Vendre son triplex pour une retraite aisée

Vendre son triplex pour une retraite aisée

Par Ronald McKenzie

Crédit photo: iStockphoto.com

Pierre et Louise ont tous deux 50 ans. Ils profitent au maximum de la vie depuis que leurs enfants ont quitté la maison voilà deux ans.

Pierre, gérant dans une chaîne de magasins, gagne 48 000$ par année. Louise est secrétaire médicale, un emploi qu’elle exerce depuis plus de 22 ans et qui lui rapporte 32 000$ par année.

Notre couple souhaite prendre sa retraite dans 10 ans. Pour vivre confortablement, Pierre et Louise estiment avoir besoin de 43 000$ par année. Cette somme proviendra en grande partie de leur épargne personnelle, ni l’un ni l’autre ne participant à un régime de retraite d’employeur. À 60 ans, les prestations de retraite du RRQ (en $ d’aujourd’hui) seront de 614$ par mois pour Pierre et de 373$ pour Louise. À 65 ans, ils recevront leur Pension de la sécurité de la vieillesse du fédéral, soit 502$ par mois chacun en $ d’aujourd’hui.

Le couple dispose de plusieurs actifs: REER, placements non enregistrés, résidence principale partiellement payée et quelques investissements à court terme. Mais surtout, Pierre est propriétaire d’un triplex entièrement loué qui rapporte 20 492$ brut par année. Il en a fait l’acquisition en 1996 afin de «préparer ses vieux jours», avec l’intention de le vendre à sa retraite. Payé 106 849$, le triplex devrait alors valoir près de 300 000$. Il restera un solde hypothécaire de 22 330$ à régler au moment de la retraite.

Ce projet est-il judicieux? Le couple disposera-t-il alors d’assez d’argent pour couler une retraite sans souci financier? Pour le savoir, ils ont demandé conseil à Denis Bellemare, planificateur financier à Desjardins Cabinet de services financiers, à Québec.

Déduction pour amortissement

Déduction pour amortissement

L’expert a commencé par dresser le bilan du couple. Le résultat est positif: la valeur nette (actif moins passif) est de 613 778$ (voir le tableau Bilan de Pierre et de Louise, ci-dessous).

Actif Pierre Louise Total
Placements à court terme 8 300$ 6 500$ 14 800$
Placements non enregristrés 5 400$ 3 200$ 8 600$
REER 190 179$ 72 400$ 262 579$
Résidence principale 127 850$ 127 500$ 255 700$
Triplex de Pierre 215 000$ 0$ 215 000$
Total de l’actif 546 729$ 209 950$ 756 679$
       
Passif      
Prêt hypothécaire (résidence principale) 36 475$ 36 475$ 72 950$
Prêt hypothécaire (triplex de Pierre) 69 951$ 0$ 69 951$
Total du Passif 106 426$ 36 475$ 142 901$
Valeur nette (actif-passif) 440 303$ 173 475$ 613 778$


Denis Bellemare remarque trois points importants.

1. Au fil des ans, Pierre et Louise ont accumulé des droits de cotisation REER non utilisés de 52 500$ (lui) et de 35 000$ (elle). En effet, notre couple a rarement eu l’occasion de contribuer à son REER le maximum permis en fonction des revenus gagnés. Chaque année, Pierre dépose 5 000$ dans son REER et Louise, 4 000$. Ils continueront à le faire jusqu’à la retraite.

2. Pierre est le seul propriétaire du triplex. «Dommage qu’il ne l’ait pas acheté en copropriété avec Louise. Cela aurait permis de diviser les revenus de location sur deux têtes au lieu d’une et de diminuer les impôts annuels puisque les revenus de Louise sont moins élevés que ceux de Pierre. Cette stratégie aurait été encore plus profitable au moment de la disposition de l’immeuble étant donné la différence de leur taux d’imposition», note Denis Bellemare. Mais ce qui est fait est fait.

3. Pour le triplex, Pierre a toujours déduit le maximum des dépenses d’amortissement permises, qui totaliseront 56 992$ en 2018. «Lorsqu’il vendra la propriété, il devra inscrire ce montant comme un revenu imposable. C’est ce que l’on appelle la récupération d’amortissement», explique Denis Bellemare.

Si Pierre n’avait pas déduit ces dépenses, il n’aurait pas 56 992$ à déclarer. Aurait-ce été plus rentable? «Les points de vue sont partagés à ce chapitre. Mais nous estimons qu’il a pris une bonne décision, puisqu’il prévoyait conserver son immeuble sur une assez longue période pour différer l’impôt sur les revenus locatifs», souligne Denis Bellemare.

