Louise Fortin a remis son mémoire de maîtrise en 2000. «J’ai toujours eu soif d’apprendre, mais j’ai dû interrompre ma scolarité assez tôt, car mes parents étaient malades», souligne la grand-maman de 70 ans. Grâce au diplôme universitaire en traduction et en linguistique obtenu, Louise a notamment pu enseigner le français aux immigrants. À cette époque, le Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP) venait à peine de naître. Ce programme fédéral lancé en 1999 est encore méconnu. Selon des données de l’Agence du revenu du Canada (ARC), environ 3 000 Québécois ont effectué des retraits du REEP en 2013. C’est moins de 0,5 % des contribuables de 25 à 64 ans.
C’est quoi, le REEP?
Suivant le modèle du Régime d’accession à la propriété (RAP), le REEP permet de puiser sans pénalité dans son Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou dans celui de son conjoint afin de financer un projet d’études à temps plein. Grâce au REEP, il est possible de retirer jusqu’à 10 000 $ par an pour une limite totale de 20 000 $ sur une période de quatre ans. Et cet argent peut servir à d’autres fins qu’au paiement des frais de scolarité. Le REEP permet donc de piger de l’argent avant impôt, ce qui en fait ni plus ni moins un prêt sans intérêt remboursable sur 10 ans.
Cela dit, si les sommes retirées dans le cadre du REEP ne sont pas imposables, elles doivent par contre être entièrement remboursées. Ceux qui remboursent moins que le minimum exigible verront la différence s’ajouter à leurs revenus taxables. À l’instar du RAP, il faut rembourser ces montants dans un délai prescrit, soit au plus tard la cinquième année après le premier retrait REEP. Le calendrier de remboursement peut s’échelonner sur un maximum de 10 ans, à raison d’un minimum annuel de 10 % des sommes retirées. «À l’approche de la retraite, mieux vaut utiliser nos surplus de liquidités pour cotiser au REER plutôt que de devancer le remboursement du REEP», conseille toutefois Gaétan Veillette, planificateur financier chez Groupe Investors. Nos revenus imposables seront bien souvent plus élevés à ce moment-là qu’à 30 ou 40 ans et on profitera ainsi d’une réduction d’impôt plus importante.
On peut bénéficier du REEP en remplissant le formulaire RC96 de l’Agence du revenu du Canada, qu’on remet ensuite à l’émetteur de notre REER. Les critères d’admissibilité sont toutefois assez stricts. Pour participer à ce régime, il faut que notre conjoint ou nous-même détenions un REER. On doit également être inscrit à temps plein à un programme de formation admissible d’un établissement d’enseignement agréé. La plupart des collèges et des universités le sont. Cette formation post-secondaire doit avoir une durée minimum de trois mois consécutifs pendant lesquels l’étudiant consacrera au moins 10 heures par semaine aux cours et aux travaux, sans compter les heures d’études.
L’option REER
Vu sa rigidité, le REEP n’est donc pas la solution pour tous. Par exemple, si on ne compte pas étudier à temps plein ou qu’on prévoit avoir peu de revenus pendant notre scolarité, il est préférable de choisir un autre type de financement. «Il pourrait alors être plus judicieux de défiscaliser votre REER», remarque Gaétan Veillette. Nos remboursements au REEP seraient faits avec de l‘argent après impôt, qui ne générera pas de retour d’impôt. «Pour ceux dont le revenu se situe dans une tranche d’impôt combiné inférieure à 43 000 $, il pourrait se révéler plus intéressant de défiscaliser le REER, sans passer par le REEP. Ensuite, on pourrait cotiser à nouveau à notre REER lorsque nos revenus seront imposés à des tranches supérieures», précise Gaétan Veillette.
Dans certains cas, lorsque la personne de retour aux études perçoit de hauts revenus, une stratégie qui allie le REEP et un retrait REER s’avère encore plus intéressante. Prenons l’exemple de Carole, qui souhaite suivre une formation universitaire à temps plein de deux ans. En commençant son programme de MBA en septembre 2016, elle aura déjà gagné un revenu imposable de 80 000 $ cette année-là et son revenu sera assujetti à un taux marginal combiné d’imposition de 37,12 %. Si elle choisit de retirer 10 000 $ de son REER pour financer ses études, son revenu imposable grimpera à 90 000 $ en 2016. Son taux marginal d’imposition s’élévera à 41,12 % pour la tranche de revenu excédant 84 781 $.
