Le Festival international de la poésie de Trois-Rivières

Le Festival international de la poésie de Trois-Rivières

Par Julie Stanton

Crédit photo: Festival international de la poésie

«Personne ne comprend l’amour mais tout le monde le ressent. C’est la même chose pour la poésie. Peu de gens en saisissent exactement le sens, mais il suffit qu’ils s’abandonnent à l’émotion pour qu’un vers leur parle. La poésie nous a été tellement mal enseignée! On a cherché à nous la faire comprendre en s’adressant souvent à notre seule intelligence, alors qu’on aurait dû nous aider à la ressentir.» Celui qui s’exprime ainsi, c’est Gaston Bellemare, président-fondateur du Festival international de la poésie. Si l'événement attire des milliers de personnes, c'est sans doute parce que, selon M. Bellemare, l’objectif des organisateurs a toujours été clair: rapprocher le public de la poésie, et les poètes du public.

«Au lieu d’avoir peur de la poésie, venez au Festival. Vous en repartirez heureux», ne cesse-t-il de lancer à la ronde chaque fois qu’il s’entretient avec quiconque affiche des réticences. Faut croire que son ardeur a porté fruit puisque cette fête de la parole, dont la première édition a eu lieu en 1985, attire près de 40 000 personnes chaque fois. 

Cordes à poèmes sur lesquelles plus de 5 000 poèmes écrits par le public se balancent au gré du vent dans le parc Champlain. Promenade de la poésie et ses 300 extraits de poèmes d’amour d’auteurs québécois qui s’affichent sur les murs du centre-ville. Boîte aux lettres recyclée en boîte aux poèmes, place de l’Hôtel-de-Ville, où chacun peut déposer un poème durant l’année. Promenade internationale de la poésie qui côtoie le fleuve Saint-Laurent dans le Parc portuaire: une centaine de poèmes en français et en 21 autres langues font le bonheur des passagers et des équipages des grands bateaux qui mettent pied à terre à Trois-Rivières. Le Festival ratisse large!

 «À cela s’ajoutent le jeudi nos petits poètes itinérants, ces jeunes du primaire qui, revêtus de leur t-shirt affichant Poètes au travail, lisent leur propre création un peu partout dans les endroits publics, ainsi que les ateliers d’écriture, les nombreuses expositions présentées dans les galeries d’art et les bibliothèques, sans oublier les très fréquentés dîners, soupers, apéros poésie, les jazz vin poésie ou les scotch poésie et, pour la finale, la Grande soirée de poésie Québecor. Il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses», s’enthousiasme Maryse Baribeau, complice de Gaston Bellemare depuis la première présentation du Festival. L’invité d’honneur, notre Félix Leclerc national, avait alors déclaré Trois-Rivières «Capitale de Poésie» . 

Rapprocher le public de la poésie, et les poètes du public

L’appellation a suscité l’adhésion de tous ceux qui, au fil des ans et du rayonnement de cette fête unique, se sont laissé happer par l’atmosphère amicale, chaleureuse, fertile en émotions, nourrie de rencontres et de découvertes donnant lieu à de touchantes confidences. «Je n’oublierai jamais, raconte Maryse, cette dame qu’un ami avait amenée au Festival et dont le fils schizophrène s’était suicidé. Au bord des larmes, elle m’a avoué n’avoir jamais compris le sens des lettres qu’il lui écrivait. Mais en écoutant les poètes, elle avait réalisé qu’elle y serait peut-être parvenue si elle s’était simplement laissée aller à l’émotion. C’est ça, la poésie. La lire est une chose. L’entendre en est une autre. Bien sûr, à tant la fréquenter, Gaston et moi en connaissons l’importance et la richesse. Mais lorsque les gens viennent nous dire que, grâce au Festival, elle les rejoint davantage à travers leur quotidien, leur entourage et leur environnement, ou encore que d’autres racontent venir y chercher du bonheur durable pour le reste de l’année... wow!»

Des femmes atteintes de cancer, qui suivaient des traitements de chimiothérapie à Trois-Rivières, ont demandé qu’on fixe leurs rendez-vous en fonction du Festival pour qu’elles puissent aller s’y réchauffer le coeur. Un travailleur de la construction, qui avait accompagné sa femme à l’événement en se traînant un peu les pieds, a été littéralement envoûté; programme en main, le couple a changé de resto chaque jour pour écouter les poètes qui récitent aux heures des repas. Deux jeunes inconnus, elle de Montréal et lui de Québec, sont tombés amoureux sur les lieux et y reviennent chaque année en souvenir de ce moment. Un visiteur d’une soixantaine d’années, originaire du Saguenay, a demandé à Gaston Bellemare d’écrire le poème d’amour qu’il avait promis à sa douce au début de leur mariage et qu’il n’était jamais arrivé à mettre en forme. 

