Séparation: à quoi faire attention?

Séparation: à quoi faire attention?

Par Sophie Stival

Crédit photo: iStock Photo

À l’approche de la retraite, on rêve de voyages, on a la tête pleine de projets… Les couples consultent souvent un expert pour faire une planification financière conjointe. Mais quand les choses tournent mal et que chacun part de son côté, surgissent alors bien des interrogations: «Je garde la maison ou le fonds de pension?», «Vais-je avoir assez d’argent pour vivre une retraite décente?»… Dans le cas d’un couple vivant en union libre, le Code civil du Québec ne reconnaît aucun droit ni obligation aux conjoints en matière de partage du patrimoine familial ou du droit à une pension alimentaire versée au conjoint, et ce, peu importe la durée de vie commune.

«Malgré la cause très médiatisée de Lola, il y a quelques années, ainsi que les propositions législatives visant à accorder des droits aux couples en union de fait, notamment avec des enfants, il n’existe toujours aucune conséquence financière lors d’une séparation en union libre», rappelle Caroline Marion, mentor Aspects légaux et succession de l’Institut québécois de planification financière (IQPF). Pour ces personnes, il faudrait toujours rédiger en amont un contrat écrit qui spécifie le partage des biens, même si aucune des deux n’envisage alors que leur couple puisse battre de l’aile un jour, précise la notaire et fiscaliste.

 

Pour quelle séparation opter?

Quand on est certain de vouloir mettre un terme à la relation, il faudra tout d’abord se décider entre une séparation de fait, une séparation de corps ou un divorce. 

-> La séparation de fait 

Dans ce premier cas, on vit séparément et on se partage les biens à l’amiable, sans chercher une reconnaissance juridique de la situation. Il peut y avoir des papiers légaux signés, mais il n’y a pas de partage officiel du régime matrimonial ou du patrimoine familial. «Cela crée une certaine instabilité, puisque les choses ne sont pas finalisées devant la loi, note Me Marion. Ce n’est donc pas une situation idéale.»

-> La séparation de corps 

Cette option n’existe qu’au Québec et peut survenir dans le cas d’un couple marié religieusement ou civilement. Elle libère les conjoints de faire vie commune, entraîne le partage du patrimoine familial et du régime matrimonial et peut même donner droit à une pension alimentaire. Toutes les autres obligations et conséquences liées au mariage restent cependant en place. Par exemple, en l’absence de testament, il est possible d’hériter de notre ex-conjoint. Les obligations de respect, fidélité, secours et assistance demeurent également. «Cet entre-deux obtenu devant le tribunal permet, souvent pour des motifs religieux, de réaliser le partage pécuniaire sans avoir à divorcer.»

La notion de secours et assistance peut se traduire de multiples façons. Prenons le cas de Paulette, 60 ans, qui s’est séparée de corps il y a cinq ans. Elle et son conjoint ayant alors des revenus de travail équivalents, aucune obligation alimentaire n’a été établie l’un envers l’autre. Mais à la suite d’un accident de travail, Paulette doit maintenant se retirer de la vie active. Elle reçoit des prestations d’invalidité insuffisantes pour vivre. Puisque Paulette est encore mariée, elle peut demander à son ex-conjoint de lui prêter secours et assistance en lui versant une pension alimentaire. 

Dans plusieurs situations, le choix du type de séparation peut avoir des conséquences financières importantes. Par exemple, au décès de l’un des conjoints. « Aux yeux de la Loi sur le régime de rentes du Québec, pour avoir droit à la rente de conjoint survivant, celui-ci doit être marié et non judiciairement séparé de corps ou encore, être conjoint de fait depuis au moins trois ans », souligne la fiscaliste. Si Monique et Jacques ont demandé une séparation de corps et que ce dernier vit ensuite en union libre avec Raymonde depuis au moins 3 ans, s’il décède, Raymonde aurait droit à la rente de conjoint survivant du RRQ, mais ni Monique ni Raymonde n’auraient droit à la rente du Fonds de pension enregistré en vertu de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

-> Le divorce

Dans le cas d’un divorce, on aura à partager le patrimoine familial en valeur. Cela comprend la résidence principale, les biens à l’usage de la famille comme un chalet, les automobiles, les droits accumulés dans des régimes de retraite, incluant les REER et la RRQ. Chacun des conjoints calculera la valeur de ses avoirs nette des dettes qui y sont rattachées (prêt auto, prêt hypothécaire, prêt REER). Quand les conjoints ne s’entendent pas, on pourrait recourir à des évaluations externes faites par des experts. De plus, si l’un des conjoints a un plus gros fonds de pension ou qu’il est l’unique propriétaire de la maison familiale, il devra possiblement verser des compensations à l’autre.

