Héritage: 1re partie

Héritage: 1re partie

Par Ronald Mckenzie et Marie-Anne Poussart

Crédit photo: iStockphoto.com

Si la succession a été planifiée avec soin, cela se déroulera sans anicroche. La façon la plus simple d’y parvenir: rédiger un testament en bonne et due forme qui indique clairement qui hérite de quoi. En effet, en l’absence d’un tel document, ou si celui qui existe contient des incohérences, la liquidation de la succession risque de s’effectuer dans les pleurs et les grincements de dents.

Que se passe-t-il si je meurs sans testament? Dois-je obligatoirement retenir les services d’un notaire pour rédiger un testament? Où dois-je conserver ce précieux document? Quels sont les droits des héritiers et ceux du conjoint survivant? Comment fonctionne l’impôt lorsqu’une personne décède?

Ce guide pratique en deux volets répond à ces questions et à une foule d’autres. Il vous livre tous les éléments à connaître pour savoir quoi faire en cas de décès et comment vous organiser pour que la succession se déroule de manière harmonieuse.

La succession sans testament

«Pourquoi faire un testament? Rien ne m’y oblige!» En effet, aucune loi ne vous contraint à en rédiger un. Cependant, si vous mourez ab intestat (sans testament), vous risquez de plonger votre succession dans le pétrin. D’abord, tous les héritiers devront agir ensemble comme liquidateurs de succession, ce qui compliquera les choses en partant. Certes, ils peuvent, à la majorité, désigner l’un d’eux ou un tiers pour liquider la succession. Mais le simple fait de laisser à vos héritiers la tâche de nommer un ou des liquidateurs peut dégénérer en querelle et aboutir devant le tribunal. Ensuite, c’est le Code civil du Québec qui décide du rang que prendront vos héritiers. Cette désignation est stricte, elle peut ne pas respecter vos volontés et même être injuste. N’oubliez pas: le Code civil du Québec ne reconnaît pas les conjoints de fait comme héritiers légaux. Vous avez fait vie commune avec votre conjoint de fait pendant 30 ou 40 ans? Peu importe. Si vous mourez sans testament, votre conjoint de fait n’aura droit à rien si son nom ne figure pas en toutes lettres dans un testament.

Les types de testament

Les types de testament

Le testament est un document juridique qui peut être d’une grande simplicité, griffonné à l’endos d’une carte postale, par exemple, ou bien élaboré et compter une dizaine de pages. Il en existe trois types : olographe, devant témoins et notarié.

Le testament olographe. C’est le plus rudimentaire des trois, celui qui peut justement tenir sur une carte postale. Pour être valide, le testament olographe doit être écrit entièrement à la main et signé par vous. Pas besoin de témoin. Il peut ne contenir que quelques mots. Exemple: «Moi, Ronald McKenzie, sain d’esprit, lègue tous mes biens à ma conjointe Martine Labranche. Signé : Ronald McKenzie, Montréal, le 20 septembre 2006.»

Seule votre écriture et votre signature doivent figurer sur le document. Il n’est pas nécessaire d’y inscrire le lieu et la date, mais cela facilitera le travail de vos héritiers qui voudront savoir s’ils ont en main le testament le plus récent. Si plusieurs héritiers sont prévus, évitez les formules vagues, comme «je lègue tous mes biens à ma famille», car de qui s’agit-il au juste?

Pour être exécutoire, un testament olographe doit être vérifié par le greffier de la Cour supérieure du Québec ou un notaire. Sa validité peut être contestée devant les tribunaux. Attendre le jugement qui confirme la validité du testament peut prendre de un à deux mois. La procédure d’homologation entraîne des frais de cour d’une soixantaine de dollars et une facture du notaire de plus de 500 $.

Le testament devant témoins.
Il peut être écrit à la main, à la machine à écrire ou à l’ordinateur, par vous ou par un tiers. Le testament doit être contresigné devant vous par deux témoins majeurs et présents en même temps. Les héritiers ne peuvent pas être témoins, et les témoins ne peuvent pas être désignés comme héritiers. Il est conseillé de dater le testament devant témoins et d’indiquer le lieu où il a été fait. Si le document contient plusieurs pages, chacune d’elles doit être signée ou paraphée par vous et les deux témoins. Le testament devant témoins doit lui aussi être vérifié par le greffier de la cour ou un notaire. Prévoyez les frais et les délais décrits précédemment pour le testament olographe.

