Vos parents ne peuvent plus ou, tout simplement, ne souhaitent plus gérer eux-mêmes leurs affaires. Quelle que soit la raison, vous pourriez donc devenir non seulement un aidant naturel, mais également un administrateur du bien d’autrui.
«La personne qui gère les actifs de ses parents, parce qu’elle est nommée dans une procuration ou un mandat en cas d’inaptitude, se fait donner un chèque en blanc», lance d’entrée de jeu la notaire Danielle Beausoleil, associée au bureau Prud’Homme, Fontaine, Dolan.
La procuration
Une procuration générale accorde beaucoup de pouvoirs aux enfants. «Il vaut toujours mieux circonscrire ces pouvoirs en fonction des besoins des gens», ajoute Me Danielle Beausoleil. La personne qui rédige une procuration à l’intention de son enfant devrait spécifier, par exemple, si celui-ci pourra retirer des sommes du compte de banque. Si oui, on précise un montant maximal et à quelles fins il peut le faire. On peut aussi indiquer si ce dernier peut vendre ou non la maison, piger dans les REER, etc.
«Même s’il est en possession d’une procuration, précise Me Beausoleil, l’enfant devra rendre des comptes au parent en lui disant, par exemple, qu’il a retiré 3 000$ de son compte aujourd’hui pour payer telle facture. Dès qu’on est nommé l’administrateur du bien d’autrui, on a l’obligation d’agir en bon père de famille, dans le respect des termes de la procuration, en tenant le parent au courant de nos actions.»
En cas d’incapacité
Lorsque les capacités mentales sont touchées, la procuration n’a plus sa raison d’être. On doit alors vérifier si un mandat en prévision de l’inaptitude a été rédigé par le passé. Il faudra également prouver l’incapacité du parent. Selon le Curateur public, une personne est inapte lorsqu’elle est incapable de s’occuper d’elle-même ou d’administrer ses biens. L’origine peut être une maladie dégénérative ou mentale, un accident vasculaire cérébral, etc. Une évaluation médicale et psychosociale est alors nécessaire. Suivra ensuite la procédure judiciaire qui confirmera l’incapacité, avec l’homologation du mandat. Il faudra compter entre 3 et 6 mois, parfois plus, pour ce faire.
Puisque ses avoirs seront gelés durant cette période, il est recommandé, quand tout va bien, que le parent donne une procuration à son mandataire, afin qu’il puisse payer les dépenses les plus pressantes.
Le cas de Jeanne
À 87 ans, Jeanne est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il y a huit ans, elle avait signé une procuration par laquelle sa fille Louise était désignée pour s’occuper de ses avoirs financiers. Alors qu’elle avait encore toute sa tête, Jeanne en avait profité pour nommer sa fille mandataire en signant un mandat en cas d’inaptitude afin que cette dernière administre ses biens et veille à sa protection.
En l’absence de son mari, décédé, Jeanne fait entièrement confiance à sa fille aînée. Précisons que la dame a pris le soin de détailler ses désirs et les tâches de sa future mandataire, par exemple, les pouvoirs de Louise quant à la gestion des placements, au choix du type d’hébergement, au consentement aux soins et aux traitements de fin de vie…
Dans le cas présent, le pouvoir accordé à Louise par le mandat est celui d’une «simple administration». Louise devra donc investir les économies de Jeanne dans des «placements présumés sûrs». L’idée, c’est que le capital de Jeanne ne diminue pas ou ne soit pas dilapidé au fil des ans.
À l’opposé, «une pleine administration accorde tous les pouvoirs au mandataire, sauf celui de donner de l’argent», rappelle la notaire Beausoleil. Dans un tel cas, le mandataire doit faire fructifier les biens du mandant. Il a également le pouvoir de vendre ses propriétés, ses biens et même d’hypothéquer un immeuble lui appartenant.
Jeanne n’a pas jugé nécessaire de nommer comandataire son fils Mario, qui a des enfants adolescents et une vie professionnelle chargée. Louise devra tout de même rendre des comptes à son frère et lui démontrer qu’elle respecte les volontés de leur mère, en plus d’agir dans son intérêt supérieur. Dans le cas de tout mandat, la transparence du mandataire est de mise afin d’éviter les conflits familiaux.
