Les suppléments alimentaires sous la loupe des experts

Les suppléments alimentaires sous la loupe des experts

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStock

Il suffit de regarder l’étalage des suppléments nutritionnels en pharmacie et dans les magasins d’aliments naturels pour constater qu’il y en a pour tous les goûts et tous les besoins. Mais sont-ils vraiment nécessaires? Si oui, dans quels cas? Et lesquels choisir? On fait le point là-dessus. 
 
Dans le cadre de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015, Statistique Canada indiquait que 65,1% des femmes et 42,5% des hommes âgés de 51 à 70 ans avaient déjà consommé des suppléments nutritionnels. Cet engouement s’explique en grande partie par le désir de rester en bonne forme et de pallier les carences alimentaires.
 
Chez les professionnels de la santé, la prise de suppléments ne fait toutefois pas l’unanimité. Certains mettent leur utilité en doute, alors que d’autres estiment les preuves suffisantes pour justifier qu’on y ait recours. Dans ce contexte, il est difficile de trancher. La solution? Agir avec discernement.
 

Entre monde idéal et réalité

En théorie, les suppléments alimentaires sont superflus chez les gens en santé qui mangent bien. Selon le pharmacien Jean-Yves Dionne, on peut en effet trouver tous les nutriments essentiels dans notre assiette.
 
«Aucun supplément ou groupe de suppléments, si bon soit-il, ne peut pallier une alimentation inadéquate, précise-t-il. Le seul nutriment normalement déficitaire malgré une diète équilibrée est la vitamine D, synthétisée par le soleil. Dans un monde idéal, on adopterait donc un régime alimentaire sain et équilibré plutôt que de recourir à des suppléments. Dans la vie réelle, c’est autre chose. On sait qu’une bonne partie de la population ne mange pas toujours bien et, par conséquent, ne consomme pas tous les nutriments en quantités suffisantes. De plus, certaines personnes présentent des déficiences en raison d’une malabsorption des nutriments, d’un choix alimentaire particulier (par exemple, le végétarisme) ou d’un problème de santé. Bref, la prise de suppléments ne s’adresse pas à tout le monde, mais dans certaines situations, ça peut être justifié pour combler des besoins particuliers.»
 
Cela dit, avant de recourir aux suppléments, mieux vaut en discuter avec notre médecin afin d’évaluer notre propre état de santé ainsi que la pertinence et les bénéfices de se supplémenter. Inutile de gaspiller de l’argent pour des produits superflus. 
 

Du pareil au même, vraiment?

Sur le marché, il existe une vaste gamme de formules conçues pour répondre à différents besoins, des troubles du sommeil jusqu’aux problèmes digestifs, en passant par les troubles de l’humeur et les carences alimentaires. Le hic, c’est que plusieurs produits affichent les mêmes caractéristiques. Comment alors faire le bon choix? 
 
«Même si les formules contiennent des ingrédients semblables, ça ne signifie pas qu’elles sont équivalentes, affirme la diététiste-nutritionniste Andréanne Martin. Les produits, les dosages et les prix peuvent varier considérablement d’un fabricant à l’autre. Pour s’assurer qu’il s’agit d’un produit digne de confiance, je suggère de s’informer sur la provenance des matières premières, les procédés de transformation, le contrôle de qualité et les tests cliniques. Une compagnie sérieuse n’hésitera pas à fournir ces renseignements.»  
 

Gare au surdosage et aux interactions

Évidemment, la sécurité de ces produits de consommation est primordiale. Doit-on s’en inquiéter? Pas si on respecte la posologie et qu’on choisit un supplément adapté à son âge et à son état de santé. Signalons aussi que les suppléments nutritionnels vendus au Canada doivent obtenir un numéro de produit naturel (NPN), qui certifie que le produit a été jugé sûr, efficace et de qualité par Santé Canada. 
 
Soit, mais même si le risque est faible, il n’est pas nul pour autant. «Un surdosage est toujours possible, rappelle Jean-Yves Dionne. Par exemple, en combinant des multivitamines avec d’autres suppléments, il se peut que l’un d’entre eux se retrouve aussi dans les multivitamines, ce qui entraînerait un surplus. Même chose si on consomme des doses plus élevées que celles recommandées. Les suppléments peuvent également interagir les uns avec les autres ou avec les médicaments prescrits. Dans tous les cas, les conséquences peuvent être très sérieuses. Enfin, il y a le risque de souffrir d’allergie ou d’intolérance.»
 
