Longévité: S’inspirer des zones bleues pour vivre vieux

Longévité: S’inspirer des zones bleues pour vivre vieux

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStock

Depuis leur découverte il y a une vingtaine d’années, les zones bleues, ces cinq régions du monde où les centenaires sont très nombreux, retiennent l’attention des chercheurs. Les habitants de ces endroits détiennent-ils vraiment les secrets de l’éternelle jeunesse et, si oui, peut-on faire comme eux?

En 2000, le médecin universitaire italien Gianni Pes et le démographe belge Michel Poulain ont observé dans la province de Nuoro, en Sardaigne, une forte concentration de nonagénaires et de centenaires en excellente santé. Dans certains villages, une âme sur cinq était âgée de plus de 90 ans ! Les chercheurs ont encerclé sur une carte, au crayon feutre bleu, la zone regroupant ces villages, d’où le nom de «zone bleue».

Peu après, un journaliste américain du National Geographic, Dan Buettner, s’est joint à l’équipe afin d’étudier le phénomène et de chercher d’autres régions présentant des caractéristiques similaires. Depuis, quatre nouvelles zones bleues ont été identifiées : l’île d’Okinawa (Japon), l’île d’Icarie (Grèce), la péninsule de Nicoya (Costa Rica) et la municipalité de Loma Linda (Californie), où se trouve une communauté d’Adventistes du septième jour.

Moins de bobos!

Selon le Dr Martin Juneau, cardiologue et directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal, les habitants des zones bleues ont non seulement une espérance de vie supérieure à la moyenne d’une dizaine d’années, mais ils vieillissent aussi plus longtemps sans maladies chroniques invalidantes.

La génétique a été évoquée comme facteur positif, mais elle n’explique pas tout. «L’analyse des gènes impliqués, notamment, dans l’inflammation, les cancers et les maladies cardiaques n’a pas révélé de différence significative, explique le Dr Juneau. D’après les chercheurs, pour vivre longtemps et en santé, l’environnement, le style de vie et l’alimentation sont beaucoup plus importants que les prédispositions génétiques. Des études ont d’ailleurs démontré que lorsque les habitants des zones bleues migrent vers d’autres contrées et adoptent l’alimentation et le style de vie des résidents, ils perdent leurs avantages.»

En harmonie avec la nature et les gens

Contrairement à la croyance populaire, les zones bleues ne sont pas similaires en tout point. Outre le fait qu’elles sont dispersées aux quatre coins du monde, chacune de ces régions possède ses propres habitudes alimentaires, son environnement et sa culture.

Les chercheurs ont cependant mis en relief plusieurs points communs semblant expliquer la longévité exceptionnelle des habitants. Voici les principaux.

Une alimentation riche en végétaux. Dans toutes ces populations, la nourriture se compose majoritairement d’aliments d’origine végétale (légumes, fruits, légumineuses, noix, etc.) et de céréales à grains entiers. Autre particularité : la nourriture est surtout locale en raison de leur isolement géographique. Les produits d’origine animale (viande, poisson, fromage) sont présents, mais en petites quantités. Par exemple, les Sardes ne consommeraient qu’un repas de viande par semaine.

De plus, selon le Dr Juneau, certains habitants pratiquent l’autorestriction alimentaire, qui consiste à manger de façon à être rassasié à 80% à la fin d’un repas. Enfin, ils boivent modérément, surtout du vin rouge.

Un mode de vie énergique. Les habitants des zones bleues sont actifs physiquement tout au long de leur vie.

Un sentiment d’appartenance fort. Lorsque le journaliste Dan Buettner a demandé à quelques-uns des centenaires sardes quelle était la raison de leur longévité exceptionnelle, plusieurs ont mentionné l’importance des liens familiaux et sociaux, raconte le Dr Juneau.

D’ailleurs, dans les différentes zones bleues, les gens âgés vivent au sein de leur famille et non pas dans des maisons de retraite. Ils prônent aussi l’importance de donner un sens à leur vie, d’avoir des buts et de développer une spiritualité.

Modèles à imiter

Même si notre mode de vie diffère de celui des habitants des zones bleues, il est tout de même possible de tirer quelques leçons de ces endroits pour améliorer nos chances de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Elles regroupent en grande partie les recommandations souvent émises par les professionnels de la santé.

Tout d’abord, il faut repenser notre alimentation. Selon une revue systématique parue en 2022 dans Nutrients, des menus modérés en glucides et riches en légumes, fruits, noix, grains entiers, poisson et gras insaturés diminueraient notamment le risque de maladie cardiaque et protégeraient le cerveau du vieillissement, rapporte Joëlle Emond, présidente de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec. Et puis, il est nécessaire de bouger tous les jours. Pas besoin de faire des marathons! Marcher de 7000 à 10 000 pas quotidiennement serait déjà pas mal. Enfin, ralentir notre rythme de vie et maintenir un solide réseau familial, social et amical serait de bon augure afin de mettre toutes les chances de notre côté.

Pas de consensus!

La longévité des habitants des zones bleues fascine les chercheurs. Certains y croient, d’autres sont sceptiques. C’est le cas de Benoît Arsenault, professeur à l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec: «Quand on lit la littérature scientifique sur le sujet, on se rend compte que le niveau d’évidence qui supporte la longévité extrême et les habitudes de vie de ces habitants est assez mince», soutient-il. Il s’interroge également sur la fiabilité des données concernant les centenaires.

«Plusieurs démographes ont remarqué une absence de registres de natalité dans les zones bleues. Le taux élevé de centenaires pourrait aussi s’expliquer par la falsification de l’âge afin de profiter plus tôt de rentes de retraite.»

Décidément, le sujet est loin d’être clos. Tout en sachant que des erreurs ou des fraudes peuvent être survenues, le Dr Juneau reste optimiste. «C’est impossible que la majorité des habitants des zones bleues aient menti sur leur âge, dit-il. Aussi, plusieurs études ont démontré les bienfaits d’un mode de vie sain. Je le remarque d’ailleurs dans ma pratique. Mes patients qui s’alimentent bien, font de l’activité physique et ont un bon réseau social vivent plus vieux et plus longtemps en bonne santé.»

Bref, quoi qu’il en soit des fameuses zones bleues, adopter de saines habitudes de vie ne peut qu’être gagnant!

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