Santé buccale et santé générale

Santé buccale et santé générale

Par Guy Sabourin

Crédit photo: Alex via Unsplash

Les preuves s’accumulent: il semblerait qu’une bonne santé buccale – dents et gencives – tiendrait certaines maladies à l’écart. C’est en tout cas ce que soutiennent conjointement l’Ordre des dentistes du Québec et l’Association canadienne des hygiéniste dentaires.

Les maladies en question sont loin d’être anodines: diabète, maladie cardiovasculaire, ostéoporose et pneumonie, par exemple. Quel est le lien avec la bouche? Celle-ci reste la principale porte d’entrée des micro-organismes dans le corps. Mal entretenir ses dents et ses gencives signifie offrir le logement gratis à de nombreux micro-organismes… Ceux-ci séjournent dans la bouche et y prolifèrent avant de partir en randonnée plus loin dans notre corps, par phénomène d’aspiration ou par voie sanguine. Ils se logent ensuite dans d’autres organes et déclenchent des maladies.

Pneumonie

«On a fait des prélèvements chez des gens souffrant de pneumonie pour découvrir que la souche microbienne de la maladie est souvent la même que celle que l’on retrouve en bouche», résume Louise Bourassa, enseignante et coordonnatrice du programme d’hygiène dentaire du Collège François-Xavier-Garneau à Québec. Les principales bactéries responsables de la pneumonie (Streptococcus pneumonia et Haemophilus influenzae) sont effectivement présentes dans la salive et la plaque dentaire.

Toute infection parodontale (les tissus qui supportent les dents) devient un réservoir à bactéries. Celles-ci colonisent aussi les voies respiratoires et rejoignent parfois les poumons. Les personnes incapables de maintenir une hygiène buccale adéquate parce qu’elles sont moins autonomes sont plus à risque. Des chercheurs ont démontré qu’améliorer les mesures d’hygiène buccale diminue grandement le risque de pneumonie des personnes âgées et que la prévention à ce chapitre augmente la qualité de vie et diminue les séjours à l’hôpital. Selon l’Ordre des dentistes du Québec, les preuves sont excellentes.

Maladies

Infarctus et embolie

Les maladies cardiovasculaires tuent un Occidental sur deux, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). On les associe de plus en plus à un phénomène inflammatoire. Avoir beaucoup de protéines C-réactives dans le sang signale l’inflammation aiguë. Ces protéines, quand elles prolifèrent, sont associées à un plus grand risque d’infarctus, d’embolie et de maladie artérielle périphérique. C’est du moins ce que l’on croit aujourd’hui.

Or, des chercheurs avancent qu’un état lamentable des tissus parodontaux augmente la quantité de protéines C-réactives. D’autres pensent que les infections parodontales contribuent chez les individus à risque à occasionner de l’athérosclérose et des embolies. La raison: l’irritation des artères par la présence des bactéries parodontales dans le sang. Un chercheur ayant analysé des plaques athérosclérotiques a trouvé de ces bactéries dans presque les trois quarts des spécimens et presque un spécimen positif sur deux contenaient des pathogènes parodontaux.

De là à conclure qu’il y a un risque entre maladies cardiaques et mauvaise santé de la bouche, la marche est encore un peu haute. Il n’en reste pas moins que l’Ordre des dentistes recommande aux patients qui cumulent un ou quelques facteurs de risque de maladie cardiovasculaire d’en avertir le dentiste et de passer un examen annuel de dépistage de maladie parodontale.

Diabète

Au chapitre des complications du diabète figurent désormais des manifestations buccales plus ou moins sévères : brûlures des muqueuses et de la langue, hypertrophie des glandes parotides, infections à répétition, guérison lente et longue, destruction parodontale importante, par exemple.

Quantité d’études épidémiologiques ont montré que les diabétiques souffrent davantage de parodontie. Ils ont un risque multiplié par trois par rapport à une personne non diabétique. De plus, ceux qui contrôlent moins bien leur diabète risquent davantage de perdre leur attache dentaire et répondent moins bien aux traitements. En revanche, ceux qui le contrôlent bien se tirent mieux d’affaire en cas de maladie buccale.

C’est ce que les spécialistes appellent la «relation bidirectionnelle». Meilleur contrôle du diabète, meilleur pronostic pour la maladie parodontale; mauvais contrôle de la condition parodontale, moins bon contrôle de la glycémie. Les mécanismes en cause restent pourtant incompris. Il est toutefois clair que le diabète affecte aussi négativement le système immunitaire, notamment en inhibant le pouvoir des leucocytes (globules blancs) en première ligne de défense contre l’infection parodontale.

Pour le diabétique, donc, la règle d’or est double : contrôler le mieux possible à la fois sa glycémie et l’état de santé de sa bouche et de ses gencives. Des visites régulières chez le dentiste s’imposent. «Il faut avertir l’hygiéniste dentaire et le dentiste de sa condition de diabétique afin qu’ils redoublent d’attention à l’examen de la bouche», note Louise Bourassa.