La déduction pour amortissement et sa récupération éventuelle ressemblent aux REER, dans la mesure où le propriétaire d’un immeuble à revenus peut reporter l’impôt à plus tard. «De 1996 à 2018, Pierre aura profité d’un impôt moindre à payer, au bénéfice de son budget», note le spécialiste.

Comment s’y prendre

Dans les règles de l’art

Afin de tirer le maximum possible de la vente de son triplex, Pierre doit s’en départir dans les règles de l’art. Du point de vue fiscal, bâtiment et terrain doivent être traités séparément, car aucune déduction pour amortissement n’est accordée sur le terrain.

Rappelons que la vente de la propriété est prévue en 2018. À ce moment, l’immeuble et le terrain vaudront ensemble près de 300 000$, précisément 294 728$, selon les estimations de Denis Bellemare. Le solde hypothécaire sera de 22 330$. Le tableau ci-dessous, Conséquences fiscales de la vente du triplex, donne les trois étapes de la marche à suivre, qui se traduit par un produit net de disposition de 214 441$.

Conséquences fiscales de la vente du triplex

1. Vente de l’immeuble en 2018  
Produit de disposition 265 254$
Prix de base rajusté (96 164$)
Gain en capital 169 090$
A. Gain en capital imposable à 50% 84 545$
B. Récupération d’amortissement imposable (1) 56 992$
Total imposable (A+B) 141 537$
Impôt à payer (taux marginal de 38,4%) 54 350$
   
2. Vente du terrain en 2018  
Produits de disposition 29 474$
Prix de base rajusté (10 685$)
Gain en capital 18 789$
Gain en capital imposable à 50% 9 395$
Impôt à payer (taux marginal de 38,4%) 3 607$
   
3.Sommaire des opérations (immeuble + terrain)  
Produits total de disposition 294 728$
Impôt total à payer (57 957$)
Solde de l’hypothèque au moment de la vente (22 330$)
Produit net de disposition 214 441$

1. La récupération d’amortissement imposable s’obtient en opposant la «fraction non amortie du coût en capital» (FNACC de 39 172$) au plus petit des montants suivants: 96 164$ ou 265 254$ (produit de disposition).

Maximiser les cotisations REER

Maximiser les cotisations REER

Que fera notre couple avec cette somme? Pierre s’en servira d’abord pour combler en partie ses droits de cotisation REER inutilisés. On l’a vu, ceux-ci sont actuellement de 52 500$ et seront plus élevés à la retraite. Toutefois, Denis Bellemare recommande à Pierre de faire une cotisation de 52 500$, pas davantage, pour son REER. En revanche, il lui suggère de placer 5 000$ par an dans un REER de conjoint et d’y verser 24 000$ en 2017. D’où viendra ce capital? Des surplus budgétaires annuels accumulés au fil du temps. De cette façon, l’économie fiscale sera maximisée en 2018 lorsque le couple prendra sa retraite. «Prise isolément, cette stratégie fera passer le taux d’imposition de Pierre de 48,0% à 38,4%. Au lieu de 57 957$, ce sera 37 797$ d’impôt qu’il paiera», calcule Denis Bellemare.

Ensuite, Pierre et Louise puiseront 54 000$ pour payer des dépenses liées à leur mode de vie. Du produit de la vente du triplex, il restera donc près de 108 000$. À cette somme, il faut ajouter le remboursement d’impôt d’environ 20 160$ consécutif aux cotisations REER. Une fois ces dépenses et investissements effectués, le couple disposera de plus de 128 000$ en 2018. Cet argent servira à boucler le budget des années 2019, 2020 et 2021 (43 000$ par année en $ d’aujourd’hui).

À partir de 2022, Pierre et Louise commenceront à décaisser leurs REER, qui vaudront plus de 770 000$ au total. Des stratégies de fractionnement du revenu leur permettront d’économiser d’importants montants d’impôt. Avec ces éléments en place, ils pourront maintenir un niveau de vie confortable jusqu’à 90 ans. «Grâce à la vente du triplex et à l’utilisation judicieuse de leurs REER, Pierre et Louise concrétiseront leur rêve, c’est-à-dire jouir d’une retraite sans tracas financier au moment prévu», conclut Denis Bellemare.

Mise à jour: janvier 2009

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