Le testament notarié. Il s’agit du testament préparé par un notaire, document que vous signerez en sa présence et celle d’un témoin. Une fois que le notaire a rédigé le document selon vos volontés, il doit vous le lire entièrement à voix haute. Faire rédiger un testament notarié coûte quelques centaines de dollars. Ces frais seront largement compensés par le fait qu’il n’aura pas à être vérifié, car il revêt le caractère d’authenticité. Cela signifie qu’il est «utilisable» sur-le-champ au moment de votre décès. Vos héritiers s’épargneront donc les démarches liées à la vérification. De plus, en cas de perte ou de destruction de votre testament, vous pourrez en obtenir une copie certifiée, puisque le notaire garde en tout temps le document original. En outre, un testament notarié est difficilement contestable.

Rangez une copie de votre testament dans un endroit facile d’accès pour le liquidateur de votre succession. Évitez les coffrets de sûreté bancaires qui peuvent être «gelés» pendant quelques jours au lendemain de votre décès, le temps pour le liquidateur d’obtenir les premiers papiers.

Que doit contenir un testament?

Que doit contenir un testament?


Habituellement, un testament est construit ainsi:
Paragraphe 1. Vous annulez tous les testaments faits antérieurement. Exemple: «Je révoque tous testaments ou autres dispositions que j’aurais pu faire avant ce jour.»

Paragraphe 2. Vous désignez un liquidateur qui aura pour tâche de distribuer vos biens selon vos volontés. Assurez-vous que cette personne est informée de votre choix et apte à accomplir ce travail. Exemple: «Je nomme ma conjointe Martine Labranche à titre de liquidatrice et lui accorde tous les pouvoirs pour administrer et gérer mes biens.»

Paragraphe 3. Vous nommez un remplaçant qui réglera votre succession au cas où le liquidateur décéderait avant ou en même temps que vous. Exemple: «Si ma conjointe me prédécède ou que nous décédions tous deux dans un même événement, je nomme Jérôme Labranche, qui aura pour responsabilité de prendre possession de mes biens, de régler ma succession, d’acquitter mes dettes et mes impôts.» Si vous avez des enfants mineurs, vous devriez leur nommer un tuteur.

Paragraphe 4.
Vous désignez les héritiers et les biens que vous voulez leur léguer. Exemple : «Je lègue à ma conjointe Martine Labranche notre résidence principale ainsi que tous les meubles qui l’équipent. La résidence est située au 10, Place du Bonheur, à Montréal. Je lègue également à ma conjointe Martine Labranche le contenu de mon REER et des deux comptes bancaires que je détiens à la Banque du Capital, située au 80, rue du Marché, à Montréal. Je lègue à ma fille Pierrette et à mon fils Claude mon chalet qui est situé au 63, Domaine du Soleil, à Sainte-Adèle. Je lègue tous mes autres biens à ma conjointe Martine Labranche. Advenant le prédécès de ma conjointe, je lègue alors tous mes biens meubles et immeubles à ma fille Pierrette et à mon fils Claude, que j’institue mes légataires universels, en parts égales entre eux.»

Les enfants déshérités ont des recours
Au Québec, chacun a le droit de léguer ses biens à qui il veut, mais cette liberté est encadrée. En même temps que la notion de patrimoine familial, le législateur a introduit le principe de la survie de l’obligation alimentaire. Cela signifie qu’un enfant ou un petit-enfant déshérité par un parent pourrait, à la suite de l’ouverture d’une succession, s’adresser aux tribunaux afin d’obtenir jusqu’à 50 % de la part qu’il aurait normalement reçue si le parent était décédé sans avoir fait de testament. Il devra alors prouver qu’il est réellement dans le besoin.

Les legs

Les legs

On vient de le voir, quand vous attribuez à quelqu’un une partie ou l’ensemble de vos biens, vous faites un legs. Il en existe trois types.

