Il est plus jeune que moi. Et alors?

Il est plus jeune que moi. Et alors?

Par Caroline Fortin

Crédit photo: iStock

Les différences d’âge continuent de faire jaser. Surtout (et toujours) quand c’est la femme qui est plus vieille dans un couple hétérosexuel.

Un homme plus vieux avec une femme dans la fleur de l’âge ? Pas de quoi écrire à sa mère. Mais une quinqua ayant à son bras un trentenaire ? Voilà que fusent les commentaires. Un double standard que la psychothérapeute et sexologue Sylviane Larose résume ainsi : « Une femme qui s’affiche en relation avec un homme plus jeune, ça fait ressortir deux choses : qu’elle a du désir et de la sexualité. »

Pourquoi ça choque?

Eh bien, parce que les femmes sont encore cantonnées dans un certain rôle. Milaine Alarie, professeure associée à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), qui a consacré des recherches aux couples hétérosexuels où la femme est l’aînée, rappelle ces différences dans les schémas dominants.

«Les hommes sont vus comme en droit d’exprimer leurs désirs sexuels et de chercher à les satisfaire, alors que les femmes sont encouragées à se percevoir avant tout comme objet de désir. Les hommes sont incités à faire les premiers pas, les femmes, à attendre les propositions. On accorde en outre aux hommes une plus grande permissivité sexuelle quant au nombre de partenaires qu’ils peuvent avoir. Et culturellement, le vieillissement est présenté comme ayant un effet dépréciateur plus marqué sur la valeur des femmes que sur celle des hommes. Bref, l’âgisme combiné au sexisme crée un environnement particulièrement contraignant pour les femmes d’âge mûr désirant rencontrer des hommes plus jeunes.» Insérer ici un emoji roulant des yeux!

L’âge, c’est relatif

Pour Sylviane Larose, une différence de cinq ou six ans, «ce n’est rien». C’est lorsque l’écart se mesure en douzaine d’années, voire en génération, qu’il peut déranger.

«Car on a alors des référents à part, sur le plan culturel, de style de vie, de travail.» Mais tout dépend surtout de la période de vie. «Dans mes recherches, les femmes dans la trentaine étaient plus susceptibles de considérer comme important un écart de quelques années, comparativement aux femmes dans la cinquantaine. Mais celles qui étaient habituées à fréquenter des hommes largement plus vieux pouvaient trouver heurtant d’avoir cinq ou six ans de plus que leur conjoint. Bref, l’écart, c’est une question de perspective», dit Milaine Alarie.

Au lit, le paradis?

Il est tentant de céder à l’équation homme plus jeune = septième ciel. Mais il faut se méfier des généralisations, rappelle la scientifique.

D’un côté, selon ses recherches, une majorité de femmes estiment la dynamique sexuelle avec des hommes plus jeunes «très satisfaisante, et souvent mieux que ce qu’elles ont vécu avec des hommes de leur âge ou plus âgés car elles se sentent plus libres d’exprimer leurs désirs et leur appétit sexuel, et de s’affirmer lors des ébats.»

De l’autre, « plusieurs femmes ont tenu à souligner que tous les hommes plus jeunes ne sont pas nécessairement des amants talentueux, généreux et à l’écoute».

Sur un plan plus prosaïque, les jeunots ont en général moins de problèmes érectiles. «Il faut toutefois arrêter de penser que ceux-ci deviennent automatiques après 40 ou 50 ans, rectifie Sylviane Larose. Plein d’hommes sont sexuellement fonctionnels à 60, 70 ou 80 ans.»

Et il y a l’idée voulant que se donner à une femme d’expérience, c’est le plaisir assuré. Cette perception fait en sorte que beaucoup «se sentent grandement désirées et encouragées à manifester ouvertement leurs désirs et leur savoir-faire», dit Milaine Alarie, ajoutant que ces femmes trouvent que les jeunes ont davantage tendance à prioriser leur plaisir sexuel.

Des relations qui durent

«Même si ces couples sont parfois vus comme éphémères, la différence d’âge n’empêche pas une relation de durer, tranche Sylviane Larose. Tout dépend de ce que les gens cherchent : un véritable engagement ou une relation qui vient répondre à des besoins précis, comme les besoins sexuels. Ce qui maintient une relation, ce sont les valeurs communes qui permettent d’évoluer ensemble.»

Quelques écueils planent cependant, comme le jeune amant désire des enfants. «Il faut entrer dans une relation de manière éclairée», dit la psychothérapeute et sexologue. La ménopause peut également entraîner une baisse de désir. «Mais on peut s’adapter et apprendre à fonctionner différemment au lit.»

Et il y a le risque de se retrouver déphasés, surtout si l’écart est important. «La femme arrive à la retraite, son conjoint, non. Alors, elle doit accepter de réaliser des projets seule, et en planifier d’autres à deux. Ça peut devenir suffisamment conflictuel pour mener au sentiment d’être enlisée.»

Et l’attirance, elle, peut-elle résister au temps? «On vieillit au même rythme même si on n’a pas le même âge, rétorque Sylviane Larose. La plupart des couples vont s’adapter dans les codes d’attraction en vieillissant. Et comme dans n’importe quelle relation, si un des deux partenaires change physiquement de façon drastique parce qu’il ne prend pas soin de lui, l’attirance peut diminuer.»

L’art de s’assumer

Peu importe ce qu’en disent Pierrette, Jean ou Jacques, il faut apprendre à faire fi de l’opinion d’autrui. «Les gens vont toujours juger, rappelle la psychothérapeute et sexologue. Si je suis à l’aise avec mon couple, c’est tout ce qui compte. Après, on peut nommer les choses: "Ma relation amoureuse est sérieuse. On partage les mêmes valeurs, on a des projets. J’aime ma vie amoureuse, je suis bien avec lui."», conseille Sylviane Larose.

Et citer ce constat de Milaine Alarie pourrait clouer des becs: «Le jeune homme qui cherche sa mère, selon les participantes à mes recherches, serait un mythe. D’après elles, les hommes qui fréquentent des femmes plus âgées apprécient plutôt la confiance en soi, les compétences sexuelles, la maturité et l’indépendance, des qualités souvent pensées comme se développant avec l’âge.» Et vlan!

Vidéos