Les locataires bénéficient de nouveaux droits pour éviter d’être poussés hors de leur logement, en plus d’une protection assurée pour les prochaines années.
Selon le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), le nombre d’évictions de locataires pourrait s’élever à 90 900 cas en 2023, ce qui serait le double de celui constaté un an plus tôt. De ce total, 4% des cas concerneraient des rénovictions.
Mais d’abord, quelle est la différence entre éviction et rénoviction? Prévue dans le Code civil, une éviction a lieu lorsque l’objectif est d’agrandir, de diviser ou de changer d’affectation un logement, explique Me Kimmyanne Brown, du cabinet DDC à Montréal. La rénoviction, quant à elle, est un terme popularisé qui n’existe pas légale- ment, poursuit l’avocate. La pratique sert surtout de pré- texte aux propriétaires qui veulent augmenter le prix du loyer en invoquant, par exemple, des travaux majeurs pour lesquels ils invitent le locataire à quitter temporairement les lieux. Ce dernier pourrait y consentir, mais il risque alors de ne plus pouvoir revenir chez lui, le logement ayant été loué à quelqu’un d’autre ou parce que les travaux traînent en longueur.
Dans le cas d’une «rénoviction», un propriétaire ne peut légalement résilier un bail ou évincer un locataire en invoquant des travaux majeurs. Seules les trois possibilités prévues par le Code civil (mentionnées plus haut) sont légales. De plus, certaines municipalités et arrondissements interdisent les changements d’affectation, les agrandissements ou les subdivisions, ce qui limite les causes d’éviction.
Des règlements mis à jour
Par ailleurs, selon le projet de loi 65, adopté au printemps dernier, aucun propriétaire de logement ne peut désor- mais se prévaloir du droit à l’éviction, y compris pour les trois possibilités d’éviction prévues par le Code civil, et ce jusqu’en juin 2027. Cela n’empêchera toutefois pas un propriétaire de tenter de pousser un locataire à résilier son bail de différentes façons. Dans tous les cas, il doit donner un délai d’au moins 6 mois avant la fin du bail, pour un bail de 12 mois.
En revanche, le projet de loi 31, adopté en février dernier, prévoit que si un locataire ne répond pas à l’avis, il est présumé avoir refusé. Le propriétaire doit alors déposer une demande d’éviction devant le Tribunal administratif du logement (TAL), qui ne peut plus l’autoriser en raison du moratoire de trois ans. «Avant, le locataire était présumé avoir consenti s’il ne répondait pas, ce qui pouvait créer de gros problèmes pour les personnes vulnérables», souligne Kimmyanne Brown.
Pour le propriétaire, il reste deux possibilités de reprise du logement: s’il y a non-paiement du loyer ou s’il veut y habiter lui-même ou y loger un membre de sa famille. Encore là, les personnes âgées de 65 ans et plus (70 ans et plus auparavant) bénéficient de nouvelles protections qui limitent le droit de reprise par le propriétaire.
Des locataires poussés à quitter leur logement pour des raisons illégales pourraient recouvrer des dommages, dit Me Brown, qui leur recommande toutefois de ne pas quitter leur logement. «Ce phénomène en explosion, vécu souvent par des aînés, fait vivre un traumatisme. Une fois qu’on a quitté, il est difficile émotionnellement d’entamer des procédures.»
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