Les troubles alimentaires peuvent survenir à n’importe quel moment de la vie et prendre différentes formes. Comment peut-on s’en sortir?
Un problème de santé, une dépression ou un stress peuvent entraîner une perte d’appétit. Normal. Mais si le changement résulte d’un rapport problématique avec la nourriture, il s’agit d’un trouble de l’alimentation. Et personne n’est à l’abri. «Il est de plus en plus courant de rencontrer des gens de 50, 60 ou même 70 ans qui en souffrent», confirme Howard Steiger, chef du Continuum des troubles de l’alimentation du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.
Les maux de la faim
Les troubles alimentaires se présentent principalement sous trois formes.
L’anorexie nerveuse – Elle se caractérise par une brusque perte de poids résultant de régimes draconiens, de jeûnes, d’exercice physique excessif ou autre. «La maladie est associée à une peur démesurée de prendre du poids et à une distorsion de l’image corporelle», mentionne Josée Lavigne, responsable du volet éducation et prévention d’Anorexie et boulimie Québec (ANEB). C’est la maladie mentale qui présente le plus haut taux de mortalité. Selon le Dr Steiger, 5 % des personnes atteintes y succombent; la moitié des victimes meurent des séquelles de la maladie, les autres se suicident.
La boulimie – Elle se distingue par des épisodes répétés et incontrôlables d’orgies alimentaires, suivies de comportements compensatoires pour éliminer les calories consommées, tels que vomissements, usage de laxatifs ou diurétiques et jeûnes, précise le Dr Steiger. Certaines personnes concernées perdent du poids de façon épisodique; d’autres maintiennent un poids normal ou développent un embonpoint.
L’hyperphagie boulimique – «Elle se caractérise par des compulsions alimentaires, mais sans comportements compensatoires, ce qui peut mener à une prise de poids importante», indique Josée Lavigne. C’est le trouble le plus fréquent et le plus susceptible de toucher les 55 ans et plus. Contrairement à l’anorexie et à la boulimie, qui affectent majoritairement les femmes (environ 90 % des cas), l’hyperphagie touche presque également les deux sexes, soit deux hommes pour trois femmes.
Au cœur du problème
Contrairement à ce qu’on pense, la volonté n’a rien à voir avec les troubles de l’alimentation. Ce problème va bien au-delà de la nourriture. Il découle en fait d’une combinaison de facteurs biologiques, sociaux et psychologiques. «Les personnes présentant un trouble alimentaire sont génétiquement prédisposées à cette maladie, affirme le Dr Steiger. Autrement dit, le trouble est latent jusqu’à ce qu’il soit déclenché par des facteurs variant d’un individu à l’autre. Par exemple, on sait que l’œstrogène peut favoriser le déclenchement et le maintien de la maladie, car cette hormone affecte le fonctionnement de certains neurotransmetteurs, dont la sérotonine, qui régulent l’humeur et l’anxiété, mais aussi l’appétit. Le trouble peut aussi être lié aux nombreuses pressions sociales incitant les femmes à rester minces et à maintenir une apparence jeune.»
Par ailleurs, des facteurs psychologiques entrent également en jeu. Selon Josée Lavigne, les troubles alimentaires sont souvent associés à des personnalités perfectionnistes, anxieuses, obsessives ou impulsives. Les personnes ayant des antécédents familiaux de dépression, d’obésité, d’abus physique ou psychologique, entre autres, sont plus susceptibles de développer ce problème. La maladie se manifeste aussi parfois à l’occasion d’un événement traumatisant, tel un décès ou une agression. Mais qu’importe la cause, mieux vaut demeurer attentif à ces comportements alimentaires, car leurs répercussions sont sérieuses.
Le poids des conséquences
Les troubles alimentaires ont un impact significatif non seulement sur la santé physique et émotionnelle, mais aussi sur la vie sociale et professionnelle. Ainsi,les restrictions caloriques entraînent des carences graves pouvant provoquer de l’anémie, de l’ostéoporose et des problèmes cardiaques et rénaux, entre autres. L’obésité causée par la boulimie et l’hyperphagie augmente, quant à elle, le risque de diabète, d’hypertension et de maladies cardiaques.