Il faut également comprendre que le partage de la valeur des biens est indépendant de la division des biens eux-mêmes. Cette répartition occasionne parfois bien des frais et des disputes, par exemple dans le cas du rachat nécessaire par un des conjoints de la moitié de la maison commune, qui a pris de la valeur avec le temps et nécessite dès lors de prendre une nouvelle hypothèque. «Cela peut avoir des répercussions financières et psychologiques importantes.»

Les choses peuvent aussi se compliquer lorsque plusieurs actifs sont acquis avant l’union. «Dans le cas d’un REER, il est souvent difficile d’obtenir un historique des cotisations et des augmentations de valeur ainsi que les rendements annuels, observe Caroline Marion. Cela devient cauchemardesque s’il y a plusieurs institutions financières impliquées. Il est souvent préférable d’ouvrir un nouveau compte REER pour les cotisations après le mariage.» 

 

Comment partager les régimes de retraite?

Dans le cas d’un fonds de pension d’employeur, privé ou public, il est relativement simple de connaître les montants à diviser: il suffit que chacun fasse une demande de calcul des droits accumulés pendant le mariage au comité de retraite de son employeur ou à l’organisme qui chapeaute son régime gouvernemental. Depuis le 1er janvier 2016, Retraite Québec est le nouvel organisme qui a remplacé la Régie des rentes du Québec (RRQ) et la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances (CARRA).

Le fonds de pension donne droit à des prestations de retraite prenant de la valeur au fil des ans et des cotisations. Lorsque la séparation survient avant la retraite, la loi ne permet pas de verser à l’ex-conjoint plus de la moitié de la valeur des droits accumulés avant ou pendant le mariage. «À la retraite, on cristallise le montant accumulé en établissant un montant de rente qui sera versé mensuellement. Les conséquences liées au partage d’un fonds de pension après la retraite sont souvent négatives, car on n’est plus en mode accumulation, on n’a donc plus la possibilité de bonifier sa rente de retraite. Si le divorce survient après le retrait de la vie active, cela peut amputer le montant de la rente mensuelle de moitié, voire plus.»

 

Quelle stratégie adopter?

Lorsque le couple est en difficulté, il est tentant d’adopter une stratégie défensive afin de ne pas augmenter la valeur de certains biens, comme ils seront éventuellement partagés. On déposera par exemple son épargne dans un CELI plutôt que dans le REER, puisque cet argent ne sera pas partagé si une rupture survient. On ne remboursera pas non plus son hypothèque de manière accélérée, plaçant plutôt cet argent dans des comptes non enregistrés.

-> Mariés en société d’acquêts

Attention, ce genre de stratégie n’est pas valable si on est marié en société d’acquêts! Il faut donc bien comprendre quel est son régime matrimonial. «Si vous êtes marié en société d’acquêts, cette planification est inutile puisque vous devrez partager moitié-moitié la valeur accumulée de tous les biens acquis durant le mariage. Les dettes personnelles (cartes de crédit, prêt auto) sont aussi partageables. On calculera donc, pour chacun des conjoints, la valeur de ses actifs moins celle de ses dettes.»

-> Mariés en communauté de biens

Depuis le 1er juillet 1970, la société d’acquêts est le régime par défaut au Québec et s’applique donc à tous les époux qui n’ont rien spécifié dans leur contrat de mariage notarié.  Avant cette date, le régime par défaut était le régime de la communauté de biens, un modèle patriarcal donnant des pouvoirs administratifs importants aux hommes. Ce régime est aujourd’hui beaucoup moins populaire.

-> Mariés en séparation de biens

Avec ce régime, on adhère plutôt à une philosophie du chacun pour soi. Exception faite du patrimoine familial, qui est immuable, on conserve les actifs acquis durant le mariage et on partage ce que l’on veut bien. «Cela comprend tous les actifs n’appartenant pas au patrimoine familial comme des actions d’entreprises, des comptes non enregistrés, les comptes de banque. Cela peut être substantiel.»

 

Et la pension alimentaire?

Aurez-vous droit à une pension alimentaire ou, au contraire, devrez-vous en verser une à votre ex-conjoint? Cela dépendra de vos besoins et de votre capacité de payer. «En gros, on déterminera si le mariage a créé un déséquilibre important dans la capacité de gagner des revenus de chacune des parties. Si le couple est marié depuis 25 ans et qu’un des conjoints est resté à la maison plusieurs années pour élever les enfants ou a travaillé à temps partiel, cela aura une plus grande incidence que dans le cas d'un couple marié depuis 3 ans et sans enfants. Un juge voudra rééquilibrer la situation financière de ce conjoint.» C’est particulièrement vrai à l’approche de la retraite, lorsqu’on n’a plus vraiment la possibilité de se recycler professionnellement ou qu’on est plus vulnérable financièrement.

Au moment de la retraite, certains aspects, comme le versement d’une pension alimentaire au conjoint justement, peuvent également se voir révisés à la baisse par un juge si des revenus de pension plus bas le justifient. «La décision dépend à ce moment-là des revenus de retraite, et non plus des revenus de travail», conclut Caroline Marion.

 

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