Le legs universel. Vous l’utilisez lorsque vous laissez tous vos biens sans distinction à une ou plusieurs personnes. Par exemple : «Je lègue à ma conjointe Martine Labranche tous mes biens meubles et immeubles.» Ici, tous les biens que vous possédez à votre décès iront à votre conjointe. Autre exemple: «Je lègue à ma fille Pierrette et à mon fils Claude tous mes biens meubles et immeubles.» Dans ce cas, vos deux enfants se partageront tout votre avoir à parts égales.

Le legs à titre universel. Il se distingue du legs universel dans la mesure où une partie de l’ensemble de vos biens revient à une personne en particulier. Exemple: «Je lègue à mon beau-frère Jérôme Labranche tous mes biens meubles.» Cela signifie que Jérôme héritera uniquement de tous vos biens qui sont meubles : auto, argent, outils, téléviseur, etc. Les biens immeubles (maison, chalet, terrain) iront à quelqu’un d’autre.

Le legs particulier. Une personne spécifique qui hérite de biens spécifiques les recevra par le truchement d’un legs particulier. Exemple: «Je lègue à mon petit-fils François Labranche tous mes instruments de musique.»

Clauses interdites
Afin d’éviter les abus et l’exploitation, le législateur a prévu l’annulation de certaines clauses qui pourraient figurer dans un testament. Ainsi, un legs en faveur du propriétaire, de l’administrateur ou d’un employé d’un établissement de santé et de services sociaux sera sans effet s’il a été fait au moment où le testateur y était traité (sauf s’il s’agit du conjoint du défunt ou d’un proche parent).

Les clauses qui vont à l’encontre de l’ordre public, des bonnes mœurs ou du droit naturel seront également inopérantes, par exemple: «Je lègue tous mes biens à mon épouse à la condition qu’elle ne se remarie pas.»

Enfin, serait annulé un legs fait en faveur du notaire qui a rédigé votre testament, ou de l’un des membres de sa famille, ou en faveur des témoins.

Les droits du conjoint survivant

Les droits du conjoint survivant

Bien que l’on puisse personnaliser son testament et y inscrire différentes clauses, il est impossible d’y déshériter totalement son conjoint légal. En effet, celui-ci a des droits de créance qui résultent du partage du patrimoine familial et du régime matrimonial. Par contre, les conjoints de fait ne sont ni assujettis ni protégés par les dispositions concernant le partage du patrimoine familial.

Le patrimoine familial

Le patrimoine familial est constitué de certains biens, acquis et payés pendant le mariage, dont la valeur est partagée au moment du décès de l’un des conjoints, du divorce, de la séparation de corps ou de la nullité de mariage. Les résidences de la famille, les meubles qui les équipent, les véhicules automobiles utilisés par la famille, les droits accumulés dans les régimes de retraite durant le mariage ainsi que les gains inscrits au Régime de rentes du Québec pendant le mariage constituent le patrimoine familial. Lorsque l’un des deux conjoints meurt, on calcule la valeur nette du patrimoine et on la divise en deux. La première moitié revient au conjoint survivant (indépendamment du testament) alors que la deuxième va à la succession.

Certains biens sont cependant exclus du patrimoine familial, tels que les dons reçus par l’un ou l’autre des conjoints avant ou pendant le mariage, et les biens en provenance d’une succession. Les commerces, les immeubles à revenus, les actions de compagnies, les placements (sauf les REER) et les biens qui appartiennent en propre à l’un ou à l’autre des conjoints ne font pas non plus partie du patrimoine familial. Qu’advient-il de ces actifs au moment du décès? Le contrat de mariage, le régime matrimonial et le testament du conjoint (ou le Code civil, s’il n’a pas fait de testament) le détermineront.

En effet, si votre contrat de mariage notarié inclut une clause testamentaire «au dernier vivant les biens», c’est vous qui en hériterez. De plus, si votre conjoint a prévu des dons à votre endroit dans votre contrat de mariage, ils feront augmenter la part qui vous reviendra. Tous les autres biens exclus qui ne font pas partie du patrimoine familial seront soumis aux règles spécifiques à votre régime matrimonial. Au Québec, il existe trois régimes matrimoniaux, soit la communauté de biens, la société d’acquêts et la séparation de biens.