«On est tellement fiers de ça!» s’émeut Maryse. Puis elle ajoute que certaines personnes retraitées lui ont raconté avoir déménagé à Trois-Rivières après avoir conclu qu’une ville qui offrait un tel événement ne pouvait être qu’une ville à visage humain. Et de louer l’emballement des seniors qui semblent trouver un véritable plaisir à participer au Concours et Prix national pour les aînés. Dans leurs poèmes, ils abordent l’amour vécu, perdu, les rêves non encore réalisés, la solitude, parfois l’érotisme, ou encore ils expriment qui ils étaient dans leur jeunesse et les facettes d’eux-mêmes que leurs enfants ne connaissent pas.

Plus de 300 activités autour de la poésie

Placé à l’enseigne du vers du regretté poète Yves Boisvert, disparu cette année, Aimez-moi j’arrive à vous / afin de ne pas être étranger, l’événement propose, dans plus de 70 lieux différents de Trois-Rivières, au-delà de 300 activités auxquelles participent une centaine de poètes en provenance d’une trentaine de pays issus des cinq continents. «Cela nous aura pris presque cinq ans avant de nous ouvrir à l’international, explique Gaston Bellemare. À un certain moment, les gens nous ont fait part de leur désir d’entendre des poètes d’ailleurs s’exprimer dans leur langue d’origine, une fois qu’un traducteur aurait livré une première lecture de leur texte en français. Nous avons compris que nous n’étions pas obligés d’inviter le meilleur poète du Venezuela qui parlait français, mais le meilleur poète du Venezuela! Ces poètes venus de loin sont tellement séduits par notre Festival que certains nous ont demandé à la blague de leur accorder l’asile poétique! Le Festival international de la poésie a fait des petits partout dans le monde, en plus d’être couronné de nombreux prix.»

Pour son président, qui est cofondateur de la maison d’édition Les Écrits des Forges et lui-même bardé de reconnaissances avec un CV long comme le bras, le gain fondamental de l’événement par rapport à d’autres organisations du genre, c’est d’avoir trouvé la zone de confort entre le public, les poèmes et les poètes. Ainsi, au cours de leurs prestations dans les nombreux restaurants, cafés et bars qui les accueillent, les poètes ont droit à trois minutes de temps de micro, pas plus. «De cette façon, si quelqu’un dans l’audience est peu sensible à tel type de poésie, il sait que son inconfort ne durera pas longtemps! Moi, j’ai toujours dit aux poètes:“ Parlez profondément au lieu de parler longtemps. Le public écoutera d’autant mieux qu’il aura du temps pour digérer.”» Lors de la première édition du Festival, raconte M. Bellemarre, les journalistes avaient prédit des débuts difficiles et à peine 300 visiteurs, ce qui, à leur avis, aurait déjà constitué un petit succès d’estime. «Il y en a eu 5 000!»

Un public de tout âge

«À l’aube de ses 30 ans, le Festival international de la poésie est parmi les plus vieux du genre au monde, indique Maryse Baribeau. En plus, il est le seul à présenter des lectures dans les restaurants, les bars, les galeries d’art et un peu partout, là où les gens vivent. Pour moi, travailler à son bon fonctionnement et à son rayonnement est devenu une façon de vivre, de me brancher sur l’essentiel. C’est comme si, au cours des ans, j’avais ajouté ma pierre à l’édification d’une église.» Pour conclure, Maryse ne peut s’empêcher d’évoquer de nouveau l’importance accordée par les organisateurs au public de tout âge. Et elle ajoute que le Festival peut offrir à chacun un programme d’activités clés en main pour une journée ou davantage. Qu’on se le dise!

«Journaliste indépendante amoureuse de mon métier, poète pour garder la flamme, j’ai eu le privilège de participer au Festival international de la poésie à plusieurs reprises. Je garde précieusement en mémoire la lecture que j’ai faite devant les convives du petit resto Le Bucafin géré par une entreprise d’économie sociale dont l’une des missions est d’offrir des cours d’alphabétisation. J’ai été extrêmement touchée d’entendre des gens dire leur premier poème en public, et aussi d’apprendre qu’ils avaient été eux-mêmes si émus de se trouver en présence de poètes reconnus. Lorsque, dans la solitude de l’acte créateur, je me demande pourquoi j’écris de la poésie, le souvenir de ces rencontres intenses nourrit ma quête...»

Julie Stanton

Pour en savoir plus sur le Festival et sur le parcours de ceux qui en sont l’âme

Festival international de la poésie

Du 4 au 13 octobre 2013 à Trois-Rivières

Infos : 819 379-9813 mbaribeau@fiptr.com 

Mise à jour: octobre 2013

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