Cela dit, les troubles alimentaires causent aussi une grande détresse psychologique, note Josée Lavigne: «Les épisodes de boulimie et d’hyperphagie s’accompagnent d’un sentiment de perte de contrôle. Après la crise, l’individu ressent de la culpabilité, de la honte, des remords et du dégoût.» À cet égard, les personnes anorexiques ne sont pas épargnées. Elles vivent aussi des sentiments d’impuissance, de culpabilité et de honte. Cette souffrance entraîne divers problèmes, dont l’anxiété, la dépression et les perturbations du sommeil et de l’humeur. Sans compter les effets néfastes sur les relations avec la famille, les amis et les collègues. «Les troubles alimentaires mènent souvent à l’isolement, affirme le Dr Steiger. Manger en public devient de plus en plus difficile, au point d’éviter les repas en groupe, les rencontres sociales et les voyages.»
Des indices à surveiller
La difficulté, c’est d’admettre qu’on souffre d’un trouble alimentaire et qu’on a besoin de soins. Le déni est fréquent. Et parfois, on ne réalise pas l’ampleur du problème. Pas simple non plus de déceler ce trouble chez un proche.
Certains comportements devraient toutefois sonner l’alarme. «Quand l’image corporelle, le poids et la nourriture prennent beaucoup de place dans notre vie ou celle d’un proche, il y a tout lieu de s’inquiéter, indique Josée Lavigne. Les personnes avec un trouble alimentaire vont, par exemple, sauter des repas, planifier de manière excessive ce qu’elles mangent, compter les calories, s’exercer abusivement, se peser fréquemment, entretenir des pensées obsessionnelles sur leur poids, utiliser la salle de bains après avoir mangé, refuser les invitations et s’isoler.»
Bref, si notre poids et notre alimentation deviennent notre priorité, il y a un problème. On devrait consulter. Il s’agit plutôt d’un proche? On lui offre notre aide. Car il y a des solutions.
Le plaisir de manger sainement
Plus on agit tôt, plus nos chances de réussite sont grandes et moins on risque de développer un trouble chronique. Reste qu’il est difficile de s’en sortir seul. Trouver l’origine de la maladie et le traitement adéquat n’est pas simple. Une aide professionnelle est généralement nécessaire pour y voir clair.
«Le traitement est multidisciplinaire, précise le Dr Steiger. On utilise entre autres la psychothérapie cognitivo-comportementale, les rencontres individuelles, familiales ou de groupe, les consultations avec un nutritionniste et parfois aussi la médication pour traiter les patients.» Le but est d’éliminer les fausses perceptions concernant le poids et l’image corporelle, de rétablir une saine relation avec la nourriture et d’améliorer l’état physique et psychologique.
Quand on constate qu’un proche éprouve ce genre de problème, Josée Lavigne conseille d’adopter une attitude ouverte et honnête. «Il ne faut pas avoir peur de dire qu’on perçoit sa souffrance et qu’on aimerait l’aider. On parle au “je” et on évite le ton réprobateur. On ne met pas l’accent sur ses comportements alimentaires, mais plutôt sur sa détresse et sa solitude. On l’écoute sans le juger. Et on le dirige vers des organismes d’aide.» La plupart d’entre eux offrent aussi de l’accompagnement aux proches. On en profite. Car quelle que soit la situation, il existe des solutions. Ça vaut la peine de les essayer.
Ressources utiles
ANEB Québec offre une ligne d’écoute et de références, un service d’aide par clavardage et textos, ainsi que des groupes de soutien ouverts ou fermés pour la personne concernée et ses proches. Info: 514 630-0907, 1 800 630-0907 ou anebquebec.com.
L’Institut Douglas propose un programme complet de traitements: thérapie, nutrition, pharmacologie, etc. Une référence d’un professionnel de la santé est nécessaire pour y avoir accès. Info: 514 761-6131, poste 2895, ou douglas.qc.ca.
Baca accompagne et soutient les personnes concernées et les proches. Au programme: psychothérapie individuelle, suivi nutritionnel, ateliers de groupe, etc. Info: 514 544-2323, 1 833 544-2323 ou cliniquebaca.com.
La Maison l’Éclaircie offre des services d’écoute téléphonique, de rencontres individuelles et de groupe, et plus encore. Info: 418 650-1076, 1 866 900-1076 ou maisoneclaircie.qc.ca.
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