Ostéoporose

Autre maladie ayant des répercussions en bouche: l’ostéoporose. Elle fragilise les os, et notamment les os de la mâchoire, qui soutiennent les dents. Les facteurs de risque communs que sont l’âge et l’utilisation de certains médicaments, dont les corticostéroïdes, peuvent empirer à la fois la maladie parodontale et l’ostéoporose. Si la perte osseuse de l’ostéoporose menace de faire tomber les dents, la plupart des études ajoutent qu’une infection bactérienne conjointe dans la bouche peut accélérer le processus.

La diminution des œstrogènes durant la ménopause contribue à la perte osseuse en général et de la mâchoire en particulier. Quantité d’études font état de la rétention améliorée des dents en présence d’hormonothérapie. L’Ordre des dentistes estime qu’il y a un lien évident entre l’ostéoporose et les maladies parodontales, deux préoccupations majeures de santé.

Que faire?

Première règle, rappelle Louise Bourassa: porter attention à l’état de ses gencives. Il faut les examiner souvent pour être capable de distinguer entre état normal et anormal. On sera attentif aux trois «C». D’abord, la couleur: la gencive normale est rose, et rouge quand elle devient malade. Ensuite le contour: une gencive en santé comporte un petit «v» entre les dents. Enfin la consistance: toute enflure, tout œdème, tout saignement ne sont pas normaux. La gingivite ne fait pas mal… et peut passer inaperçue si l’on ne se montre pas attentif. Elle peut être localisée ou généralisée. L’Association canadienne des hygiénistes dentaires estime qu’environ une personne sur deux souffre de gingivite – souvent sans le savoir –, un chiffre que corrobore Louise Bourassa.

La gingivite est réversible, c’est-à-dire qu’avec des moyens que suggérera le dentiste ou l’hygiéniste dentaire, on peut en guérir en quelques jours. C’est important de s’en occuper parce que le stade suivant, la parodontite, est irréversible. Non seulement la gencive sera touchée, mais aussi le support osseux de la dent. Ça devient plus sérieux et ça augmente le risque de perdre la dent… et le risque de rendre plus vulnérable à certaines maladies, comme on vient de le voir. «Il faut des traitements beaucoup plus en profondeur en cabinet privé», précise Louise Bourassa.

Le brossage et la soie dentaire restent les moyens privilégiés d’hygiène buccale. Les micro-organismes adhèrent aux dents et deviennent collants. Il faut des moyens mécaniques pour les y déloger. Les mêmes règles d’hygiène s’appliquent aux porteurs de prothèses. Seule différence: ils devraient avoir une brosse plus souple pour les dents naturelles, et plus dure pour les dents de la prothèse, qui doit aussi tremper dans une solution pour la nuit.

Faut-il utiliser un rince-bouche antibactérien en plus? L’Association canadienne des hygiénistes dentaires affirme que oui, mais pas les dentistes. «En fait, c’est au dentiste de déterminer quel traitement vous convient en fonction de votre situation buccale, explique Carole Erdelyon, porte-parole de l’Ordre des dentistes du Québec. Nous ne recommandons pas le rince-bouche pour tout le monde dans l’hygiène de tous les jours.» Parce qu’il contient de l’alcool, le rince-bouche assèche les muqueuses de la bouche. Mais il y a des situations où, bien sûr, il est de mise.

Vive la routine!

Vive la routine!

Tous les jours, la plaque, pellicule invisible chargée de bactéries, s’accumule sur nos dents; elle durcit en 24 à 36 heures. On l’empêche d’élire domicile grâce à une hygiène dentaire quotidienne, sinon elle se cimentera tant que seul le dentiste pourra l’enlever.

Il faut tout d’abord utiliser la soie dentaire avant de se brosser les dents. Ne pas le faire équivaut à laisser un tiers de la surface des dents sans soin. La soie déloge les bactéries à la base des gencives et entre les dents, endroits que la brosse n’atteint pas.

«Un bon brossage prend de deux à trois minutes», précise la dentiste Maryam Adibfar, qui pratique à Toronto. Elle recommande la brosse électrique, qui fait un meilleur travail et moins mal que la brosse manuelle. Quant aux nouveaux dentifrices, ils combattent sur plusieurs fronts: antiplaque, antitartre, antisensibilité, antigingivite, antiformation des taches, protection contre les caries et blancheur. Deux brossages par jour, et le tour est joué!

Pour la Dre Adibfar, le rince-bouche est de mise. Surtout qu’il en existe maintenant au moins une variété sans alcool, ce qui nous évite la sensation de brûlure et le dessèchement des muqueuses. Si soie et brossage délogent les bactéries, le rince-bouche va plus loin: il les tue. L’Association dentaire canadienne, pour sa part, ne va pas jusqu’à recommander un rince-bouche dans la routine de soins régulière.

Enfin l’hygiène de tous les jours concerne tout autant les prothèses, qu’elles soient fixes ou amovibles, puisque la plaque peut aussi s’y accumuler et durcir.

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