L’automesure: utile ou non?

L’automesure: utile ou non?

Par Jacqueline Simoneau

Crédit photo: iStock Photo

Tensiomètres et glucomètres numériques, piluliers connectés, podomètres, montres et bracelets dédiés à l’activité physique, dispositifs captant les cycles de sommeil, chandail mesurant la respiration, la fréquence cardiaque et même le niveau de stress… Décidément, la santé connectée est en plein essor! Selon l’étude Diffusion de la santé connectée au Canada, réalisée par Inforoute Santé du Canada, HEC Montréal et le Cefrio, environ 24 % des Canadiens utilisent d’ailleurs déjà des objets connectés pour surveiller leur santé. 

Pas surprenant: le désir de bien vieillir combiné à la difficulté d’obtenir des rendez-vous médicaux incite à veiller sur sa santé. Or, le principe de base des objets connectés est simple: ils captent les données et les transfèrent dans une application mobile qui les analyse et les présente, notamment, sous forme de tableau ou de graphique. Ainsi, il est facile de comparer les mesures semaine après semaine et d’assurer un suivi dans le confort de son foyer. Mais si l’automesure offre de nombreux atouts, elle comporte aussi sa part de risques…

Ses avantages

En facilitant la collecte et la lecture des données, l’automesure encourage la prise en charge de sa santé. «Cette pratique développe une bonne connaissance de son corps et une sensibilité face à son état de santé, ce qui permet de faire les suivis médicaux nécessaires au bon moment», souligne Nathalie Bier, professeure agrégée à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

✓Les nouvelles technologies représentent un plus dans l’autosurveillance. «Même si, à l’instar des dispositifs traditionnels, les appareils connectés ne remplaceront jamais le médecin, ils constituent des outils complémentaires utiles notamment pour évaluer la progression de certaines maladies chroniques (hypertension, diabète) ou pour vérifier l’efficacité d’un traitement», note le pharmacien Pierre-Marc Gervais. 

✓Les données d’analyse permettent de mieux gérer le traitement de certaines maladies (dont le diabète) et les risques en fonction du mode de vie. 

✓La possibilité de transférer les données à un professionnel de la santé (médecin, pharmacien, infirmier) permet à ce dernier de faire un suivi à distance et d’intervenir rapidement en cas de problème. D’où une réduction sensible des visites médicales.

✓Les objets connectés liés à l’activité physique peuvent motiver les gens à maintenir une bonne forme physique.

Ses inconvénients

x L’utilisation d’objets connectés peut devenir une obsession. «Si on se sent obligé de porter son bracelet chaque fois qu’on marche pour suivre ses courbes de tension, son rythme cardiaque ou sa capacité pulmonaire, il y a un problème, soutient Nathalie Bier. Même chose si on se sent forcé de prendre sa pression plusieurs fois pas jour.»

x Selon Nathalie Bier, l’emploi d’objets de mesure crée parfois plus d’angoisses que de bienfaits. «Il est facile de se perdre avec tous ces chiffres et ces courbes et de mal interpréter les résultats.» Pierre-Marc Gervais est du même avis: «Certaines personnes paniquent dès qu’elles jugent une valeur un peu hors norme. Mais ce n’est pas parce qu’une pression est élevée une fois qu’il y a un problème. Plusieurs éléments peuvent modifier les résultats, dont l’entreposage, la méthode d’utilisation, la position durant la mesure ou le contexte.» 

x La qualité varie grandement d’un appareil à l’autre. Il est donc primordial de choisir un appareil homologué par Santé Canada ou doté du logo d’un organisme reconnu, tel Hypertension Canada, qui en garantit l’efficacité et la sécurité. 

x Les résultats ne sont pas exacts à 100 %. Pour vérifier la précision d’un tensiomètre ou d’un lecteur de glycémie par exemple, on recommande de l’apporter chez son médecin ou son pharmacien pour s’assurer que les mesures sont sensiblement les mêmes. 

x Tout objet connecté, donc relié à Internet, peut être piraté.  

x La protection des données collectées n’est pas garantie. Il faut bien lire les conditions d’utilisation pour savoir l’usage qui en sera fait. Les données personnelles ne devraient d’ailleurs être transmises qu’à un cercle très restreint de personnes de confiance, afin de s’assurer qu’elles ne se retrouvent pas sur Google, Facebook ou autre à notre insu. 

Quoi choisir?

Selon Pierre-Marc Gervais, le tensiomètre et le lecteur de glycémie sont les appareils à privilégier. Le tensiomètre est surtout utile pour les gens souffrant du diabète, d’une maladie des reins, du syndrome du sarrau blanc (pression élevée en présence du médecin et normale à la maison) ou d’hypertension masquée (tension normale chez le médecin, mais élevée à la maison). Quant au lecteur de glycémie, il est recommandé aux personnes diabétiques prenant des médicaments pouvant causer des hypoglycémies. 

Les autres appareils d’automesure ne sont pas essentiels, à moins d’avis contraire du médecin. A-t-on vraiment besoin d’enregistrer notre pouls, de noter les calories brûlées ou de détecter le niveau de transpiration durant l’activité physique? Probablement pas… Toutefois, si ces objets connectés nous aident à prendre soin de nous et à demeurer actif, rien ne nous empêche de les utiliser!

Les bons gestes

1 On demande l’avis de son médecin ou de son pharmacien avant de se lancer dans l’automesure. 

2 On s’assure du bon fonctionnement des appareils de santé en les comparant à des dispositifs semblables en pharmacie ou en clinique. Et on vérifie régulièrement l’état des pièces. 

3 On prend toujours les mesures sur les mêmes appareils. 

4 On suit méticuleusement les consignes d’utilisation.

5 On ne se fie pas aveuglément aux résultats. «Une personne peut afficher des valeurs paraissant anormales, mais qui, mises en contexte, ne dénotent aucune maladie, alors qu’une autre peut avoir des valeurs normales mais un problème sous-jacent», rappelle Pierre-Marc Gervais. D’où l’importance de continuer à voir son médecin régulièrement. 

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