Faut-il garder de l’argent liquide?

Faut-il garder de l’argent liquide?

Par Dominique Lamy

Crédit photo: Steve Johnson via Unsplash

La multiplication des modes de paiement pourrait bientôt reléguer l’argent comptant aux oubliettes. Dans ce cas, doit-en encore avoir du comptant sur soi?

Pour plusieurs, la bonne vieille tirelire est déjà un objet de collection. Et selon le Rapport canadien sur les méthodes de paiement et les tendances des paiements publié en 2017 par Paiements Canada, les Canadiens privilégient désormais la commodité et les récompenses dans leurs choix de paiement: «Les cartes de crédit ouvrent manifestement la voie aux paiements sans friction et attirent les clients avec des programmes de récompenses lucratifs; les transactions bancaires en ligne et mobiles gagnent la confiance des Canadiens, qui délaissent enfin le papier pour l’électronique, et les paiements sur les réseaux sociaux arrivent à grands pas grâce aux nouveaux partenariats dans les technologies financières.»

Cela dit, le recours constant aux cartes de crédit peut se transformer en piège et s’avérer la prémisse d’un endettement plus important. Vaut-il mieux tout payer comptant pour mieux gérer notre budget? Les billets de 20 $ pourraient donc rester dans le paysage encore un certain temps…

Le Canada sous la loupe

Un nombre croissant de consommateurs et d’entreprises utilisent leurs cartes de crédit pour payer une plus grande partie de leurs dépenses mensuelles et pour accumuler des récompenses: le Canada est même devenu un chef de file mondial en matière d’utilisation des cartes de crédit! Cependant, ce sont les transferts en ligne qui affichent le plus fort taux de croissance. Les virements Interac et les services de type PayPal ont dépassé toutes les autres méthodes de paiement, avec une croissance de 48 % en 2016 comparativement à l’année précédente.

Paiements Canada souligne également que la valeur des transferts électroniques de fonds (TEF) associés au versement de la paie ou aux paiements de factures a surpassé pour la première fois en 2016 la valeur des chèques émis. Malgré tout, le recours aux TEF subit un recul, les Canadiens préférant désormais effectuer le paiement des factures périodiques par l’entremise de leurs cartes de crédit. Quant aux chèques, leur nombre diminue, mais leurs montants continuent d’augmenter.

D’autres statistiques du Rapport canadien sur les méthodes de paiement et les tendances des paiements apportent un éclairage additionnel sur le sujet. Ainsi, en 2016, les espèces ont poursuivi leur déclin, mais demeurent la méthode de paiement la plus répandue. L’argent comptant représente presque le tiers des transactions comptabilisées aux différents points de service, mais seulement 13 % de la valeur des opérations effectuées. L’utilisation des cartes de débit constitue le deuxième instrument de paiement le plus utilisé, suivi en troisième position par… les cartes de crédit!

Et à l’international?

En novembre 2015, la Banque Nationale du Canada a invité le gouvernement du Québec à imiter des pays comme la Suède pour accélérer le virage vers la monnaie exclusivement électronique. Au Danemark, les stations-service, les restaurants et certaines boutiques peuvent désormais refuser les paiements en argent comptant. La Chine a aussi une longueur d’avance sur le Canada dans cette révolution financière. Plusieurs avantages découlent de l’élimination du papier-monnaie: une meilleure traçabilité des transactions, la réduction des coûts associés à l’argent liquide et, bien évidemment, une lutte plus efficace contre l’évasion fiscale. Les lois devront cependant s’adapter à cette traçabilité pour protéger la vie privée des individus.

Combien en poche?

Personne n’étant à l’abri d’une panne de terminal ou d’un problème technique au magasin, mieux vaut toujours conserver un peu d’argent comptant sur soi. Selon la Banque du Canada, chaque Canadien conserverait une somme de 84 $ dans son portefeuille. «Le recours à des billets de banque peut définitivement vous aider à respecter votre budget. Vous serez alors en mesure de dépenser seulement ce que vous avez en main!» explique Ronald P. Gagnon, vice-président principal de BDO, syndic autorisé en insolvabilité. 

Auparavant, on suggérait aux gens de gérer leur budget au moyen d’enveloppes assignées à chaque poste de dépenses. «Utiliser ce système pour compartimenter ses dépenses assurait de se limiter au contenu de l’enveloppe», souligne l’expert. Ainsi, le consommateur aux finances serrées a intérêt à magasiner avec de l’argent comptant. «Un billet de banque, c’est visuel, c’est du tangible: l’acheteur pourrait hésiter à se départir d’une coupure de 50 $ s’il sait qu’il en aura éventuellement besoin», ajoute M. Gagnon. Un moyen simple de prendre conscience de l’argent qui nous file entre les doigts!

