Bourse: 6 mythes tenaces à briser

Bourse: 6 mythes tenaces à briser

Par Dominique Lamy

Crédit photo: iStock

Certaines fabulations en finances ont la couenne dure, c’est bien connu! Petit cours de rattrapage pour éviter les pièges courants de la gestion de portefeuille.

Plusieurs mythes ont la fâcheuse habitude de persister malgré les preuves contraires qui s’accumulent contre eux. Heureusement, Sébastien Mc Mahon, stratège en chef pour IA Groupe financier, et Martin Lalonde, président et gestionnaire de portefeuille de Rivemont, ont l’habitude de démystifier certaines de ces croyances populaires dans le cadre de leur travail. En lisant ce qui suit, la gestion de nos investissements ne sera plus jamais la même!

1. ÊTRE TRÈS ACTIF SUR LES MARCHÉS EST UN GAGE DE SUCCÈS.

«C’est l’inverse qui est vrai!» dit d’emblée Sébastien Mc Mahon. Les investisseurs individuels «passifs» ont de meilleures chances de succès en Bourse. «Adoptez une stratégie d’investissement simple, en achetant périodiquement le marché et laissez aller les choses.» L’expert s’appuie sur le graphique Diversification and the average investor – 20 years annualized return by asset class 2001-2020 de JP Morgan Asset Management pour démontrer son point de vue. «Entre 2001 et 2020, l’investisseur suivi dans le cadre de cette analyse a réalisé un rendement annuel moyen de 2,9%. À des fins de comparaison, un portefeuille composé de 60% d’actions et de 40% d’obligations aurait obtenu un rendement annuel de 6,4%. Cet écart de rendement, année après année, est significatif. Une somme de 100 000$ investie en 2001, gérée par l’investisseur moyen, vaut 170 000$ de moins que la somme accumulée dans le portefeuille 60/40», résume-t-il.

Comment expliquer cette différence? L’investisseur trop actif réagit souvent à la moindre mauvaise nouvelle. Il tente de suivre les saveurs du mois, multipliant d’autant les transactions d’achat et de vente sur la plateforme de courtage en ligne. Il aurait aussi tendance à vouloir synchroniser le marché, ce qui implique de sortir au bon moment et… de revenir au bon moment aussi. «Le secret demeure plutôt d’investir à long terme, de maintenir une saine diversification dans le respect de son profil d’investisseur et ensuite de laisser le temps faire son œuvre», dit-il.

2. IL FAUT MODIFIER LA COMPOSITION DE SON PORTEFEUILLE À LA RETRAITE.

C’est ce que font plusieurs nouveaux retraités, constate Martin Lalonde. Or, «un travail en amont devrait déjà avoir été effectué pour préparer le portefeuille à cette nouvelle étape de vie. Celui-ci peut demeurer inchangé pendant une longue période à la retraite, surtout si l’horizon de placements s’allonge sur une durée de 30 ou 40 ans», explique-t-il. Par conséquent, si les besoins de liquidités de la personne retraitée ont été bien évalués au préalable et qu’aucun retrait additionnel n’est nécessaire, il n’y a aucune raison de chambouler la composition de son portefeuille.

3. L’INVESTISSEUR AGUERRI A PLUS DE FLAIR QUE LES AUTRES.

Selon cette croyance, les meilleurs investisseurs ont plus souvent raison que tous les autres lorsqu’ils choisissent des titres individuels ou des thématiques d’investissement. «Les grands investisseurs n’ont pas nécessairement raison plus souvent. Généralement, un investisseur qui a du succès aura gain de cause entre 50% et 60% du temps», précise Sébastien Mc Mahon.

Par contre, une de leurs habitudes leur permet de se démarquer de la masse. «Une fois qu’ils ont décidé de prendre position dans un titre, ils respectent le protocole qu’ils ont établi au moment de l’achat. Avant même de procéder, ils ont rédigé une thèse: si celle-ci se confirme au fil du temps et que l’action s’envole, ils vont s’accrocher à leurs titres gagnants», dit-il.

Ils concentrent donc leurs actifs dans leurs titres gagnants. Et, à l’inverse, ils n’hésitent pas à limiter leurs pertes sur des titres qui ne se comportent pas comme prévu. «Les gens ont tendance à vouloir encaisser des profits trop rapidement, après une montée de 20%, à titre d’exemple. Par contre, si le titre baisse par la même proportion, l’investisseur autonome vit d’espoir, il espère un rebond éventuel pour récupérer sa perte sur papier. Il faut faire exactement l’inverse: laisser courir ses gagnants longtemps et couper ses pertes rapidement.»

