Choisir un FERR ou une rente?

Choisir un FERR ou une rente?

Par Sophie Stival

Crédit photo: iStock

À la retraite, on souhaite maximiser nos revenus tout en évitant d’épuiser notre capital. Pour les détenteurs d’un REER, un dilemme se pose: doit-on privilégier le FERR ou la rente? Conseils avisés pour faire un choix éclairé.

 

Françoise a accumulé un bon pécule dans son régime enregistré d’épargne retraite (REER). Depuis quelques années, elle perçoit également des prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ) et la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV). La retraitée comble le manque à gagner en pigeant dans son bas de laine. Cette année, Françoise fête ses 71 ans et doit donc penser à mettre fin à son REER avant le 31 décembre. Elle pourrait le convertir en rente ou transférer son épargne dans un FERR (Fonds enregistré de revenu de retraite). Mais comment choisir entre les deux formules? «La réponse dépendra beaucoup de son profil d’investisseur et de son état de santé», remarque Dany Provost, directeur de la planification financière et fiscale à SFL Expertise. Si elle décidait d’encaisser la totalité de son REER, le solde entier s’ajouterait à ses autres revenus imposables de l’année. Sa facture d’impôt risquerait alors d’être salée!

 

L’attrait des rentes

Le retraité prudent avec ses placements et dont l’espérance de vie est bonne pourrait privilégier la rente viagère. Françoise recevrait ainsi une somme fixe mensuelle jusqu’à son décès, même si elle devient centenaire. En d’autres mots, il s’agit d’une assurance longévité. Autre avantage: en achetant une telle rente auprès d’un assureur, elle n’aura pas à prendre de décision de placement ni à s’inquiéter des fluctuations boursières ou des taux d’intérêt. Cette paix d’esprit n’est cependant pas gratuite. 

Si Françoise décède de manière précoce, elle pourrait ne jamais récupérer entièrement la somme investie. Le détenteur d’une rente viagère subit en effet une importante ponction de capital à l’achat. D’un point de vue successoral, cette solution de placement est donc moins attrayante, car le montant engagé ne pourra pas être versé aux enfants de Françoise ni à d’autres héritiers potentiels.

Toutefois, quelques nuances s’imposent ici. Plusieurs options permettent d’atténuer les inconvénients des rentes viagères. Par exemple, on pourrait y ajouter une garantie de 5 ans, de 10 ans ou même de 15 ans. En cas de décès prématuré, la rente continue d’être versée à son bénéficiaire pour la période restante. On peut aussi protéger son conjoint en choisissant, par exemple, une rente réversible à 60 % en cas de décès, qu’il recevra jusqu’à la fin de sa vie. L’ajout de telles options peut cependant réduire le montant des versements de plusieurs dizaines, voire centaines de dollars par mois. Il faut donc bien évaluer ses besoins. Si on a déjà une assurance vie, il n’est peut-être pas essentiel d’ajouter l’option de réversibilité à notre rente viagère. 


Et le FERR?

On dit souvent que le FERR est le prolongement du REER. L’institution financière avec laquelle on signe le contrat transférera en franchise d’impôt les sommes accumulées dans notre REER. Nos placements continueront à fructifier à l’abri de l’impôt, mais, contrairement au cas du REER, on doit obligatoirement retirer un montant minimum annuel de notre FERR. Ce montant dépend de notre âge et de la valeur de notre FERR au 31 décembre de l’année précédente. 

Il est également possible de convertir le REER en FEER bien avant 71 ans. Le retrait minimum en pourcentage serait alors calculé ainsi: 1/90 moins notre âge au début de l’année. Ensuite, les retraits annuels seront calculés en fonction de seuils minimaux, qui oscillent autour de 5 % à 71 ans jusqu’à 20 % à 95 ans et plus. Il n’y a évidemment aucune limite de montant maximum à retirer du FERR. Mais tout comme les retraits du REER, ceux du FERR sont imposables. Ces sommes pourrait être versées mensuellement, trimestriellement, deux fois l’an ou chaque année.

 

Évaluez vos options

Le FERR procure aussi une certaine souplesse dans la planification financière. Par exemple, si votre conjoint est plus jeune que vous, vous pouvez demander que votre retrait minimal soit calculé en fonction de son âge, et non du vôtre. Cela pourrait s’avérer avantageux si vous avez d’autres sources de revenus et que vous souhaitez laisser votre argent le plus longtemps possible dans votre FERR.

