Un toit, plusieurs générations: le tour du monde de la cohabitation

Un toit, plusieurs générations: le tour du monde de la cohabitation

Par Isabelle Bergeron

Crédit photo: istock

Ici et ailleurs, de plus en plus d’initiatives de cohabitation entre générations voient le jour, et les bienfaits qui en émergent sont vraiment encourageants. Voici des exemples de ces endroits où il fait bon vivre à tous les âges!

Les maisons bi ou multigénérationnelles

Elles peuvent prendre la forme d’une maison principale à laquelle s'annexe une petite demeure indépendante destinée aux grands-parents. Il peut aussi s’agir d’un rez-de-chaussée pourvu de tous les services nécessaires ou autre concept. Chaque municipalité ayant ses propres règles concernant les maisons multigénérationnelles, les exemples sont variés. Ainsi, selon le cas, on pourra adapter sa maison selon les critères en vigueur dans la localité ou en faire construire une nouvelle, qui aura la même adresse civique. 

On note une augmentation considérable de ces habitations au Canada au cours des dernières années. Selon les données de recensement, en 2021, le Canada comptait près de 442 000 ménages multigénérationnels (2,9% de l’ensemble des ménages privés), ce qui représente une augmentation de 50% depuis 2001. Au Québec, en 2020, 1749 maisons intergénérationnelles ont été transigées selon l’Association des courtiers immobiliers, une hausse de 43% par rapport à l’année précédente. Ainsi, bien que ce type d’habitation demeure minime par rapport aux autres, de plus en plus de familles y adhèrent.

Quelques questions à se poser avant de plonger

  • Est-ce que tout le monde concerné a discuté en profondeur du projet?
  • Quelles sont les attentes et les craintes de chacun?
  • Quels seront les arrangements: répartitions des frais, respect de l’intimité de chacun, moments partagés, etc.?
  • Quelles sont les règles de la municipalité concernant les maisons multigénérationnelles?
  • À combien les travaux de construction ou de rénovation s’élèveraient-ils?
  • En cas de perte d’autonomie, la résidence sera-t-elle adaptée, pour un fauteuil roulant, par exemple? 

Un pont entre les aînés et les tout-petits

Depuis quelques années déjà, les projets de faire se côtoyer les petits résidents des garderies et ceux des RPA et CHSLD fleurissent. Par exemple, la résidence de Nightingale House à Londres abrite une garderie depuis 2017. Chaque jour, le temps d’un atelier de cuisine ou d’une autre activité, les enfants cohabitent avec des gens qui ont au moins l’âge de leurs grands-parents. 

Ici, à Québec, la garderie Villa Montessori a établi ses quartiers sur le terrain du CHSLD Saint-Dominique en 2019. À Chambly, la résidence pour personnes âgées Manoir Soleil fait figure de pionnière et accueille une garderie depuis 1993.

Les projets se multiplient. En fait, le gouvernement provincial annonçait en décembre dernier vouloir faire la promotion de la cohabitation intergénérationnelle, prévoyant intégrer des centres de la petite enfance (CPE) dans de futures maisons pour aînés. 

Côté retombées positives, une étude américaine parue dans la National Library of Medicine estimait déjà en 2007 que les occasions de vie intergénérationnelle augmentaient les émotions positives, l’estime de soi et la satisfaction face à la vie. De plus, elles stimuleraient le fonctionnement cognitif.

La cohabitation étudiants-aînés 

En 2018, dans le cadre d’un projet pilote à la résidence Les Marronniers à Trois-Rivières, des étudiants étaient logés et nourris en échange d’une dizaine d’heures de bénévolat par semaine. L’expérience a été une réussite. Dans le même esprit, la résidence Les Jardins Saint-Sacrement de Québec héberge deux étudiantes depuis septembre 2022 dans des conditions similaires. Elles ont déclaré en entrevue être très satisfaites de cet accommodement (tout comme les résidents, d’ailleurs !). Cette approche pourrait – pourquoi pas? – faire partie des solutions contre le manque de loyers abordables, la pénurie de personnel et le sentiment d’isolement ressenti par les résidents. 