Dans son cas, afin d’éviter de payer trop d’impôt, il serait plus astucieux d’utiliser le REEP à l’automne, au moment d’amorcer ses études. Cependant, en 2017, si Carole poursuit ses études à temps plein et qu’elle ne gagne aucun revenu, il sera alors préférable pour elle de défiscaliser son REER, sans avoir recours au REEP. «Le retrait du REER serait ainsi son seul revenu imposable, et l’impôt à payer serait bien moindre, voire nul», confirme le spécialiste.
Et à la retraite?
Un retraité qui souhaite étudier par simple plaisir pourrait également tirer profit du REEP. «En mode décaissement, c’est une stratégie intéressante, puisqu’on reporte le remboursement de quelques années et on répartit l’impôt sur dix ans», souligne Martin Dupras, planificateur financier chez ConFor Financiers. Prenons l’exemple de Jeanne, 62 ans, inscrite à temps plein en littérature à l’université. Plutôt que de décaisser des sommes imposables de son REER, cette pensionnée pourrait assumer ses frais de scolarité et ses autres dépenses en effectuant un retrait de 10 000 $ de son REER dans le cadre du REEP. «Cette stratégie ne prévoit pas de remboursement des emprunts au REER», précise l’expert. Lorsque le premier remboursement REEP sera exigible, soit 1/10e du montant total retiré, on ajoutera simplement ce montant aux revenus de Jeanne. Cette dernière inclura donc chaque année 1 000 $ à ses revenus, jusqu’au remboursement complet de son solde REEP. Elle devra seulement débourser l’impôt sur ce revenu, s’il y a lieu.
Ceux qui gagnent de faibles revenus à la retraite et ont droit au Supplément de revenu garanti (SRG) devront faire plus attention, car chaque dollar de revenu qui dépasse la limite doit être remboursé à 50 %», rappelle Gaétan Veillette. Donc, si on ajoute 1 000 $ à nos revenus, on pourrait voir notre SRG réduit de moitié, soit de 500 $. Dans un tel cas, il sera plus judicieux de financer son projet d’études en sortant des sommes d’un compte non enregistré ou de notre compte d’épargne libre d’impôt (CELI) puisqu’on ne paiera aucun impôt. Par ailleurs, l’Agence du revenu du Canada rappelle sur son site Internet que «la participation au REEP doit se faire avant la fin de l’année où l’étudiant atteint l’âge de 71 ans».
Du cas par cas
Lorsqu’on songe à retourner aux études, on doit sonder nos motivations. «Est-ce pour augmenter mon revenu ou pour repositionner sa carrière? questionne Gaétan Veillette. Si on le fait simplement pour son intérêt personnel ou pour terminer sa vie active en faisant un travail qu’on aime, le potentiel de rentabilité financière de ce projet ne sera pas équivalent et la façon de le financer pourrait différer.» En fonction de notre revenu, de notre statut de travailleur ou de retraité, on adaptera notre stratégie de financement. En consultant un expert, on aura une meilleure idée des options qui s’offrent à nous. On doit aussi déterminer si on a droit à une bourse ou même à un prêt étudiant. Les travailleurs seront parfois admissibles à un congé sans solde ou à de l’aide de leur employeur. Se renseigner peut valoir le coup!
Avant le retour aux études
Voici les démarches à entreprendre…
-> Sondez vos motivations Retournez-vous aux études pour vous repositionner, par plaisir, pour augmenter votre revenu ou pour d’autres raisons? La rentabilité financière de votre projet et la décision de le mener à bien varieront en fonction de la réponse.
-> Consultez un expert Si nécessaire, cela permettra de clarifier les stratégies de financement possibles. Êtes-vous admissible au REEP? Devriez-vous décaisser votre REER, votre CELI ou un compte non enregistré? Ceux qui prévoient avoir ou ont de faibles revenus à la retraite doivent faire plus attention.
-> Informez-vous Votre employeur et l’établissement d’enseignement dans lequel vous souhaitez vous inscrire pourront vous renseigner sur l’aide disponible.
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