De nombreux adultes souffrent d’un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), mais la plupart l’ignorent. Pourtant, ce problème neurologique peut affecter grandement le quotidien de ces personnes. Au moindre doute, il faut consulter, car une fois le diagnostic établi, la vie change… en mieux!
Il n’y a pas si longtemps encore, plusieurs personnes croyaient que le TDAH disparaissait à l’adolescence. Or, les données actuelles démontrent que la moitié des enfants ayant reçu un diagnostic voient leurs symptômes persister à l’âge adulte. Au Québec, environ 4% de la population adulte serait touchée.
«Alors que le TDAH est plutôt bien documenté chez les enfants, il passe souvent sous le radar chez les adultes, notamment chez les 50 ans et plus, déplore la Dre Annick Vincent, psychiatre spécialiste du TDAH et autrice de plusieurs livres sur le sujet, dont Mon cerveau a besoin de focus (écrit en collaboration avec Lorraine Beaudoin), fraîchement arrivé en librairie. Il y a 30 ou 40 ans, le TDAH était méconnu. Bien des gens atteints ont vieilli sans recevoir de diagnostic. Certains ont réussi à composer avec leurs différences, d’autres ont eu plus de mal.»
La bonne nouvelle: il n’y a pas d’âge pour com- prendre ce qui ne va pas et demander de l’aide.
Ça va, la tête?
Soyons clair: il n’y a pas de lien entre le TDAH et l’intelligence d’un individu. Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental caractérisé par des problèmes d’attention, d’hyperactivité et d’impulsivité. Le cerveau des personnes atteintes se développe et fonctionne différemment de celui des autres en raison du dysfonctionnement de deux neurotransmetteurs, la dopamine et la noradrénaline, tous deux jouant un rôle dans la transmission de l’information au cerveau.
Bien que les symptômes soient semblables chez les enfants et les adultes, ils ne se manifestent pas nécessairement de la même façon. «On observe une modulation des symptômes chez les adultes, signale la Dre Annick Vincent. Par exemple, l’hyperactivité tend à diminuer, le besoin de bouger étant souvent canalisé dans les sports ou le travail. En revanche, les problèmes d’attention, d’organisation et de planification prédominent, ce qui complique le quotidien, d’autant plus que les exigences et les contraintes augmentent avec l’âge.»
Un TDAH non traité entraîne inévitablement des conséquences: difficultés financières causées par une mauvaise gestion, problèmes relationnels et de couple, sous-productivité au travail, changements et pertes d’emploi, ennuis de santé liés à une prise en charge inadéquate, accidents de la route, etc. Une personne aux prises avec un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité a aussi tendance à oublier ou perdre des objets, être distraite, s’éparpiller, parler trop, interrompre fréquemment les autres, donner l’impression de ne pas écouter, prendre des décisions impulsives et avoir de la difficulté à planifier les activités quotidiennes, mener les tâches à terme, suivre les instructions et gérer ses émotions. Ce n’est pas simple!
«Ces difficultés répétées finissent par engendrer un sentiment d’échec et une faible estime de soi, note le Dr Dave Ellemberg, neuropsychologue et professeur titulaire à l’Université de Montréal. D’autant plus que ceux qui en souffrent sont souvent mal perçus en raison de leurs comportements. La personne avec un TDAH non traité est donc plus à risque de développer ou d’exacerber certaines problématiques, dont l’anxiété, la dépression et la toxicomanie.»
Selon certaines études, la personne ayant un TDAH présenterait même un risque accru de trouble cognitif. «Ce n’est pas d’emblée un facteur de démence, assure la Dre Annick Vincent. Par contre, il peut mener à la dépression, à l’hypertension, voire au tabagisme, des variables qui augmentent le risque de démence.»
Se faire évaluer: ça vaut le coup!
Parce qu’ils ont toujours vécu avec leur condition, bien des gens ne reconnaissent pas leurs symptômes comme des signes d’un TDAH. Divers événements peuvent cependant les inciter à consulter. Certains s’y résignent quand les stratégies de compensation ne suffisent plus ou devant l’insistance d’un proche. D’autres le font quand des changements surviennent, leur faisant perdre leurs repères: nouvel emploi, retraite, maladie, etc. Puis, il y a celles et ceux qui veulent valider leurs doutes ou qui décident de consulter parce qu’un proche en qui ils se reconnaissent a reçu un diagnostic de TDAH.
C’est le cas de l’humoriste Philippe Laprise, qui s’est fait confirmer un TDAH à l’âge de 35 ans, au moment où sa fille consultait pour le même trouble. «J’ai vécu avec la sensation que quelque chose ne tournait pas rond chez moi, se rappelle-t-il. J’ai longtemps pensé que j’étais le p’tit gars pas capable, pas très intelligent. L’annonce m’a soulagé. Mon diagnostic m’a permis de comprendre que ce n’était pas parce que je n’étais pas bon. La première chose que j’ai faite, c’est de me pardonner d’avoir été cet enfant-là. Ma perception de moi a aussitôt changé.»