Ce modèle de cohabitation ne date d’ailleurs pas d’hier. En Espagne, au milieu des années 1990, un projet appelé Vivir y Convivir (Vivre et cohabiter) voyait le jour dans un quartier de Barcelone. Cette initiative visait à répondre à deux problématiques qui minaient le pays : l’accès à du logement décent et abordable pour les jeunes étudiants et l’isolement social d’un nombre important de personnes âgées du pays. Cette initiative est maintenant répandue en Espagne et les aînés qui y participent renouvellent l’expérience les trois quarts du temps.

Plusieurs modèles de ce type de cohabitation existent dans d’autres régions du monde. Aux Pays-Bas, un programme permet à de jeunes étudiants de se loger à faible coût dans les résidences pour personnes âgées Humanitas, moyennant une aide d’une trentaine d’heures tous les mois. En Finlande, un programme s’inspirant du modèle néerlandais a également vu le jour il y a quelques années. En France, plusieurs initiatives de ce genre existent aussi. La cohabitation entre étudiants et personnes âgées y est encadrée par une charte directrice, un code de bonne conduite et une convention d’hébergement.

Autres initiatives similaires, cette fois chez nos voisins du Sud : la Lasell University, près de Boston, et l’Arizona State University à Tempe proposent aux 55 ans et plus des logements sur le campus. Ces derniers ont notamment la possibilité d’assister aux cours gratuitement. Une façon originale de faire cohabiter les générations et de provoquer des relations qui auront un impact positif, tant chez les étudiants que chez leurs aînés. 

Les coopératives d’habitation intergénérationnelles 

Depuis quelques années, de plus en plus de coopératives d’habitation intergénérationnelles voient le jour au Québec. Habitat 1460 et la coopérative d’habitation Habit’âges ont été inaugurées respectivement à Montréal en 2010 et en Gaspésie en 2013. Elles sont parmi les premières du genre à avoir vu le jour au Québec. La coopérative d’habitation intergénérationnelle La Diligence a, quant à elle, ouvert ses portes à Sherbrooke en 2013. Elle combine un bâtiment de 40 logements destinés à des aînés et un bâtiment de 16 logements pour des familles. 

Au Texas, le projet immobilier Cantina Community offre 20 % de ses habitations aux moins de 55 ans, réservant les autres aux plus vieux. À Santa Clara en Californie, l’initiative Agri Hood inclut 160 appartements pour tout le monde et 165 maisons pour les vétérans et les plus de 60 ans dont les revenus sont moindres. Ce qui les réunit ? Une petite ferme où tout le monde peut participer. 

L’exemple de Singapour

Avant-gardiste, la cité-État a mis sur pied un comité sur le vieillissement en… 1982! Le but? Réfléchir et préparer à long terme les bouleversements démographiques à venir. 

La transition démographique y a, en effet, été extrêmement rapide: en 2020, on recensait sur l’île 900 000 séniors pour une population de 4 millions d'habitants et, selon les projections des Nations Unies, 47% de la population singapourienne sera âgée de 65 ans et plus en 2050. De ce comité, dans lequel les générations concernées sont impliquées, sont nées plusieurs initiatives mettant de l’avant le bien-être des séniors, notamment le complexe Kampung Admiralty, une sorte de grande résidence destinée aux plus âgés, mais qui comprend des aires publiques accessibles à tout le monde. 

Boutiques, parcs, centres de santé, de loisirs, etc., – bref, des lieux qui favorisent une grande proximité entre générations. Fait intéressant : le complexe a remporté le prix du bâtiment de l’année 2018 au prestigieux World Architecture Festival. 

 

Merci au Dr François Béland, professeur en gériatrie à l’Université McGill et expert en gérontologie sociale.

Vidéos