«Bon!, j’ai fini de nettoyer la salle de bains. Je vais maintenant préparer le dîner», dit tout haut Monique. «Il ne faut pas que j’oublie d’aller chez le nettoyeur», lâche soudain René.
Ces petites scènes de la vie quotidienne évoquent quelque chose de familier pour vous? Pas étonnant. Bon nombre d’entre nous tiennent des conversations à haute voix, souvent sans même en être conscient. Bonne nouvelle toutefois: contrairement à ce que certains prétendent, ces monologues sonores ne sont pas l’apanage des personnes vieillissantes! L’habitude prend racine dès l’enfance. Les jeunes utilisent en effet largement le monologue. Une fois adulte, on met cependant un frein à celui-ci, sous prétexte qu’il est culturellement inapproprié de parler tout haut, seul à seul, en présence de quelqu’un. On soliloque moins, et uniquement en privé autant que possible!
Cela dit, selon la psychologue Suzanne Castonguay, il est cependant vrai que, avec l’âge, on a tendance à renouer avec cette habitude, non pas qu’on devienne sénile, mais plutôt par besoin de se sécuriser lorsqu’on vit une tension ou par désir de ne rien oublier malgré une mémoire plus capricieuse.
Ce qui nous incite à parler tout seul …
On s’organise. Une façon comme une autre d’établir ses priorités, de prendre une décision ou encore de ne rien oublier. Ainsi, Louise ne commence jamais sa journée sans détailler son horaire à voix haute. «Je le faisais inconsciemment, explique-t-elle. C’est ma sœur, en visite chez moi, qui me l’a fait remarquer. Après avoir bu ma dernière gorgée de café, je me lève et je dis tout haut ce que je vais faire dans ma journée, et ce, par ordre de priorité.» Gabriel, pour sa part, dit le faire quand il doit prendre une décision. «Ça peut être aussi bien quand je décide d’aller faire une course ou quand je dois réprimander un employé. On dirait que ça me donne l’élan nécessaire pour bouger.»
«En vieillissant, la résistance au stress diminue, souligne Suzanne Castonguay. Par conséquent, le taux d’anxiété est généralement plus élevé chez ces personnes. Pour être sûres de ne rien oublier ou de pouvoir planifier tout parfaitement, elles se parlent à haute voix. Comme si le fait de se l’entendre dire ajoutait quelque chose à la mémoire.»
Ce qui nous incite à nous parler tout seul…
On prépare une rencontre. «Je ne dois pas oublier de mentionner à mon médecin que je pars en croisière prochainement et que, depuis quelque temps, j’ai de fréquentes insomnies, se dit Patricia, qui avoue se parler tout haut avant tout événement anxiogène. Patricia est tout à fait normale! Le fait de répéter à voix haute des consignes ou encore ce que l’on va dire aide à se donner confiance et à atténuer la tension. Voilà pourquoi Colette utilise aussi cette méthode quand elle souhaite régler un conflit. «Je prépare mes répliques, raconte-t-elle. Je pratique même le ton sur lequel je vais les dire pour que mes propos correspondent à mes états d’âme ou qu’ils ne soient pas trop cinglants. Et puis, ça m’aide à modérer mes émotions. Au moment de la rencontre, je suis beaucoup moins agressive.»
On se motive. Pierre lance un sonore: «OK, je vais tout de suite aller au bureau de poste!» Et le voilà déjà parti. En fait, s’entendre dire que l’on va faire telle chose nous encourage à passer à l’action. «C’est une façon de dire: il faut que je bouge, que je fasse ce travail-là, explique Suzanne Castonguay. C’est un comportement que l’on adopte également quand on doit affronter une situation. On va alors se dire à voix haute: Go, go, t’es capable! C’est comme une coche de plus pour nous convaincre de le faire.» On fait la même chose quand on veut se féliciter pour un bon coup: «Tu t’es bien tirée d’affaire, ma grande!»
On se défoule. Dans les situations de colère ou de grandes tensions, on a souvent besoin de se parler tout haut pour ventiler ses émotions. «En voiture, il m’arrive régulièrement de tempêter à haute voix après les autres conducteurs, avoue Odette. J’ai l’air d’une hystérique. Mais, tant pis, ça me fait du bien.» Au fond, toutes les émotions intenses, qu’il s’agisse d’une douleur ou d’une colère subite, font parler tout haut, même ceux qui n’en ont pas l’habitude.
On se concentre. Se parler aide tout naturellement à fixer l’attention. «Quand il y a beaucoup de gens ou de bruit autour de moi, je n’arrive pas à me concentrer, explique Murielle. Dans ces moments-là, je dis à haute voix ce que je suis en train de faire, comme des calculs au travail. Ça m’évite de faire des erreurs.»
Comment réduire – ou camoufler! – ses monologues…
On s’ennuie. Il faut l’admettre: vivre seul n’est pas toujours facile. Le silence est parfois lourd à porter. Voilà pourquoi beaucoup de gens vivant seuls prennent l’habitude de monologuer. «C’est une façon de combler le vide, mentionne Suzanne Castonguay. La plupart du temps, on commence d’ailleurs à se parler tout seul sans même s’en rendre compte.» Certains vont même s’imaginer parler à quelqu’un, particulièrement s’il y a un manque de stimulation sociale. C’est le cas de Claire qui, malade, sort peu. «Depuis le décès de mon mari, il y a un an, je ne supporte pas le silence, dit-elle. Je m’ennuie de nos longues conversations. Alors parfois, même s’il n’est plus là physiquement pour m’entendre, je lui parle…» Cette façon de prolonger la relation avec le disparu peut effectivement aider à exprimer sa peine, sa colère, son ennui, pourvu qu’elle soit occasionnelle et n’empêche pas les contacts avec l’entourage.
On se critique. Malheureusement, nos monologues peuvent aussi miner notre confiance en nous et augmenter notre angoisse. Si l’on se dit, jour après jour: «Hé que je suis bête!» «Qu’est-ce qui va m’arriver ?» ou encore «Je suis donc malchanceux!», il y a de bonnes chances que ce genre de commentaires finisse par nous saper le moral. Alors, on reste positif, même en monologuant!
Comment réduire – ou camoufler! – ses monologues…
- Prendre des notes. En mettant sur papier ce que l’on ne veut pas oublier, on n’aura plus à tout se répéter à haute voix.
- Apprendre à relaxer. Les personnes détendues sont moins portées à réfléchir tout haut. On adopte donc des moyens de réduire le stress et de relaxer.
- Adopter un animal. Quand on s’adresse à son chien ou à son chat, on n’a plus l’impression de se parler tout seul, et les autres ne nous jettent plus de drôles de regards!
- S’isoler. Certains travaux nous incitent davantage à monologuer? On attend alors d’être seul pour les faire. Ainsi, on ne dérangera personne et l’on pourra se payer la traite!
- Pianoter sur le volant. En auto, on se parle tout en pianotant sur le volant. Les autres conducteurs s’imagineront que l’on fredonne un air entraînant.