L’âge: on ne s’y arrête pas!

L’âge: on ne s’y arrête pas!

Par Linda Priestley

Crédit photo: iStock

Les années affichées au compteur sont-elles importantes? Alors que l’âgisme persiste et signe dans les lieux publics, et parfois privés – ça peut aller jusqu’à la discrimination envers soi-même –, la question se pose (encore). En ce sens, le cas du président américain Joe Biden est très éclairant.

Pendant les semaines qui ont précédé la rédaction de cet édito en juillet dernier, le monde entier avait sa petite idée sur la décision que devait prendre le 46e président des États-Unis. Partout dans les médias, d’ici et d’ailleurs, son âgé était mentionné ad nauseam. Comme s’il fallait constamment rappeler aux gens que l’homme avait 81 ans après tout, et que cela expliquait ses pertes de mémoire et ses moments de confusion. L’ombre du déclin cognitif planait, opposant les électeurs et semant chez eux l’inquiétude face à cette réalité qui, à leur corps défendant, les guette aussi.

Si la question du déclin cognitif a été évoquée à maintes reprises par les politiciens et autres – du moins a-t-elle servi d’excuse ou d’argument pour en arriver au renoncement de M. Biden à un second mandat –, il s’agissait surtout de spéculations et de rumeurs. Or, elle devrait d’abord et avant tout être discutée, expliquée, démystifiée, et ce, dans toutes les sphères publiques. Parce qu’autrement, on oublie que les pertes cognitives peuvent toucher n’importe qui, et surgir plus tard, mais aussi plus tôt dans la vie. Qu’elles s’avèrent parfois paralysantes, les personnes affectées étant convaincues que la bataille est perdue d’avance, alors que pourtant, cela ne les empêche pas forcément d’être fonctionnelles, ni créatives ou énergiques.

On ne se rappelle pas non plus que la perte cognitive revêt bien des visages. Si certaines fonctions du cerveau, comme la mémoire, s’affaiblissent avec l’âge, d’autres, comme le raisonnement, gagnent au contraire en puissance. Parfois, c’est le contraire. Parfois, c’est tout à la fois ou rien du tout. Allez savoir. Mais chose certaine, il faut détruire les préjugés. Et surtout, ne pas juger une personne uniquement en fonction de son âge ni de ses égarements cognitifs.

Les octogénaires et les nonagénaires extraordinaires sont plus nombreux qu’on ne croit. Par exemple, jusqu’à sa mort, à 96 ans, la défunte reine Elizabeth n’a démontré aucune baisse de ses facultés intellectuelles, à part des manques de concentration occasionnels. Quant à la neuropsychologue Brenda Milner, 106 ans, reconnue pour ses travaux sur la mémoire, elle a travaillé à l’Institut neurologique de Montréal à l’Université McGill jusqu’à l’âge de 98 ans. Et puis, revenons à Joe Biden qui, il faut le souligner, continue d’être actif sur la scène politique dans sa neuvième décennie.

Pour terminer, il est facile aussi d’oublier que derrière chaque perte cognitive ou chaque diagnostic de démence, il y a un être humain, à qui il faut parler ouvertement et délicatement de sa condition, pour sa protection et la nôtre. Et ça, c’est l’essentiel de ce que nous sommes – empathiques et solidaires – et ce sur quoi nous devrions nous concentrer: s’efforcer d’offrir à chaque personne la possibilité d’aller aussi loin que le lui permettront ses moyens.

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