REEE, CELI ou CELIAPP? Coup de pouce financier pour mes héritiers

REEE, CELI ou CELIAPP? Coup de pouce financier pour mes héritiers

Par Sophie Stival

Crédit photo: iStock

Donner de l’argent à nos enfants ou petits-enfants, si on en a les moyens, pourquoi pas? Voici toutefois quelques précautions à prendre.

«Donner de notre vivant, c’est reconnaître qu’on est chanceux. Je suis choyée et je veux redonner au suivant, car cela fait partie de mes valeurs. Je m’entends bien avec mes enfants. Je donne sans rien attendre en retour, bien que la vie me le rende de multiples façons», raconte Gabrielle (prénom fictif).

L’ergothérapeute à la retraite a voulu contribuer à la mise de fonds pour l’achat d’une première maison pour sa fille. Plus tard, elle a également cotisé au REEE de ses petits-enfants. Pour son fils, qui a un problème de santé mentale, elle a plutôt opté pour une fiducie familiale afin de le protéger en plus de le loger dans un condo dont elle est la propriétaire en échange d’un loyer modique. Elle songe aujourd’hui à transférer la propriété de son chalet à sa fille. Elle souhaite le faire de la bonne façon afin de minimiser les impacts financiers pour tout le monde. L’endroit a une valeur sentimentale pour la famille puisqu’il a appartenu à ses parents. «J’ai toujours eu des discussions franches avec mes enfants. Il n’y a pas de tabous avec l’argent et pour éviter les surprises après mon décès, je prône la transparence», souligne-t-elle.

La donation du vivant gagne en popularité, car on se rend compte que nos enfants risquent d’hériter lorsqu’ils auront la soixantaine, un âge où les besoins financiers sont moins urgents. «En donnant de notre vivant, on peut les soutenir au début de leur vie active, alors qu’ils subissent une pression budgétaire et qu’ils en ont le plus besoin», remarque François Archambault, directeur principal, Centre d’expertise Banque Nationale Gestion privée 1859. Comment? En payant leurs études ou en remboursant leurs dettes universitaires, en leur permettant d’acheter une première maison (voir encadré), ou même lors de l’arrivée des enfants. Avec la hausse du coût de la vie et la flambée immobilière des dernières années, le rêve d’accéder à la propriété s’est presque évanoui pour la jeune génération.

Avant toute chose, on doit comprendre qu’en donnant de son vivant, cela sous-entend nécessairement un appauvrissement puisqu’on transfère un actif gratuitement et que celui-ci ne fera plus partie de notre patrimoine. Le don est également irrévocable. «On veut donc éviter que le donateur ne mette sa santé financière à risque, notamment à la retraite. On peut mesurer si on a la capacité financière de donner. Par exemple, on va proposer de faire un scénario de décaissement à la retraite afin de voir l’impact sur le coût de vie de donner 50 000 $ de mise de fonds à chacun des enfants dans deux ans», illustre le planificateur financier.

Dans le cas du Régime enregistré d’épargne-études (REEE), celui-ci permet aux parents ou grands-parents de cotiser au régime afin de financer les études postsecondaires d’un ou de plusieurs enfants. Bien que les contributions ne soient pas déductibles pour le donateur qui cotise, les revenus générés dans le REEE vont croître à l’abri de l’impôt. Le plus intéressant, ce sont bien sûr les subventions du fédéral auxquelles auront droit les bénéficiaires du REEE et qui peuvent s’élever à 7 200 $ par enfant. Les cotisations au REEE donnent également droit à l’incitatif québécois à l’épargne-études, qui peut atteindre 3 600 $ à vie par enfant. Le plafond cumulatif des cotisations s’élève à 50 000 $ pour chaque bénéficiaire. Lorsque ce dernier va retirer des sommes pour étudier, elles seront imposées à son nom, alors que le taux d’imposition sera généralement bas. Petit conseil: bien que les grands-parents puissent ouvrir un REEE pour leurs petits-enfants, il sera parfois plus judicieux de donner l’argent aux parents afin qu’ils cotisent eux-mêmes au REEE de leurs enfants. Il faudra par ailleurs tenir compte du nombre d’enfants, de leur âge, etc. Mieux vaut se renseigner.

Attention à l’impôt

Qu’en est-il de l’impôt exigible? Tout dépend de la nature du bien qu’on souhaite donner. Les sommes d’argent ne sont pas imposables. Même chose pour des biens personnels tels une voiture, des bijoux. Si ce sont des œuvres d’art comme des tableaux ou des sculptures, il faut faire attention aux conséquences fiscales. Mieux vaut dans ce cas conserver le prix et la date d’achat et s’informer auprès de son comptable.

