Redouter la maladie, quel fléau! Alors qu’une simple toux ou une douleur à la hanche incommodent à peine les autres, nous, au contraire, on meurt d’angoisse. «On a tous des inquiétudes par rapport à notre santé, confirme la Dre Marie-Thérèse Lussier. Pour certains d’entre nous, c’est plus intense.» En général, quand on se fait du souci par rapport à sa santé, une consultation avec son praticien aide à voir plus clair. «Le rôle de ce dernier est d’observer les symptômes et d’effectuer un examen physique pertinent, décrit la Dre Lussier. Il réussit ainsi souvent à rassurer les gens sans même avoir à faire d’examens de laboratoire ou d’imagerie.»
Si notre détecteur de bibittes reste toujours allumé, on gagne, en tout premier lieu, à établir et maintenir une relation de confiance avec notre médecin de famille. «Il peut, par exemple, nous encourager à nous demander si nos symptômes ne seraient pas plutôt aggravés par notre anxiété, explique Frédéric Langlois, psychologue. En développant des pensées moins catastrophiques quant à l’interprétation de ceux-ci, on se donne la chance de constater qu’ils finissent par disparaître.» Si le travail d’équipe effectué avec notre médecin ne suffit pas à réduire notre niveau d’anxiété et de pessimisme, on peut alors se tourner vers une thérapie cognitivo-comportementale pour nous inciter à ne pas nous faire de mauvais sang inutilement.
Trouver sa zone de confort
Quand notre état de santé nous tourmente, l’absence d’un diagnostic nous rend carrément… malade. Heureusement, on peut apprendre à tolérer l’incertitude. «En nous demandant quelle est la part d’incertitude habituellement endurée par les individus, on peut à notre tour parvenir à développer un niveau de tolérance supportable», affirme Frédéric Langlois. L’exercice peut s’accomplir avec le soutien de notre médecin ou d’un psychologue dans les cas plus sévères. Chose certaine, on a intérêt à remédier à la situation si on est du genre à entretenir des pensées funestes sur notre condition. «La santé, c’est déjà incertain, et plus on vieillit, plus il y aura de l’incertitude parce que le corps change.»
Opération diversion
Pour faire cesser de tourner le petit hamster dans notre tête, rien ne vaut se changer les idées. «En intervention, je suggère d’abord aux gens d’adopter un mode de vie actif, avance Frédéric Langlois. Cela ne garantit aucunement une protection totale contre la maladie, bien entendu, mais le simple fait de manger convenablement et de bouger aide à devenir moins préoccupé par ses symptômes.» En gros, plus on s’affaire, moins on tend à être sur nos gardes face à notre corps. «Notre capacité attentionnelle doit être constamment dépensée dans une journée. Or, si on ne fait rien, notre attention sera retenue par la moindre sensation, et chez l’hypocondriaque, celle-ci suffit à déclencher un signal d’alarme. D’où l’importance de bouder l’oisiveté. Cela nous amène à utiliser notre scanneur de manière plus efficace.»
Fini le drame!
Notre rituel du matin consiste à nous rendre au petit café du coin en compagnie de gens hyper négatifs qui font étalage de leurs douleurs, blessures ou autres? Fuyons! «Entendre les autres parler de leurs bobos nous pousse à nous concentrer sur les mêmes types de problèmes dans notre corps, poursuit le psychologue. Les jours suivants, on se met à éprouver des sensations anormales.» Qu’on soit vulnérable ou non, mieux vaut s’entourer de personnes actives et positives. «Elles nous montrent que la vie vaut la peine d’être pleinement vécue, avec optimisme et vigueur!»
Alerte à la cybercondrie
Il n’y a pas de mal à consulter Dr Google, pourvu qu’on ne devienne pas obsédé par l’Internet-santé. Cela pourrait en effet contribuer à alimenter nos craintes, en particulier si on est prédisposé à l’hypocondrie, avertit Frédéric Langlois: «Quand on est dans l’incertitude, plus on cherche en ligne, plus on se trouve de raisons de douter ou encore une autre maladie.» Avant de paniquer et d’arriver en cabinet avec un diagnostic tout prêt, on a intérêt à discuter avec notre praticien de nos symptômes et de ce qu’on a trouvé sur le Web. «Après une évaluation de notre condition, il pourra déterminer si les infos rapportées s’appliquent à notre cas», conseille la Dre Lussier. Si ce dernier ne peut nous recevoir dans les plus brefs délais, on a le choix d’en discuter alors avec un pharmacien ou un infirmier, ou encore d’appeler Info-Santé 8-1-1.
