Que faire quand notre partenaire de vie, pilote de nos finances personnelles, ne peut plus s’en occuper? Conseils d’experts pour gérer un budget, même si on n’en a pas l’habitude. Après le décès de son conjoint, l’unique administrateur des finances du couple depuis 25 ans, Caroline (prénom changé) s’est trouvée désemparée. «Il avait hérité de ce dossier dans le partage des tâches, et non parce que je n’étais pas intéressée», raconte cette gestionnaire du réseau de la santé de Trois-Rivières.
Le passage du flambeau n’a pas été facile. «En même temps que je vivais mon deuil, je devais reprendre le contrôle de tous les aspects de ma vie. J’en perdais des bouts.» Ainsi, il lui arrivait d’oublier de payer des factures ou de ne pas saisir certains enjeux budgétaires. «Quand je rencontrais mon planificateur financier, je n’étais pas toujours toute là. Ce qu’il me disait entrait dans une oreille et sortait par l’autre.» À refaire, elle se présenterait avec une amie de confiance pour ne rien échapper, avoue-t-elle. Quelques mois lui ont été nécessaires pour maîtriser la situation.
Caroline n’est pas la seule à vivre ce genre d’expérience. Des conjoints qui se retrouvent subitement aux commandes des finances de leur ménage alors qu’ils n’ont jamais acheté un REER ni rédigé un budget de leur vie, c’est le quotidien de Sylvain B. Tremblay, planificateur financier et vice-président chez Optimum gestion de placement. «Chez les couples de longue date, souvent une personne gère tout l’aspect monétaire et l’autre lui fait confiance. Ça fait partie du partage des tâches. Un décès ou une invalidité peut néanmoins provoquer un grand chambardement.» Du jour au lendemain, le conjoint qui se retrouve seul après un décès, une maladie ou un divorce doit occuper le fauteuil du comptable et prendre des décisions rapides, tout en apprenant la réalité du budget. Pas facile… «Côté littératie financière, ces gens-là recommencent souvent à zéro, observe Sylvain B. Tremblay. Notre rôle est de nous adapter à leur niveau de connaissance et de les amener à reprendre le contrôle de leur argent.» Il a entre autres déjà enseigné à une veuve comment écrire un chèque, chose qu’elle n’avait jamais faite auparavant.
La plupart du temps, nous disent les spécialistes, les personnes «officiellement désintéressées», qui doivent désormais assumer la gestion de leurs finances personnelles, finissent par y prendre goût. «Dès qu’elles commencent à maîtriser les aspects financiers de leur vie, elles développent un grand intérêt», constate le planificateur.
Pour d’autres, par contre, les obstacles sont nombreux. À la suite du décès de son mari il y a deux ans, Louise Marcil Rivest, 74 ans, a dû apprendre à se débrouiller seule après un demi-siècle de vie commune. En matière de chiffres, c’était le brouillard total, explique sa fille, Stéphanie Rivest: «Comme elle est de nature très anxieuse, mon père a voulu protéger ma mère du stress financier. Or, cette façon de faire a eu l’effet inverse.» Malgré le passage du temps, l’argent reste toujours une source d’anxiété pour sa mère. «Je continue à veiller sur elle, même si elle gagne beaucoup en autonomie. Elle rencontre désormais son planificateur financier sans ma présence.»
Préparer le terrain
Dans tout ménage, un plan de match est de mise si on veut éviter les imbroglios par la suite. À commencer par la rédaction d’un testament. Cette mesure n’est cependant pas suffisante. «Il existe une responsabilité partagée dans un couple en matière de finances personnelles, souligne Bruno Therrien, planificateur financier chez IG Gestion de patrimoine. D’un côté, la personne qui gère les finances doit mettre en place une stratégie visant à faciliter la passation des pouvoirs. De l’autre, celle qui ne gère pas doit veiller à être capable de reprendre les rênes en cas de problème.»
Dans la pratique, plusieurs «comptables du couple» refusent d’envisager une éventuelle transition. «La cause majeure: le conjoint expert de la calculatrice ne veut pas songer à sa propre finalité. Donc, il ne voit pas la nécessité d’amorcer les démarches.» On le comprend. Pourtant, comme l’a dit Benjamin Franklin: «Qu’y a-t-il de certain dans ce monde, hormis la mort et les impôts?»
