Christiane et Marie Pier Germain: L’hospitalité, c’est de famille!

Christiane et Marie Pier Germain: L’hospitalité, c’est de famille!

Par Caroline Fortin

Leur chaîne hôtelière est un fleuron synonyme de modernité et de souci du détail. Entretien avec deux passionnées de l’art de recevoir : Christiane Germain, cofondatrice et coprésidente de Germain Hôtels, et sa fille Marie Pier, vice-présidente ventes et marketing.

L’étincelle

Christiane: C’est en voyage à New York, en 1986, que mon frère Jean-Yves et moi avons eu l’impulsion de nous lancer dans l’hôtellerie, après avoir séjourné chez Morgans, un des tout premiers hôtels-boutiques. Les chambres étaient complètement différentes de ce qu’on pouvait voir ailleurs: dans la salle de bains, par exemple, il y avait un carrelage noir et blanc et un lavabo en acier inoxydable. Le design était signé Andrée Putman. C’était magnifique, et ça venait révolutionner le secteur puisqu’à l’époque, peu importe où on se trouvait dans le monde, les chambres des chaînes hôtelières se ressemblaient toutes dans leur impersonnalité. On a donc eu l’idée de transposer ça au Québec à notre façon.

L’audace

Marie Pier: Le premier hôtel que ma mère et mon oncle ont lancé a été le Germain-des-Prés (aujourd’hui Alt Québec), qui était en fait un édifice à bureaux appartenant à mon grand-père et qu’ils ont rénové. Ils avaient trouvé des investisseurs, mais ceux-ci ont quitté le bateau quand ils ont su qu’il n’y aurait pas de bain dans les chambres, mais une douche vitrée! À l’époque, ça ne se faisait pas. Alors, Jean-Yves et Christiane ont persisté. L’hôtel a ouvert ses portes en 1988.

Des valeurs qui perdurent

Christiane: Avant de nous lancer dans l’hôtellerie, on exploitait des restaurants. Notre père, Victor, en a ouvert un à Québec en 1962. L’ameublement avait été réalisé par une entreprise de Plessisville, avec qui on collabore encore. L’approvisionnement local, les projets durables et l’esprit de communauté sont des piliers de notre groupe. Mais ce n’était pas réfléchi comme ça en 1986, ça faisait simplement partie des valeurs de notre famille. Mon père et ma mère se sont beaucoup impliqués dans la communauté à Québec.

La force du nombre

Christiane: Chez nous, le travail a toujours été valorisé. On nous a enseigné très tôt que rien ne tombe du ciel. Oui, parfois, ça prend un peu de chance, mais il faut fournir l’effort. On a beaucoup appris par l’exemple. Le respect des gens qui travaillent pour et avec nous, on l’a toujours vu dans notre famille. Dans l’industrie des services, on n’est rien sans nos équipes.

Du yoga à l’hôtellerie

Marie Pier: Même si j’ai grandi dans les hôtels et que j’en ai plié, des serviettes, dans ma jeunesse, ça n’a pas toujours été une évidence pour moi de rejoindre les rangs du Groupe Germain. J’ai d’abord étudié en génie mécanique, puis à Los Angeles pour devenir prof de yoga: gros détours!

Christiane: J’ai été surprise quand elle m’a dit qu’elle voulait faire son bac en génie. Et quand elle m’a annoncé qu’elle voulait faire du yoga. Mais je l’ai encouragée. Pour moi, l’important était qu’elle fasse ce qu’elle aime.

Marie Pier: J’ai commencé au Germain Toronto tout en donnant des cours de yoga. Je me cherchais encore. Puis, le projet du Germain Calgary a été mis en branle. C’était un nouveau terrain à défricher: un complexe immobilier comprenant un hôtel, un immeuble à bureaux et des condos de luxe. On n’avait jamais fait ça avant, c’était excitant. J’avais quand même étudié en génie, alors j’ai intégré l’équipe de développement-construction, et je n’ai plus quitté l’entreprise après.

Travailler en famille

Marie Pier: J’ai tout appris de ma mère, et j’apprends encore. Mes cousines, mon cousin et moi, on est chanceux de travailler avec nos parents. Ils nous laissent de l’espace, nous permettent de nous épanouir, et en même temps, ils nous donnent des conseils et nous soutiennent. Pour ma mère et moi, entre le travail et la vie personnelle, il n’y a pas vraiment de barrières. On n’arrête pas de parler boulot! C’est certain qu’il faut toutefois trouver un équilibre là-dedans.

Les effets de la pandémie

Marie Pier: En 2020, on avait deux projets en construction. On avait l’impression d’avoir le vent dans les voiles. La COVID-19 a non seulement fait tomber les voiles, mais aussi fait prendre de l’eau au bateau. Il n’y avait plus personne dans nos hôtels, on a dû se départir de 80% de nos effectifs. Ce qui était difficile, c’est que tout ça ne résultait pas d’une erreur qu’on avait commise, on n’avait aucun contrôle sur la situation! Au début, ça a été très décourageant, mais on s’est servi de cette pause forcée pour expérimenter.