La communauté et séparation de biens

La communauté de biens

Si vous vous êtes mariés avant le 1er juillet 1970 et que vous n’avez pas signé de contrat de mariage devant un notaire, alors votre régime matrimonial est celui de la communauté de biens. Ce régime est complexe et les juristes sont partagés sur certaines notions.

La communauté de biens distingue trois catégories de biens: les biens propres (les vôtres et ceux de votre conjoint), les biens communs et les biens réservés à la conjointe. Les biens propres comprennent notamment les immeubles acquis avant le mariage et les biens personnels acquis par héritage ou donation.

Les biens communs (biens de la communauté) sont les biens meubles que chacun de vous possédiez au moment du mariage, les propriétés acquises par l’un ou l’autre pendant le mariage, ainsi que tout revenu provenant des biens du mari ou de son travail : salaire, revenu de location, actions, etc.

Enfin, les biens réservés à l’épouse sont son salaire, s’il y a lieu, et les biens qu’elle a acquis grâce à celui-ci.

Si l’épouse meurt, le mari a normalement droit à la moitié des biens communs et des biens réservés de sa femme, l’autre moitié revenant à la succession. Quant aux biens propres de la défunte épouse, ils entrent dans la succession. Lorsque l’époux meurt, la femme conserve ses biens propres. Elle a également droit à la moitié des biens communs. Elle pourra garder ses biens réservés si elle renonce à sa part des biens communs. Une épouse peut renoncer à la succession de son mari si celui-ci a mal administré la communauté et l’a rendue déficitaire. Lui, par contre, ne jouit pas de ce privilège puisqu’il est l’administrateur du régime.

La société d’acquêts

Si vous vous êtes mariés sans contrat de mariage après le 1er juillet 1970, vous êtes soumis au régime de la société d’acquêts. Ce régime établit deux types de biens: les biens propres et les biens acquêts.

Les biens propres sont ceux que vous possédiez avant le mariage, mais d’autres actifs font partie de cette catégorie: biens reçus en donation ou par voie de succession pendant le mariage, vêtements et outils nécessaires à l’exercice d’une profession, etc. Sont considérés comme des acquêts les salaires, les revenus de placement ou de travail ainsi que les biens acquis avec cet argent.

Vous et votre conjoint administrez distinctivement vos biens propres et vos acquêts, mais vous êtes solidairement responsables des dettes contractées pour satisfaire les besoins de la famille. Lorsqu’un décès survient, on détermine la valeur des acquêts du défunt et celle des acquêts du conjoint survivant. Puis on procède au partage. En résumé: la moitié des acquêts du défunt va au conjoint survivant, l’autre moitié à la succession. Pour sa part, le conjoint survivant garde la moitié de ses acquêts; l’autre moitié entre dans la succession.

Si les acquêts de la personne décédée sont constitués davantage de dettes que d’actifs, le conjoint survivant peut renoncer au partage des acquêts et ne conserver que les siens. La succession ne peut pas alors exiger le partage des acquêts du conjoint survivant.

La séparation de biens

Ce régime matrimonial nécessite un contrat de mariage notarié. Il confère à chacun des conjoints la propriété exclusive de ses biens et, par conséquent, l’entière responsabilité de ses dettes, sauf celles qui ont été contractées pour subvenir aux besoins de la famille. Ces dettes sont conjointes. Le principe de la propriété exclusive des biens est atténué par certaines dispositions du partage du patrimoine familial, car celui-ci prévoit un droit de créance et non de propriété.

Au moment du décès de l’un des conjoints, il n’y a aucun partage des biens des époux. Les biens du défunt vont entièrement à la succession et sont distribués en fonction du testament (ou du Code civil, en l’absence de testament) et du contrat de mariage, pourvu qu’ils ne fassent pas partie du patrimoine familial.

Une exemption pour certaines personnes

Les personnes mariées avant le 1er juillet 1989 et qui ont renoncé au partage du patrimoine familial par acte notarié avant le 1er janvier 1991 sont exemptées des obligations du partage du patrimoine familial. Les personnes qui avaient présenté une demande de divorce, de séparation de corps ou d’annulation de mariage avant le 15 mai 1989 en sont aussi exemptées.

mise à jour le 2007-10-26

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