Dans bien des cas, investir est aussi une affaire d’émotions. «Nous sommes parfois trop patients, d’autres fois, trop impulsifs. L’idéal est de ne pas cueillir les plus belles fleurs de son jardin, mais plutôt d’enlever les mauvaises herbes de façon proactive», illustre M. Mc Mahon.

4. LES TITRES À DIVIDENDES COMPORTENT MOINS DE RISQUES.

«Les investisseurs sont heureux de recevoir des dividendes des entreprises qu’ils détiennent en portefeuille. Ceux-ci peuvent représenter une source de revenus avantageuse au moment de la retraite, générant une rentrée d’argent trimestrielle dans la majorité des cas. «Il est cependant faux de prétendre que ces titres sont moins risqués que les autres. C’est de moins en moins vrai», constate Martin Lalonde.

Cet argent ne tombe pas du ciel! Il s’agit d’une distribution en espèces, prélevée à même les bénéfices de l’organisation. Cette dernière choisit donc de ver- ser une fraction de ses profits aux actionnaires plutôt que de réinvestir les liquidités dans sa croissance, par exemple. «Les sociétés cotées en Bourse ont des décisions à prendre avec les cash flows qu’elles génèrent. On constate depuis plusieurs années qu’elles préfèrent le rachat de leurs actions à des fins d’annulation. C’est souvent plus avantageux pour les actionnaires», explique-t-il.

Et un coup d’œil rapide à certains titres à dividendes – comme ceux des banques canadiennes et des sociétés de télécommunications – permet de constater qu’ils ne sont pas épargnés par la volatilité des marchés. Détenir le titre de BCE Inc. (BCE-T) n’a pas nécessairement enrichi l’investisseur depuis quelques années, malgré le dividende qui procure un rendement annuel de 9% au cours actuel de 44,31$. Le titre valait pourtant 73,22$ le 8 avril 2022.

5. LA PERFORMANCE DES INDICES BOURSIERS EST LIÉE À LA VIGUEUR ÉCONOMIQUE.

Plusieurs épargnants investissent en fonction de l’état de l’économie. Ils se sentent plus en confiance lorsque les choses vont bien. «Il n’y a pas nécessairement de lien direct entre la performance d’un indice boursier et la vigueur de l’économie d’un pays. Que ce soit en Chine, en Europe ou aux États-Unis, il n’y a pas de corrélation entre ces deux variables. Le marché boursier grimpe plutôt sur la base des profits réalisés par les entreprises», nuance Martin Lalonde.

Par conséquent, il faut se rappeler que les rendements boursiers et la conjoncture économique ne vont pas toujours de pair. Ils peuvent évoluer sensiblement dans la même direction, mais ils se comportent souvent de façon très différente. La vigueur du marché boursier ne dénote donc pas toujours une économie en croissance. D’où l’importance d’adopter une saine diversification dans plu- sieurs classes d’actifs pour bâtir un portefeuille capable d’affronter toutes les conditions du marché.

6. LES ACTIONS SONT TROP RISQUÉES POUR L’INVESTISSEUR MOYEN.

Plusieurs épargnants se tiennent loin des marchés boursiers ou ne jurent que par les certificats de placement garanti (CPG) ou les obligations d’épargne, à titre d’exemple. «Les actions ne devraient pas être détenues par de petits investisseurs», se disent- ils. Or, pour Sébastien Mc Mahon, il faut d’abord définir la notion de risque.

«Si vous souhaitez mettre quelques billes dans le marché boursier en espérant réaliser un gros coup d’argent pour vous offrir un cadeau dans six à douze mois, oui, c’est risqué. Dans ce cas, on parle davantage de “parier”, non d’investir. Par contre, investir à long terme dans les marchés financiers, malgré la volatilité du court terme, ne demeure que peu risqué», nuance-t-il.

Un autre graphique de JP Morgan Asset Management permet d’illustrer son propos. «Entre 1950 et 2020, par période roulante de dix ans, le pire rendement qu’aurait réalisé un épargnant en investissant dans l’indice américain S&P 500 aurait été de moins un pour cent (-1%)», constate M. Mc Mahon.

Bien évidemment, toute progression à la hausse ou à la baisse n’est pas linéaire: l’éclatement de la bulle internet en 1999-2000 et la crise financière de 2008-2009 ont fait perdre beaucoup d’argent momentanément, mais les graphiques démontrent que les indices ont récupéré le terrain perdu. «En conservant ses positions, le pire qui est arrivé à une personne investie dans le S&P 500 durant l’une de ces fenêtres glissantes de 10 ans, c’est d’avoir perdu 1% de ses avoirs», dit le stratège.

Le temps doit faire partie de toute stratégie d’investissement. «Peu importe qui nous sommes, nous avons tous accès de façon égale au passage du temps. Ne vous privez pas d’une exposition au marché des actions si votre horizon temporel le permet», conclut Sébastien Mc Mahon.

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