Le 10 juillet 1972, l’attention des scientifiques et des amateurs de phénomènes cosmiques était portée sur Cap-Chat, en Gaspésie, alors que des astrophysiciens de la NASA et des astronomes de Florence s’y étaient réunis pour observer la première éclipse solaire totale au Québec. Parmi les auditeurs se trouvait le jeune Joe Rao, qui avait fait le trajet de quelque 1400 kilomètres en voiture à partir de New York avec ses grands-parents pour assister au spectacle. Une expérience impérissable pour l’adolescent, déjà passionné d’astronomie grâce à son grand-père et qui est devenu météorologue par la suite. «On dit qu’on n’oublie jamais son premier baiser, et en ce qui concerne un chasseur d’éclipses, on se souvient toujours de sa première fois dans l’ombre», a-t-il confié des années plus tard en entrevue.
Pendant 2 minutes et 36 secondes, dans l’obscurité la plus totale, la magie s’est opérée sur les spectateurs attroupés sous le ciel de Cap-Chat. «Le noir de la lune devant le soleil, c’est le noir le plus noir que l’on puisse apercevoir», a décrit Sébastien Giguère, coordonnateur scientifique et responsable de l’éducation à l’ASTROlab du Mont-Mégantic, au journal La Presse quelques années plus tard.
Cette noirceur transcendante a subjugué la foule, même la grand-mère de Joe, rébarbative au départ et qui demandait: «Pourquoi diable quelqu’un voudrait rouler pareille distance pour se voir plongé dans le noir quelques minutes?»
Aussi courtes soient-elles, et parfois décevantes pour les scientifiques qui veulent récolter des données, les éclipses solaires demeurent cependant une expérience profonde, voire spirituelle aux yeux de ceux qui parcourent la terre pour les observer. Elles bouleversent nos perspectives, changent notre vision de l’univers et nos liens avec celui-ci, affirment-ils. Selon Joe Rao, tout le monde devrait inscrire au moins une éclipse solaire sur sa bucket list.
Si celle qui a été aperçue à Cap-Chat il y a plus de 50 ans a contribué à mettre la petite municipalité de la Gaspésie sur la carte (les éclipses sont avantageuses pour l’économie touristique), pour l’adolescent, elle a permis de trouver sa voie (céleste!), mais aussi de se rapprocher davantage de son grand-père, fervent appréciateur des mouvements intergalactiques, qui lui avait fait voir sa toute première éclipse solaire, visible du Bronx quelques années auparavant, en 1963.
Notre ravissement devant de tels événements naturels, rares de surcroît et qui sont hors de notre contrôle, nous rapproche les uns des autres. Comme une communion devant l’univers infini et mystérieux. De façon plus terre à terre, ils modifient le comportement des animaux. Chez les humains, ils font jaser. Déjà, juste à la bibliothèque de mon quartier, où je me suis procuré des lunettes pour éclipses solaires en vue de celle tant attendue du 8 avril prochain, l’excitation était palpable. Ça promet!
Pssitt: si vous choisissez d’y assister, n’oubliez pas d’inviter vos enfants et vos petits-enfants… et d’apporter vos lunettes!
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