L’argent comptant pourrait aussi servir de catalyseur à notre épargne. Certains refusent ainsi de se départir de leurs coupures de 10 $ afin de les accumuler dans une enveloppe rangée dans un classeur. Une fois le cap des 100 $ atteint, ils troquent à la banque leur liasse de 10 $ contre un beau billet de 100 $. Et, compte tenu du malaise qu’occasionne le fait de dépenser ce type de coupure, ces consommateurs déposent plutôt la somme dans un compte d’épargne, augmentant d’autant leur pécule.

Par contre, si on utilise surtout du liquide, on doit jouer au comptable à la fin du mois pour savoir combien on a déboursé pour chaque catégorie de dépenses. À cet égard, les transactions électroniques offrent l’avantage d’apparaître dans notre profil sur le site Internet de notre institution financière et peuvent aisément être téléchargées vers un logiciel de gestion budgétaire. Certaines banques proposent même un outil intégré pour gérer nos deniers. «La carte de débit est peut-être l’option idéale à considérer, suggère Ronald P. Gagnon. Elle conjugue les avantages de l’argent liquide à la possibilité de suivre facilement vos transactions pour mieux gérer votre budget.»

Attention au solde!

La carte de crédit est un excellent outil de paiement. Pratique, elle permet d’accumuler des points, des ristournes ou des récompenses. On bénéficie aussi d’un délai minimal de 21 jours pour acquitter l’ensemble de nos achats. «Par contre, pour éviter les faramineux taux d’intérêt facturés, vous devez ramener le solde de la carte à zéro avant la date d’échéance indiquée sur le relevé», rappelle l’expert, qu’une tendance lourde inquiète… «Depuis deux ans, nous recevons plus fréquemment en consultation des retraités incapables de régler intégralement le solde de leurs cartes de crédit. Parfois, la spirale de l’endettement est bien installée. Quand le taux d’emprunt oscille entre 19 % et 21 %, les intérêts à payer viennent rapidement gruger l’argent disponible à un moment où les revenus sont déjà moindres.» 

Le fait de ne payer que le montant minimum chaque mois risque d’ailleurs d’alourdir le problème. «Les banques inscrivent au relevé le temps requis pour éliminer le solde dû lorsque seul le paiement minimum est effectué. Or, dans ma pratique, j’ai déjà vu des relevés indiquant 20, 30 et même 65 ans!»

Si votre intention est d’accumuler les récompenses plus rapidement, soyez avisés: vous devez impérativement régler le solde dû avant la date d’échéance. «La discipline demeure la clé en matière de finances personnelles.» Et si vous utilisez une carte de crédit permettant le paiement rapide sans contact ou stockée dans votre téléphone intelligent, prévoyez l’imprévisible: la fraude. Maintenez une limite de crédit relativement basse sur la carte que vous utilisez le plus fréquemment. Cette décision vous permettra aussi d’éviter les achats impulsifs, ceux que vous ne feriez pas si vous deviez les payer en argent comptant, par exemple. 

À utiliser sans hésiter

Le virement Interac par courriel

Offert depuis 2002, le virement Interac connaît actuellement un regain de popularité. À partir de la plateforme Internet de notre institution financière, on accède au menu des virements. On précise ensuite le montant, l’adresse électronique et la réponse à une question de sécurité. Dans les 60 minutes qui suivent, le destinataire recevra un courriel l’avisant de la disponibilité des fonds. Il devra choisir le lien de la plateforme bancaire à utiliser. Après avoir fourni la réponse exigée à la question de sécurité déterminée au préalable, il encaissera l’argent instantanément. Pour l’expéditeur, des frais de 1 $ peuvent parfois s’appliquer.

Le paiement mobile

De plus en plus de Canadiens utilisent leur téléphone intelligent pour faire des paiements sans contact. De gros acteurs de l’industrie offrent ainsi la possibilité de faire des transactions mobiles plus sécuritaires que celles réalisées avec la bande magnétique ou la puce intégrée à nos cartes.

Grâce à l’application Google Pay et notre appareil Android, on peut payer nos achats au moyen d’une carte de débit ou de crédit émise par la plupart des banques canadiennes. Il est aussi possible d’y intégrer des cartes de fidélité. L’outil fonctionne également en ligne et permet aux utilisateurs de conclure des transactions sans avoir à fournir les informations de paiement chaque fois. Bien qu’Android domine le marché des téléphones intelligents, Google Pay ne compte que 34 millions d’utilisateurs.

Pour sa part, Apple Pay (87 millions d’utilisateurs) permet d’effectuer des paiements sans contact grâce à sa compatibilité avec la majorité des produits Apple, y compris la montre connectée, l’iPhone et le navigateur Safari. Quant à Samsung Pay, il s’agit d’une des plus récentes options de portefeuille mobile offertes aux Canadiens.

Top 5 des méthodes de paiement

En pourcentage du nombre de transactions réalisées:

1 Argent comptant (31,2 %)

2 Carte de débit (25,6 %)

3 Carte de crédit (22,5 %)

4 Transfert électronique de fonds (TEF) (12,4 %)

5 Chèque (3,8 %)

Source: Rapport canadien sur les méthodes de paiement et les tendances des paiements 2017, Paiements Canada.

Vidéos