Union de fait: sachez vous protéger

Union de fait: sachez vous protéger

Par Françoise Genest

Crédit photo: iStockphoto.com

L’union de fait n’est pas un mariage

Lorsque Marcel est décédé, Ghislaine, qui vivait avec lui depuis 17 ans, croyait pouvoir garder la maison et ses biens. Mais ce sont les les héritiers légaux, qui se sont partagé ses avoirs. Ghislaine n’est pas la seule à avoir vécu une telle expérience. Parce qu’ils vivent en union de fait avec la même personne depuis plusieurs années, de nombreux conjoints se croient mariés aux yeux de la loi et pensent avoir les mêmes droits et les mêmes avantages que les couples mariés. La vérité est tout autre: peu importe le nombre d’années de vie commune, l’union de fait ne constitue jamais un mariage, du moins d’un point de vue matrimonial.

De fait, le Code civil du Québec ne confère aucun statut aux conjoints de fait. Trois articles à peine mentionnent l’union de fait, et ce, dans des détails administratifs. Pour le reste, les conjoints de fait n’ont aucun droit et aucune obligation aux yeux de la loi. En clair, cela veut dire que les dispositions du Code civil qui encadrent le mariage, comme celles sur le patrimoine familial, les droits successoraux, l’obligation alimentaire, la protection de la résidence familiale, etc., ne s’appliquent pas à l’union de fait. Même si vous avez vécu 30 ans avec la même personne, vous n’êtes donc pas son héritier légal. Et si votre conjoint a négligé de faire un testament et de vous désigner comme héritier, vous n’aurez aucun recours et ses biens seront partagés entre ses héritiers légaux (enfants, parents, frères, sœurs, etc.).

D’un autre côté, si votre conjoint vous quitte après 20 ans de vie commune, il ne sera jamais tenu de vous verser une pension alimentaire et vous n’aurez aucun recours non plus, car ce dernier n’a aucune obligation envers vous. Bref, être concubin, ce n’est pas être marié. Cependant, les enfants issus d’une union de fait ont eux, depuis 1981, les mêmes droits que les enfants de parents mariés, et leurs parents ont les mêmes droits et les mêmes obligations envers eux pendant leur vie commune et après leur séparation.

Des droits sociaux

Des droits sociaux

Cela dit, même si vous n’avez pas de droits matrimoniaux inscrits dans le Code civil et que, aux yeux du législateur, vous n’êtes pas considérés comme des gens mariés, vous avez tout de même des droits sociaux que vous confèrent plusieurs lois dites «sociales» encadrant des programmes et des organismes publics. Et c’est sans doute, d’ailleurs, ce qui contribue largement à entretenir les quiproquos concernant l’union de fait.

La Loi sur les impôts, la Loi sur le régime de rentes du Québec, la Loi sur les normes du travail, la Loi sur l’aide juridique, la Loi sur l’assurance-emploi en sont des exemples. Ces lois accordent, selon des critères variables, des droits et des obligations aux conjoints de fait. Au total, 28 lois sociales et 11 règlements provenant de plus d’une dizaine de ministères provinciaux et 68 lois fédérales d’une vingtaine de ministères reconnaissent le statut de conjoint de fait.

Mais attention!, la définition de conjoints de fait, les droits et les obligations qui en découlent varient d’une loi sociale à l’autre. Par exemple, dans certains cas, une année de vie commune suffit pour être reconnus comme conjoints de fait, tandis qu’un autre organisme exige trois années. D’autres font varier les critères selon que le couple a des enfants ou pas. À quelques exceptions près, ces organismes accordent toutefois aux conjoints de fait les mêmes avantages que ceux consentis aux gens mariés. Cependant, ne tenez rien pour acquis et informez-vous auprès des organismes des critères et des conditions. Notez cependant que toutes ces lois sociales offrent les mêmes avantages aux conjoints de fait de même sexe.

Attention également aux programmes des assureurs ou des organismes privés. Certains régimes d’assurance collective et certains fonds de retraite ne reconnaissent pas les conjoints de fait ou encore en ont une définition variable. Si vous devez souscrire à une police d’assurance ou à un plan d’assurances collectives, assurez-vous que votre conjoint de fait sera reconnu et couvert.

10 conseils pour conjoints de fait avertis

Le passé vous rattrape?

Vous êtes séparé de votre mari ou de votre épouse depuis quelques années et vous vivez en concubinage avec une autre personne. Sachez que tant et aussi longtemps que vous n’aurez pas obtenu un jugement de divorce ou une dissolution (annulation) légale de votre mariage, vous êtes toujours marié au sens du Code civil et votre conjoint de fait pourrait ne pas avoir droit à certaines rentes ou à d’autres avantages. Si telle est votre situation, consultez un notaire ou un avocat pour obtenir des conseils et régulariser votre situation.

10 conseils pour conjoints de fait avertis

1. Envisagez la possibilité de rédiger une convention d’union de fait ou un contrat de vie commune pour établir un certain nombre de règles pendant la vie à deux et/ou au moment de la rupture. (Nous abordons la convention d’union de fait dans un autre article.)
2. Si vous achetez une propriété, un chalet, un bateau ou quelque bien ayant une valeur importante pour la vie commune, assurez-vous que l’acte de propriété est au nom des deux conjoints. Même si vous en avez payé une partie, vous n’aurez aucun recours si ce bien est au nom exclusif de votre conjoint.
3. Au moment d’aller vivre avec votre conjoint, à défaut d’un contrat de vie commune ou en attendant d’en faire un, dressez une liste écrite de vos biens propres. Cela vous facilitera la vie en cas de rupture ou pour évaluer les biens en commun. Tout au long de votre vie commune, conservez les factures des biens que vous achetez.
4. Réglez votre situation matrimoniale antérieure avant la vie commune avec une autre personne ou durant les premiers mois de la cohabitation. Souvenez-vous qu’une séparation, même légale, ne rompt pas tous les liens du mariage. Un divorce ou une annulation est nécessaire pour que votre nouveau conjoint bénéficie de tous les avantages d’un conjoint de fait et pour éviter les mauvaises surprises.
5. Ne tardez pas à faire ou à refaire un testament en vous souvenant que votre conjoint de fait n’est pas votre héritier légal.
6. Au début de votre vie commune, informez-vous auprès des grands organismes et des ministères des critères de reconnaissance du conjoint de fait pour pouvoir bénéficier de tous les programmes.
7. Informez-vous sur les implications fiscales de la vie à deux.
8. Votre conjoint était déjà propriétaire de la maison où vous habitez ensemble ? Attention !, contribuer aux paiements et à l’entretien ne vous confère aucun droit de propriété. Seul votre nom sur l’acte de propriété fait de vous un copropriétaire. Ayez une entente claire à ce sujet.
9. Vous pouvez contribuer au REER de votre conjoint, mais si vous n’avez pas d’entente de séparation, vous risquez de perdre toute votre mise en cas de rupture.
10. Abordez la question des biens, des paiements, de l’argent et du partage des biens dès le début de votre vie commune: vous saurez mieux réagir en cas de difficultés.

Souvenez-vous que…

  • Les conjoints de fait ne sont pas solidaires des dettes l’un de l’autre.
  • Chacun des deux conjoints demeure l’unique propriétaire des biens qui lui appartiennent en propre.
  • Les conjoints de fait n’ont aucune responsabilité financière ou obligation alimentaire l’un envers l’autre.

Informez-vous

Consultez le site du ministère de la Justice riche en informations sur le sujet. Accédez directement à la section dédiée à l’union de fait en cliquant ici.

Vidéos