Certains vont songer à donner leur maison pour aller en condo. «D’un point de vue fiscal, on doit céder la propriété à sa juste valeur marchande, mais le gain sera exempté d’impôt si elle est considérée comme une résidence principale», souligne François Archambault. Même si l’enfant se trouve à acquérir la maison à la juste valeur marchande, il n’aura en fait rien déboursé puisqu’on lui aura cédé le bien définitivement et gratuitement. «On doit comprendre que notre enfant pourrait éventuellement hypothéquer la maison reçue. Il y a peut-être un conjoint dans le décor qui voudra sa part si survient une séparation, ou encore s’il a lui-même mis des sous dans la propriété. C’est parfois plus simple de faire un don pour une mise de fonds. Il faut d’abord en jaser avec nos enfants», suggère-t-il.

Il faudra signer un acte notarié lors du don d’un immeuble. Dans cet acte de donation, on pourrait aussi ajouter des conditions comme: «Je donne le chalet à mes enfants, mais je me réserve le droit d’usage pendant X années.» ou restreindre le droit de le vendre par une stipulation d’inaliénabilité.

«Cela peut occasionner des problèmes d’ajouter de telles conditions, on veut donc le faire avec doigté», observe François Archambault, également notaire et fiscaliste de la Banque Nationale. On peut également notarier un don en argent pour une mise de fonds afin de protéger notre enfant en cas de séparation, par exemple. Advenant un litige, cela servira de preuve. Le contrat original sera de plus conservé dans les voûtes du notaire.

Cela se complique si on veut donner un chalet et qu’on y va régulièrement tout en possédant une autre résidence. Le chalet pourrait aussi être admissible à l’exonération sur le gain en capital d’une résidence principale. C’est le donateur qui devra éventuellement payer le gain en capital s’il ne peut désigner le chalet comme résidence principale. «On va généralement opter pour la résidence (maison ou chalet) qui a le plus gros gain en capital latent par année de détention», remarque notre expert. Il n’est donc pas obligatoire de se prévaloir entièrement de l’exemption pour une seule propriété.

Pour illustrer ce concept (sans entrer dans les subtilités prévues dans la Loi de l’impôt), si on possède un chalet depuis 20 ans et une maison depuis 25 ans, et que le gain en capital accumulé du chalet est beaucoup plus élevé que celui de la maison, on pourrait appliquer l’exemption à la maison familiale pour les cinq premières années et au chalet pour les années 6 à 25. Ce pourrait être le cas si on donne notre chalet à l’année 25.

Certains vont vendre des valeurs mobilières comme des obligations ou des actions pour donner le montant encaissé à leurs enfants ou petits-enfants. On devra alors vérifier où se trouvent les titres et s’il y a du gain en capital accumulé. On évite de retirer des sommes du REER, car le retrait sera imposable. Il est plutôt conseillé, à notre décès, de transférer, sans impact fiscal, le REER au conjoint survivant. «En sortant des sommes du CELI, ce sera non imposable. Dans le cas d’un compte non enregistré, on veut éviter de liquider des actifs qui ont pris beaucoup de valeur, car il y aura des impôts à débourser. C’est du cas par cas», souligne François Archambault.

Chacun donne comme il l’entend, mais certains voudront être équitables. Cela pourrait être plus complexe lorsqu’il y a de gros écarts d’âge entre les enfants ou les petits-enfants. Même chose s’il y a des familles recomposées dans le portrait. «Si on souhaite une plus grande équité et qu’on n’y réussit pas de notre vivant, on peut prévoir des legs particuliers ou des compensations dans notre testament», rappelle-t-il.

Faciliter l’accès à la propriété

Nos enfants ou petits-enfants sont âgés de 18 ans et plus? Certains d’entre eux songent à acquérir une propriété? Bonne nouvelle: en 2023, ils devraient pouvoir ouvrir un CELIAPP, le nouveau régime d’épargne qui vise les acheteurs d’une première résidence. Ce véhicule hybride entre le REER et le CELI permettra de cotiser jusqu’à 8 000 $ par année pour un maximum de 40 000 $ à vie.

«Contrairement au CELI, la cotisation sera déductible d’impôt et pourra réduire le revenu imposable. Il sera même possible de demander la déduction fiscale une année ultérieure, idéalement quand le revenu imposable sera élevé», souligne Annie Boivin, directrice générale de la planification fiscale et successorale chez Samara bureau multifamilial.

Ce véhicule permettra à un parent (ou grand-parent) voulant aider financièrement sa progéniture de faire don du montant de la cotisation, ce qui permettra de réduire la facture fiscale de l’enfant (ou petit-enfant). Ce régime, qui aura une durée de vie de 15 ans, permettra au futur acheteur de retirer soit le capital investi, soit tout revenu accumulé sans payer d’impôt, comme c’est le cas avec les CELI, confirme Annie Boivin.

En attendant, il est toujours possible d’aider nos enfants ou petits-enfants à cotiser à leur REER, selon leurs droits de cotisation, ce qui leur permettra d’utiliser le RAP (régime d’accès à la propriété). Les cotisations doivent toutefois demeurer dans le REER au moins 90 jours avant qu’on puisse les retirer au titre du RAP.

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