Au bout du chemin

Au bout du chemin

Par Aline Pinxteren, rédactrice en chef

Crédit photo: Laurence Labat; maquillage-coiffure: Sylvy Plourde.

Discuter avec vous de mort en pleine renaissance de la nature, entre l’apéro et le barbecue? Ouch! Même juste après la Semaine nationale des soins palliatifs, on a vu plus riant comme sujet...

Mais pourquoi ce serait sinistre, au fond? «On prépare et on célèbre l’entrée dans la vie pendant des mois, mais pour le bout du chemin, il n’y a presque rien.» Ces mots de Vanessa, la bénévole qui m’a envoyé ce fameux courriel, sont si vrais. En Amérique du Sud et centrale, au Mexique notamment, avec le Día de los Muertos, la mort fait tellement partie de la vie qu’on la fête, là où l’Occident la cache et l’escamote. Quand la mère de Vanessa s’est vu diagnostiquer un cancer de stade 4 à 52 ans, elle s’est battue, forcément. Les médecins ne parlaient d’ailleurs pas clairement de phase terminale. Deux mois durant, Vanessa a jonglé entre son travail dans les relations publiques le jour et le ménage et la cuisine pour sa mère le soir, comme le reste de sa famille. Sans savoir. Jusqu’à ce que l’infirmière à domicile leur parle de fin de vie et leur recommande la maison de soins palliatifs Source Bleue, à Boucherville, leur faisant réaliser qu’on comptait désormais en jours. La maman y séjournera moins d’une semaine avant de s’éteindre. «Mais ç’a été les six meilleurs jours!» se souvient sa fille.

Fini, les tâches quotidiennes: il y a là-bas 160 bénévoles pour 16 patients, sans compter les infirmières et les médecins! Enfin le temps de se poser, de s’asseoir, de se regarder dans les yeux, de se dire les vraies affaires. Le temps des adieux également, dans le calme des heures qui arrêtent un moment de s’écouler, suspendues à ces échanges dont on sait déjà, en les vivant, qu’ils resteront ancrés en nous pour toujours. Rien de triste dans cette acceptation sereine du bout du chemin: on vit avec la certitude, justement, qu’il n’y a pas rien, que ces moments sont tout sauf anodins.

Au point, d’ailleurs, que beaucoup de proches endeuillés s’engagent ensuite pour redonner. Le père de Vanessa, qui n’avait jamais fait de bénévolat de sa vie, emporte maintenant partout sa boîte de dons. Il s’investit aux côtés de Gabrielle, 13 ans, qui a perdu son papa l’an passé, de Laurence, étudiante qui récolte des fonds depuis le décès de sa mère, de Ginette, Claire et tous les autres. Une implication bénévole plus que nécessaire: il y a encore très peu de ces maisons au Québec, et elles ne sont financées qu’entre 30 à 45% par le gouvernement, alors que l’hébergement, les soins et tous les services y sont gratuits pour les patients. 

Quand la ministre de la Santé Jane Philpott a commenté le dépôt du projet de loi fédérale sur l’aide médicale à mourir (déjà en application au Québec), elle a parlé de «s’assurer d’une belle mort, mais aussi d’une belle vie, jusqu’à la toute fin». C’est quoi, une belle vie jusqu’à la toute fin? Et comment pouvoir tous terminer notre route dignement, entourés d’amour et dans la paix?

Soins palliatifs, accompagnement des maladies graves, euthanasie médicale... nous organiserons une table ronde sur la question prochainement. Si vous souhaitez y participer pour partager votre vécu, faites-nous signe! Et parce que Vanessa et les autres bénévoles se battent sans relâche pour faire connaître cette «cause pas si sexy», comme elle le dit joliment, je ne peux qu’encourager les dons, à la Source Bleue ou à la maison de soins palliatifs la plus proche de chez vous, pour que de plus en plus de Québécois puissent bénéficier d’aussi beaux derniers instants que sa maman.

Pour donner: jedonneenligne.org/maisonsourcebleue; autres adresses de maisons sur le site de l’Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec, aqsp.org.

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Aline Pinxteren, rédactrice en chef

aline.pinxteren@lebelage.ca

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