Quand nos grands enfants restent à la maison

Quand nos grands enfants restent à la maison

Par Ronald McKenzie

Crédit photo: iStockphoto.com

Le film Tanguy nous a fait rire de bon cœur il y a quelques années. C’était hilarant de voir Sabine Azéma et André Dussollier mettre tout en œuvre pour forcer leur fiston à quitter la maison. Après tout, Tanguy avait 28 ans bien sonnés.

Mais la réalité est souvent moins drôle. La présence d’enfants adultes représente plusieurs défis pour les parents. Comme dans le film, le sentiment d’envahissement risque d’affecter la vie de couple. On n’a plus affaire à de mignons chérubins, mais à des adultes normalement constitués, au fait des choses de la vie et censés voler de leurs propres ailes sous leur propre toit.

Du point de vue financier, l’incrustation d’un Tanguy peut avoir des effets redoutables sur le budget familial. «Il peut en coûter 75$ par semaine pour nourrir un adulte à la maison», estime François Louis-Seize, planificateur financier et directeur régional du bureau Montréal Champlain pour le Groupe Investors. Non seulement un tel montant a-t-il un impact immédiat sur les finances des parents, mais il risque de les empêcher de bonifier leur capital de retraite. «De nombreux parents de Tanguy sont dans la cinquantaine. Ils comptaient sur le départ de leurs enfants pour mettre les bouchées doubles en matière d’épargne-retraite. Or, la présence inattendue d’un adulte à la maison peut contrecarrer leur projet.»

Un phénomène répandu

Un phénomène répandu

Le phénomène Tanguy est si répandu que même Statistique Canada s’y est arrêté. Commençons par quelques chiffres. Les données les plus récentes concernent l’année 2006. Elles révèlent que 43,5% des 4 millions d’adultes canadiens âgés de 20 à 29 ans demeuraient encore chez leurs parents ou y étaient retournés vivre. Cinq ans auparavant, c’était 41,1%. En 1986, ils étaient seulement 32,1% à adopter ce comportement.

«Mon fils a 25 ans. L’entreprise d’aménagement paysager qu’il a lancée a fait faillite. Endetté jusqu’au cou, il m’a demandé s’il pouvait revenir temporairement chez moi. Que vouliez-vous que je fasse? Lui dire non?», lance Sylvie, qui réside à Montréal.
Les difficultés financières font partie des motifs qui expliquent un retour inopiné au bercail. Statistique Canada dit aussi que la cherté du coût de la vie et la poursuite d’études avancées sont des raisons qui poussent les jeunes adultes non seulement à revenir chez papa-maman, mais à ne pas quitter le foyer familial, tout simplement. «On dirait que les enfants d’aujourd’hui peinent à trouver leur voie. Ils font deux baccalauréats au lieu d’un seul, par exemple», note François Louis-Seize.

Récemment, des économistes ont avancé l’idée que Tanguy squattait la maison familiale afin d’économiser en vue d’acheter une maison ou un condo. Statistique Canada a vérifié l’exactitude de cette hypothèse. Conclusion: pas vrai. Si les jeunes de la génération X et Y restent longtemps chez leurs parents, ce n’est pas pour amasser un pécule, mais parce qu’ils n’ont pas les moyens de faire face aux dépenses qu’occasionne la vie autonome. En fait, indique l’agence fédérale, c’est souvent même le contraire qui se produit:

  • Plus un jeune adulte quitte tôt le foyer familial, plus il a de chances de devenir propriétaire d’un logement à la trentaine.
  • Au-delà de l’âge de 25 ans au moment du départ, la probabilité d’être propriétaire de son logement lorsqu’on est dans la trentaine diminue.

Réagir au phénomène Tanguy

Quand Tanguy joue les gros bras

Lorsque le fils de Sylvie est revenu à la maison, il a tenu parole. Il y est demeuré quelques semaines seulement, le temps de se réorganiser. Ensuite, il est parti refaire sa vie en appartement. Cependant, tous n’ont pas… cette chance.

«De plus en plus, on constate que des hommes de 35 à 45 ans, dont le couple va mal, retournent chez leurs parents. Ils ont alors tendance à faire la loi et à se servir dans le compte bancaire de leurs parents. Parfois, ils finissent même par user de violence envers eux», déplore Georges Lalande, président du Conseil des aînés du Québec. Selon lui, de 75% à 80 % des atteintes à la propriété des personnes aînées sont commises par des membres de la famille. Cela inclut l’exploitation financière.

Prendre ses responsabilités

Heureusement, dans la majorité des cas, Tanguy est une personne pacifique qui s’accroche au foyer familial parce que c’est pratique et pas cher. Fort bien, dit François Louis-Seize, mais ce n’est pas une raison pour que cette personne ne prenne pas ses responsabilités. Voici quelques conseils que prodigue notre spécialiste en finances personnelles.

  • Réclamez une pension. S’il peut être difficile de renoncer à son rôle de parent, mieux vaut traiter son enfant adulte comme… un adulte, justement! Créez un milieu qui se rapproche de la vraie vie en le mettant à contribution pour les tâches domestiques et les dépenses de la maison. En deux mots, exigez une forme de loyer. S’il n’a pas déjà trouvé un emploi, votre Tanguy devrait s’en chercher un activement.
  • Favorisez son indépendance financière. Au lieu d’exiger un loyer, vous pourriez imposer comme condition à son hébergement que votre enfant mette de l’argent de côté en vue de verser un acompte sur sa future résidence.
  • Tirez votre épingle du jeu fiscal. Si votre enfant reste à la maison parce qu’il poursuit des études postsecondaires, vérifiez sa situation fiscale. S’il ne paie pas d’impôt parce que ses revenus sont trop faibles, il pourrait vous transférer ses crédits d’impôt fédéraux pour études et pour frais de scolarité. Des crédits d’impôt provinciaux peuvent aussi se prêter à une stratégie semblable. 

À propos de fiscalité, devez-vous déclarer le «loyer» comme un revenu? L’avez-vous fixé à sa juste valeur? «Si votre enfant vous verse une pension qui couvre seulement sa part de l’épicerie et de l’entretien de la maison, vous n’avez pas à la déclarer et vous ne pourrez pas déduire vos dépenses», explique François Louis-Seize.

Si vous essayez de déduire vos dépenses locatives, attendez-vous à ce que le fisc vous demande de prouver que le loyer correspond à sa juste valeur marchande. Ce peut être le début d’une relation difficile avec Revenu Québec et l’Agence du revenu du Canada…

Mise à jour: décembre 2008

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