Question de se préparer au maximum, les deux conjoints gagneraient à assister ensemble aux rencontres avec leur planificateur financier. «Il est important que le conjoint qui ne s’occupe pas de ce volet acquière un portrait général de la situation», poursuit Bruno Therrien. Par ailleurs, ajoute l’expert, «le conjoint survivant ne part pas à zéro lorsque ses finances sont déjà encadrées». Selon lui, mieux vaut ne pas attendre le règlement de la succession. «Au contraire, on devrait consulter le plus rapidement possible. Plusieurs décisions prises après un décès auront des répercussions importantes à long terme, notamment au niveau de la fiscalité.»
Plan de match
Peu importe les circonstances, quand on se retrouve tout d’un coup seul responsable de nos finances, le plus sage serait de faire face à nos nouvelles obligations sans tarder. Les créanciers n’afficheront pas de compassion. Les comptes doivent être payés rubis sur l’ongle.
Dans l’éventualité d’un décès, le conjoint survivant devrait toujours posséder une marge de manœuvre financière dans son compte personnel. «En cas de décès, les comptes bancaires du défunt, incluant le compte conjoint, seront gelés pendant plusieurs semaines, rappelle Sylvain B. Tremblay. Il faut avoir les moyens de garder le navire à flot pendant cette période.»
Selon les professionnels, la meilleure façon de se retrouver dans les finances du ménage est d’analyser à fond le compte bancaire conjoint principal, en s’attardant aux trois derniers mois. «Aujourd’hui, les relevés bancaires sont assez précis, relève Bruno Therrien. Ils donnent un bon portrait des engagements financiers des ménages.»
On met ensuite tous les dossiers à jour. On demande au Régime de rentes du Québec (RRQ) s’il est possible d’obtenir les rentes du conjoint. Même chose en ce qui concerne son fonds de pension, dont les conditions varient grandement d’un régime à un autre. La seule façon d’y voir clair est de lire la police d’assurance attentivement.
Les comptes enregistrés, comme le REER et le CELI, seront transférés à l’héritier. S’il s’agit du conjoint, le CELI pourrait être «roulé» en sa faveur. Le CELI restera ainsi un CELI, sans impact sur les droits de cotisation du partenaire de vie, et les rendements demeureront exempts d’impôts. On peut faire le même exercice pour les REER. Bref, il existe diverses stratégies afin de réduire les impacts fiscaux au moment du décès.
Puisque décès rime avec liquidation, on doit procéder au partage de tous les biens du défunt, en respectant ses dernières volontés. Le liquidateur, qui peut être le conjoint survivant, mais aussi un ami de la famille ou un enfant, doit ouvrir un compte au nom de la succession. Ce compte recueillera les sommes d’argent du défunt en attendant que la succession se règle jusqu’à l’obtention du Certificat de décharge (fédéral) et du Certificat autorisant la distribution des biens (provincial). Ces documents stipulent que le défunt n’a plus aucune dette envers le fisc. Par la suite, le liquidateur peut distribuer les biens.
On évalue ensuite la nouvelle situation financière. À la suite du décès, les dépenses ne resteront pas tout à fait les mêmes. La deuxième voiture ne sera plus nécessaire, la migration en Floride pendant les longs mois d’hiver pourrait cesser… «On doit réévaluer le nouveau train de la vie», confirme Sylvain B. Tremblay.
Si on manque de connaissances en matière de finances personnelles, il est recommandé de consulter des professionnels. Mais attention de ne pas prendre le premier venu, met en garde le planificateur: «Mieux vaut ne pas confier son patrimoine à n’importe qui et vérifier d’abord si cette personne est inscrite à l’Autorité des marchés financiers.»
oui, JE ME METS DANS LES PIEDS DES FINANCES, CAR CE N’EST PAS UN DOMAINE QUE J’ACCÉLÈRE ET OUI JE VOUS
REMERCIE POUR CES BONS CONSEILS UTILES ENCORE UNE FOIS POUR NOS DEMARCHES FINANCIÈRES