C’est justement le cas de Françoise, 71 ans, dont le conjoint a 63 ans. Plutôt que d’avoir à retirer 5,28 % du solde de son FERR, elle pourrait limiter son retrait à 3,70 %. Avec un double avantage potentiel: d’une part, Françoise paiera moins d’impôt et, d’autre part, elle épuisera son FERR moins rapidement. Et nul besoin d’avoir un FERR de conjoint ou de le désigner comme bénéficiaire du FERR pour utiliser l’âge de son partenaire aux fins de calcul du retrait minimum.

Par ailleurs, avant la retraite, il est important d’intégrer à nos projections les montants à retirer du FERR, tout comme le versement d’une rente viagère. Il faudra également évaluer si notre taux d’imposition sera stable ou s’il oscillera beaucoup pendant la retraite. «Si on a droit au Supplément de revenu garanti, par exemple, ou lorsque nos revenus de retraite varient beaucoup dans le temps, il est important de faire une analyse de sa situation financière après impôt», indique Dany Provost. Ça pourrait être utile si on reçoit un héritage ou qu’on doit assumer une dépense importante, comme le remplacement des fenêtres de notre maison. Cela dit, le FERR permet plus de flexibilité qu’une rente viagère fixe versée chaque mois, puisqu’on peut y piger des montants qui dépassent le retrait minimum. 

L’achat d’une rente viagère est une décision généralement irréversible. Il faut donc peser le pour et le contre avant de procéder. Et comme personne ne peut connaître avec certitude la date de son décès, le choix de privilégier la rente ou le FERR comporte forcément une part de hasard. Beaucoup d’investisseurs couperont donc la poire en deux en transférant des montants dans une rente viagère et d’autres, dans le FERR. «J’aime l’idée de couvrir avec une rente viagère les besoins de base à la retraite», souligne notre expert. Il s’agit des dépenses incompressibles comme la nourriture, les vêtements, les taxes foncières, le loyer, etc. Pour cela, il faut établir un budget qui tient la route et prévoir le coup si on compte déménager en résidence à 80 ans, par exemple. Mieux vaut aussi réviser périodiquement la viabilité de notre plan de retraite en faisant des projections. Pour ce faire, on consulte un planificateur financier ou un professionnel du domaine des placements.


Prendre les bonnes décisions

Avec l’espérance de vie qui s’allonge, les retraités prennent des décisions financières complexes à un âge de plus en plus avancé. Ils doivent par exemple choisir comment décaisser leur épargne retraite de manière optimale. Or, selon des chercheurs de l’Université Texas Tech et de l’Université du Michigan, le niveau de littératie financière diminue graduellement après 60 ans. On entend ici par «littératie financière» la capacité d’une personne à prendre des décisions pécuniaires éclairées. 

Intitulée Old Age and the Decline in Financial Literacy, l’étude souligne que malgré des capacités cognitives déclinant avec l’âge, les personnes sondées se sentaient toujours aussi confiantes dans leur aptitude à prendre de telles décisions financières. Une perception qui peut donc les rendre plus vulnérables aux abus en la matière. Les chercheurs comparent ce sentiment à celui qu’on éprouve à l’égard de la conduite automobile: ainsi, un conducteur de 85 ans peut penser qu’il est bon chauffeur, mais ses passagers pourraient toutefois voir les choses autrement, par exemple à propos de son temps de réaction lorsqu’il faut freiner rapidement. Il serait donc sage de demander conseil à des experts de confiance sur le plan financier. L’intégrité des professionnels du placement, qui agissent dans l’intérêt supérieur de leurs clients, prend ici toute son importance.

 

Le coût d’une rente viagère

La somme déboursée pour acheter une rente viagère dépend:

• du montant des versements que vous souhaitez recevoir: plus ils sont élevés, plus le coût d’achat de la rente grimpe;

• de votre âge: plus vous êtes jeune, plus elle coûte cher, puisqu’il faudra possiblement vous verser des montants plus longtemps; 

• des taux d’intérêt: plus ils sont bas, comme ce fut le cas ces dernières années, plus les montants versés seront réduits. L’assureur obtiendra en effet moins de profit en investissant votre argent. L’inverse est également vrai.

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