Christiane: Marie Pier a une très belle image quand elle parle de cette période, elle dit que c’est comme une volée d’oiseaux: ce n’est pas toujours le même oiseau qui est en tête, mais il y en a toujours un qui mène. C’est ce qui est arrivé, on s’est serré les coudes et quand l’un ou l’une de nous trouvait ça plus ardu, il y avait toujours quelqu’un qui prenait le relais. C’est probablement la période la plus difficile de notre histoire. Ça fait plus de 35 ans que tu bâtis une entreprise et, en l’espace de quelques jours, elle est en train de s’écrouler et tu ne sais pas de quoi le lendemain sera fait.

Rebondir

Marie Pier: On a notamment développé des événements dans nos hôtels autour de la restauration et, parce que le seul endroit où les gens pouvaient manger, c’était dans leur chambre, on a mis en place un service aux chambres. On est aussi allés chercher une clientèle différente, des gens qui ne nous connaissaient pas, qui voyageaient à l’extérieur, mais qui, ne pouvant plus le faire, sont venus chez nous.

Christiane: C’était dur pour les gestionnaires, les directeurs et directrices d’hôtels, car ils faisaient tout, tout, tout. Il n’y avait presque plus de personnel. Heureusement, on a été capables de passer au travers. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts, n’est-ce pas?

Sources de fierté

Christiane: Je n’aime pas regarder en arrière, mais ce qui me rend le plus fière, c’est d’avoir contribué à créer des emplois. La pandémie a été très dure sur le plan de la valorisation de ces postes. Beaucoup ont changé de domaine, ça a laissé le secteur orphelin et il faut rebâtir tout ça, c’est un défi. J’aurais une plus grande fierté si j’arrivais à augmenter la perception de la valeur qu’ont les emplois dans les entreprises de services.

Marie Pier: On a ouvert les portes de notre 19e hôtel à Calgary en juillet. Je suis aussi fière des six étages qu’on a ajoutés au Germain Montréal. On voulait agrandir, mais il n’y avait qu’un moyen de le faire : par le sommet de l’édifice. On a utilisé une technique de construction nouvelle, de l’intérieur, sans grue. C’est fou quand on y pense! Cette innovation s’est réalisée grâce au génie et à un entrepreneur québécois, qui a pu vendre ce prototype ailleurs.

Les beaux jours

Christiane La retraite n’est pas un concept qui me parle. Toutefois, j’aime voyager et vivre ailleurs. Avant la pandémie, j’avais commencé à passer un peu plus de temps dans le sud de la France, un endroit qui me plaît. À l’avenir, je vais peut-être y séjourner tout en continuant à travailler, avec des horaires allégés.

Fidèles au même parfum

Christiane: En matière de parfum personnel, je suis assez Guerlain.

Marie Pier: Et moi, mon parfum est Samsara, de Guerlain. Ma mère le portait quand j’étais petite. J’y suis attachée. Des fois, on me lance: « Mon doux, tu sens ta mère!» Et là, je me dis que ce n’est peut-être pas une bonne chose!

Christiane: Je l’ai porté longtemps! Quand Marie Pier partait dormir ailleurs, j’aspergeais sa doudou de Samsara.

Icônes de style

Marie Pier: C’est ma mère! C’est fatigant, elle est toujours bien mise! Elle a toujours le petit rouge à lèvres, le vernis coordonné…

Christiane: L’élégance européenne m’inspire depuis toujours, autant chez les femmes de mon âge que chez les hommes. Ils ont un sens du style.

Recevoir chez soi

Christiane: Quand j’ai des invités à dormir, j’accorde la même attention aux détails que dans nos hôtels. Je veux qu’ils soient bien, qu’ils dorment bien, que le matelas soit confortable. Être hôtelier, c’est recevoir des gens tous les jours. Cette notion ne nous quitte pas quand on arrive à la maison.

Marie Pier: C’est ce qu’on essaie de transmettre aussi à nos équipes. Que fais-tu pour te préparer à accueillir quelqu’un dans nos hôtels? Tu fais la même chose que chez toi: tu mets des belles fleurs, tu veux que ça sente bon…

Christiane: Tu te ramasses 

Marie Pier: Tu rends ta maison propre, accueillante. Tu te prépares pour ne pas être prise au dépourvu quand tes invités arrivent, pour qu’ils se sentent accueillis et attendus. L’art de recevoir, c’est ça aussi.

Christiane: C’est un acte de générosité. Il s’agit de penser à l’autre davantage qu’à soi.

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