Il n’y a pas de mandat d’inaptitude?
En l’absence de mandat, les enfants du parent déclaré inapte devront réunir la famille et les amis, afin d’avoir leur avis sur le choix de celui qui le représentera. Et que fait-on quand il s’agit d’une famille recomposée? «C’est toujours plus délicat. On pourrait nommer deux mandataires, soit le présent conjoint et un enfant de la précédente union», remarque Danielle Beausoleil.
Le Curateur public pourrait toujours intervenir en cas d’abus ou de conflit, ou encore si le mandat ne peut être homologué. Il doit alors ouvrir un régime de protection. Un tuteur pourrait être nommé si l’inaptitude du parent est partielle et temporaire. S’il s’agit d’une inaptitude totale et permanente, on désignera plutôt un curateur pour représenter cette personne.
Le mandat en cas d’inaptitude: se poser les bonnes questions
Avant de rédiger le mandat en cas d’inaptitude de ses clients, la notaire Danielle Beausoleil leur soumet ce questionnaire :
- Advenant votre inaptitude, qui prendra soin de vous, décidera des questions médicales, de l’endroit où vous serez hébergé, etc.?
- Advenant votre inaptitude, qui administrera vos biens? Est-ce la même personne qui s’occupera de votre patrimoine personnel et de vos sociétés?
- Êtes-vous seul actionnaire de vos sociétés? Sinon, avez-vous une convention d’actionnaire? Possédez-vous une société de gestion?
- Pour chaque personne que vous nommez, qui voulez-vous indiquer (1 ou 2) comme remplaçants?
- Durant la période d’homologation de votre mandat, qui peut facilement varier entre 3 et 6 mois, consentez-vous à accorder à votre mandataire des pouvoirs de simple administration afin qu’il puisse payer les différents comptes sur production de factures?
- Vos mandataires peuvent-ils faire des placements selon leur bon jugement ou désirez-vous qu’ils soient limités aux placements présumés sûrs?
- Désirez-vous que vos mandataires rendent compte de leur gestion à quelqu’un annuellement? Si oui, à qui?
- Y a-t-il des personnes qui sont financièrement à votre charge?
- Avez-vous des enfants mineurs? Si oui, qui agirait comme tuteur advenant votre incapacité et celle de leur père?
- Désirez-vous rester à domicile le plus longtemps possible?
- En cas d’hébergement, avez-vous des critères particuliers ? Par exemple: propreté, hygiène, lieu, clarté, chambre privée, etc.
- Êtes-vous à l’aise avec des clauses qui précisent que vous êtes contre toute forme d’acharnement thérapeutique?
- Consentez-vous au don d’organes? Si oui, svp me fournir votre numéro d’assurance maladie.
- En cas d’inaptitude partielle ou temporaire (ex.: résultant d’un AVC), désirez-vous que préséance soit accordée au mandat de préférence à l’ouverture d’un régime de protection (tutelle au majeur)?
Le mandat en quelques chiffres (données 2010)
- Au Québec, 36% des adultes ont préparé leur mandat en cas d’inaptitude, soit 2,2 millions de personnes.
- L’âge moyen du mandant lors de l’homologation est d’environ 80 ans.
- Les mandataires sont les enfants dans près de 60% des cas et le conjoint dans près de 20% des cas.
- L’âge moyen des mandataires est d’environ 60 ans, et près de 55% sont des femmes.
Source: Le Curateur public du Québec
Pour en savoir plus
Consultez les sites Internet de la Chambre des notaires du Québec (www.cnq.org) et du Curateur public du Québec (www.curateur.gouv.qc. ca/cura/fr/index.html).
J’ai fait faire par avocat une procuration. Je nomme mes 2 enfants comme ma (mes) fondée(és) de pouvoir pour mes biens et mes finances. MA QUESTION EST: EST-CE QU’UN DE MES ENFANTS PEUT RETIRER DE L’ARGENT OU AUTRE SEUL? FAUT-T-IL LA SIGNATURE DES 2 ENFANTS POUR FAIRE QUOI QUE CE SOIT? MERCI DE ME RÉPONDRE!