connaître l’entreprise. Il sera ensuite toujours possible de bonifier notre pondération dans ce même titre. «Nous avons d’ailleurs adopté cette façon de faire. Cette prudence nous incite à développer une relation avec l’équipe de direction de l’entreprise concernée. On met le pied à l’eau, on déploie de l’énergie pour valider notre stratégie d’investissement et on observe le travail des dirigeants. Et ensuite, si tout convient, on augmente la pondération de ce titre en portefeuille», explique-t-il.
Consulter un pro
Il est probable qu’on assure déjà la gestion d’une partie de notre patrimoine par l’entremise d’une plateforme de courtage en ligne et qu’on soit muni d’un plan financier (ce qui est souhaitable) élaboré par un planificateur financier ou un conseiller en sécurité financière. Et si une autre partie de nos deniers est gérée par un gestionnaire de portefeuille, tant mieux.
Dans tous les cas, il est préférable d’être bien entouré et contacter notre conseiller si les marchés nous rendent anxieux. «Un simple appel peut non seulement vous rassurer, mais aussi vous éviter de commettre des erreurs impulsives. La présence d’un conseiller de confiance est assurément payante à long terme», conclut Sébastien Mc Mahon.