Entreprendre une démarche pour infirmer ou valider un diagnostic de TDAH est la première étape vers un mieux-être, assure le Dr Dave Ellemberg. «Il n’est jamais trop tard pour consulter, dit le neuropsychologue. Je reçois de plus en plus de personnes de 50, 60 ou 70 ans qui suspectent un TDAH et veulent des réponses. La confirmation est généralement vécue comme une libération. Elle leur enlève une énorme pression. Connaître l’origine de ses difficultés permet de comprendre, de normaliser, de dédramatiser la situation et de cibler des stratégies d’intervention pertinentes pour réduire les impacts.»
Clarifier le diagnostic est important, car les symptômes peuvent être trompeurs. «Une personne peut présenter des symptômes typiques d’un TDAH, sans pour autant en avoir un, affirme la Dre Vincent. Plusieurs facteurs, comme les émotions intenses, les surcharges de travail, les troubles du sommeil, les changements hormonaux et les problèmes de santé mentale, peuvent aussi provoquer des troubles d’attention, de concentration ou d’organisation.»
À noter que le TDAH se manifeste dès l’enfance, donc si un (ou plusieurs) de ces problèmes survient à partir de 50 ou 60 ans, il faut chercher la cause ailleurs.
Hélas, il n’existe pas de marqueur biologique pouvant confirmer un diagnostic de TDAH. Pour ce faire, une évaluation clinique est nécessaire. Échelonné sur une ou plusieurs rencontres, le processus implique une collecte d’informations auprès de la personne et de ses proches par un professionnel qualifié (médecin, psychologue, neuropsychologue). Les questionnaires et les tests permettent notamment de rechercher les symptômes spécifiques du TDAH, de mesurer leur intensité et leurs impacts, de dépister des troubles sous-jacents, puis de mettre en place des traitements. Une évaluation médicale la complète habituellement afin d’écarter d’autres problématiques.
Après la pluie, le beau temps
Une fois le diagnostic de TDAH établi, il ne reste plus qu’à mettre en place un plan d’intervention. Le but: réduire l’intensité des symptômes et leurs impacts afin de permettre à cette personne d’améliorer sa qualité de vie et de développer son plein potentiel. Mais le grand défi pour elle sera d’abord de l’accepter et d’admettre qu’elle a besoin d’outils pour mieux s’organiser.
Des solutions existent. «En bonifiant le fonctionnement des neurotransmetteurs, la médication agit un peu comme une paire de lunettes en améliorant la capacité du cerveau à faire le focus et à s’automoduler, explique la Dre Annick Vincent. Toutefois, les médicaments ne sont pas prescrits d’emblée. Selon les problématiques ciblées, diverses stratégies non pharmaceutiques peuvent être suggérées, en association ou non avec la médication.»
La thérapie cognitivo-comportementale en fait partie. Son objectif: modifier et normaliser la façon dont une personne pense et réagit. Certains coachs certifiés, spécialisés en TDAH, offrent également une approche intéressante.
«Ils aident les gens à cibler des objectifs, élaborer et adopter des stratégies adaptées ainsi qu’à mettre à profit leur potentiel, tout en les accompagnant», mentionne le Dr Ellemberg.
«Toutes les stratégies adaptatives, comme prendre des pauses fréquentes pour recharger sa concentration, travailler dans un endroit calme pour réduire les sources de distraction, découper une tâche en petites étapes et utiliser un appareil muni d’un minuteur, facilitent entre autres l’organisation, la gestion du temps et l’attention, poursuit le neuropsychologue. Par ailleurs, pratiquer régulièrement une activité physique permet d’activer la production des neurotransmetteurs affectés. Bien dormir aide aussi à conserver son attention et son efficacité.»
Finalement, consulter un groupe d’entraide en TDAH est important pour obtenir de l’aide. Savoir qu’on n’est pas seul à vivre avec un trouble de l’attention permet de se sentir moins isolé.
Mieux se comprendre
Le diagnostic d’un TDAH peut faire une grande différence pour la suite, à condition de vouloir s’aider.
«Après mon diagnostic, j’ai beaucoup lu sur le sujet, raconte Philippe Laprise. Cela m’a entre autres permis de mieux comprendre ma fille atteinte d’un TDAH et de l’aider, raconte Philippe Laprise. Le plus beau cadeau, c’est qu’on est capables de s’écouter et de jaser, ce qui était plus difficile avant. J’ai aussi réalisé l’importance d’être bien entouré. C’est un travail d’équipe. Grâce à mes proches et des professionnels qualifiés, j’ai pu avancer dans ma démarche. Évidemment, tout n’est pas parfait. Ne pas comprendre ce qui se passe dans notre tête pendant 30, 40 ou 50 ans, c’est lourd. Mais ma vie est tellement mieux maintenant!»
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