Il est aussi utile de savoir que tout ce qui se trouve sur Internet n’est pas forcément vrai. «Certaines infos n‘ont pas été validées par la science», avertit Cathy Bazinet, éditrice d’e-santé communication. Pas plus que les résultats de recherche qui apparaissent sur Google, par exemple, lorsqu’on fait une recherche d’information sur certains symptômes: «Ils n’ont aucune validité médicale», ajoute Mme Bazinet, qui recommande de toujours vérifier et contre-vérifier toute info dénichée sur Internet auprès d’une source sûre, comme les sites d’organismes gouvernementaux, tel que Santé Canada, ou spécialisés, comme la Société canadienne du cancer ou Diabète Québec, et, bien sûr, d’en parler à un spécialiste de la santé. La Dre Lussier suggère quant à elle de demander à notre médecin de nous transmettre une liste des sites qu’il juge fiables.
Quand ce n’est pas notre imagination
Bien entendu, certains symptômes peuvent donner lieu à un diagnostic. «Un symptôme sortant de l’ordinaire ou persistant, ou encore une douleur importante, sur le plan neurologique, cardiaque, respiratoire, digestif, urinaire, gynécologique, musculaire ou autre, devrait encourager à consulter», recommande la Dre Lussier. Un essoufflement ou une douleur à la poitrine, des changements de selles, une perte de poids inexpliquée, une transpiration abondante pendant la nuit non liée à la ménopause, du sang dans les urines ou dans les selles, une bosse au sein, un saignement vaginal après la ménopause en sont des exemples. «La liste des signes indiquant que quelque chose ne va pas est beaucoup trop longue pour qu’on puisse les nommer tous», ajoute-t-elle. Pour mettre toutes les chances de notre côté, on consulte notre médecin en cas de doute, on respecte notre calendrier de suivi médical et on se soumet aux tests périodiques de dépistage de maladies sérieuses, comme l’hypertension, le diabète, un cholestérol trop élevé, l’ostéoporose, le cancer de la peau, du sein, de la prostate et du côlon. Selon notre condition et nos antécédents, on observe les mesures préventives et prescriptives données par notre praticien, et on demeure attentif (sans appréhension) aux signaux d’alarme. Par exemple, s’il y a des personnes dans notre famille atteintes de maladies du cœur, on s’informe à propos des signes d’une crise cardiaque. En demeurant ainsi en état d’alerte jaune, et non rouge, on prend notre santé en charge, mais sans perdre la tête!
Suis-je hypocondriaque?
• Au moindre bobo, je tends à m’inquiéter plus que la moyenne des gens. Ça nous arrive à tous d’éprouver temporairement une pointe d’inquiétude devant des symptômes donnés. Mais quand on est aux prises avec l’hypocondrie, cela devient une idée fixe. «Dans un cas sévère, la personne va éprouver une grande inquiétude incontrôlée au quotidien, donc presque toute la journée», décrit Frédéric Langlois, psychologue.
• Je suis en état d’alerte rouge. Alors que la moyenne des gens est en état d’alerte jaune, nous, on est hyper vigilant. «C’est comme si on se passait constamment un scanneur de la tête aux pieds, à l’affût du moindre signe qui trahirait une condition grave», explique le psychologue. Or, plus on porte attention, meilleures sont nos chances de s’imaginer ressentir quelque chose d’anormal.
• Je recherche sans arrêt du réconfort. On fait la ronde des médecins avec l’espoir de tomber sur une âme compatissante qui voudra bien confirmer nos pires craintes. L’un des praticiens consultés pourrait alors nous proposer de subir des tests et des évaluations. Mais comme ceux-ci contribuent à confirmer nos doutes et à renforcer notre sentiment de peur, on tombe vite dans un cercle vicieux. «Ce n’est que si on reçoit un diagnostic pour quelque chose de précis que l’inquiétude disparaît, puisque dans ce cas, on sera pris en charge. Sinon, on passe au spécialiste suivant et on continue tant qu’on n’a pas obtenu de preuve à 100 % formelle que tout va bien.»