Avant de prendre n’importe quel supplément, il est donc indispensable d’en jaser avec son médecin ou son pharmacien, qui pourra notamment valider le dosage et prévenir les interactions non souhaitables. 
 

À chaque problème son supplément 

Les suppléments vendus en pharmacie remplissent plusieurs fonctions. Ils peuvent donc être fort utiles pour combler des besoins particuliers à court ou à long terme, selon les carences. Voici quelques indications à ce sujet. 
 
Santé des os
La vitamine D facilite l’absorption du calcium, essentiel à la santé des os. Malheureusement, elle ne se trouve pas toujours en quantité suffisante dans l’alimentation. «La principale source de vitamine D est le soleil, souligne Andréanne Martin. Mais plusieurs éléments – comme la saison, la présence de nuages, le moment de la journée, l’utilisation d’un écran solaire et la quantité de peau exposée au soleil – peuvent nuire à sa production. Sans compter qu’en vieillissant, l’organisme synthétise moins bien cette vitamine. C’est pourquoi Santé Canada recommande un supplément de 600 UI par jour aux personnes de 50 ans et plus, et ce, à l’année. Toutefois, l’Endocrine Society suggère plutôt un supplément de 1500 à 2000 UI pour ce groupe d’âge.»
Conseil de Jean-Yves Dionne: opter pour un supplément combinant les vitamines D et K2, cette dernière favorisant le transport du calcium.   
 

Fatigue 
On se sent amorphe? Impliquées dans la production d’énergie, les vitamines du complexe B s’avèrent parfaites pour combattre la fatigue non spécifique. Et elles sont sans danger, puisque les surplus sont éliminés dans l’urine. Seul effet secondaire: du pipi fluo! Autre option: les plantes dites adaptogènes, telles que le ginseng, la rhodiole et le coqueret somnifère (ashwagandha). Elles augmentent la résistance au stress et redonnent un coup de pep en cas de fatigue. Dosages recommandés: 300 mg de rhodiole par jour et de 300 à 600 mg d’ashwagandha.

Quant aux besoins quotidiens en vitamines du complexe B et en ce qui concerne le ginseng, ils diffèrent d’un individu à l’autre.  
 

Digestion
Plusieurs problèmes digestifs, dont les ballonnements et les brûlures d’estomac, peuvent être causés par un faible taux d’acidité. «L’acide gastrique est en effet nécessaire à une bonne digestion, souligne Andréanne Martin. Malheureusement, sa production diminue en vieillissant. L’utilisation abusive de médicaments antiacides (comme les inhibiteurs de la pompe à protons) nuit aussi à sa synthèse. Et ça entraîne divers problèmes digestifs, surtout après 50 ans.»

La solution simple et naturelle de Jean-Yves Dionne: presser un demi-citron dans un verre d’eau et boire cette eau citronnée au lever ou avant le repas. Et parce qu’un manque d’acide gastrique nuit à l’absorption de la vitamine B12, essentielle aux fonctions neurologiques, Andréanne Martin suggère de prendre un supplément de B12, si nécessaire. Le dosage dépend des apports nutritionnels. Les suppléments de B12 sont également recommandés aux végétariens et aux végétaliens.
 

Sommeil 
Besoin d’un petit coup de pouce pour mieux dormir ? On fait le plein de magnésium grâce à notre régime alimentaire et, si nécessaire, on peut y ajouter un supplément. «Il aide à la relaxation, au sommeil et à la production des neurotransmetteurs, dont la mélatonine, mentionne Andréanne Martin, en précisant que le bisglycinate de magnésium est la forme la plus efficace et la mieux tolérée.» Le magnésium est aussi utile pour lutter contre le stress et les troubles de l’humeur. La dose maximale recommandée est de 350 mg par jour.

 

Rhume et grippe
Si l’échinacée ne guérit pas le rhume ni la grippe, elle peut en revanche réduire la durée des symptômes. Mais attention: il faut absorber une dose de charge dès l’apparition des premiers symptômes pour obtenir un effet rapidement.

«Je conseille de prendre des doses rapprochées dès la première journée, dit Jean-Yves Dionne. Exemple, si la recommandation sur l’emballage est de 60 gouttes à prendre trois ou quatre fois par jour, il faut en prendre 60, mais huit fois la première journée. On réduit ensuite le dosage dès qu’on se sent mieux.» 

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