Des inégalités entre aidants naturels

Des inégalités entre aidants naturels

Par Josée Jeffrey

Crédit photo: Jeremy Yap via Unsplash

Certains cas d’injustice fiscale font parfois grincer des dents... Prenons Roger et Luce, des clients de longue date aux revenus modestes, âgés tous deux de 68 ans. Roger est retraité depuis 2013, Luce souffre de sclérose en plaques et se déplace en fauteuil roulant depuis plusieurs années. Elle requiert des soins quotidiens et n’aurait pu rester à domicile si son conjoint n’avait endossé le rôle d’aidant naturel. Il a même aménagé leur condo et leur camionnette pour une meilleure accessibilité.

Au Québec

Roger agit en tout point comme aidant naturel auprès de sa douce moitié. Or, il ne peut tirer profit d’aucun allègement ou crédit fiscal pour le soutien qu’il lui apporte. Si Roger avait endossé le même rôle en hébergeant un membre de sa famille (enfants, petits-enfants, parents ou grands-parents, frères et sœurs, neveux et nièces, oncles ou tantes) âgé de 18 ans ou plus et souffrant d’une déficience mentale ou physique, il aurait été admissible au provincial à un crédit remboursable pour aidant naturel d’un proche pouvant atteindre 1185 $. 

Pourquoi alors ne reçoit-il rien pour Luce? Parce qu’elle est sa conjointe et n’a que 68 ans. Dans le cas spécifique d’un conjoint, celui-ci doit avoir 70 ans ou plus à la fin de l’année pour que la situation d’aide soit reconnue comme admissible. Non seulement le critère d’âge diffère par rapport à l’aide apportée aux autres proches atteints d’une incapacité, mais la grille de calcul aussi! Une aberration et une injustice sociale pour les Roger de ce monde, puisque la charge et les soins sont les mêmes dans tous les cas.

Le crédit remboursable de 1015 $ qui s’applique en particulier à l’aide apportée à son conjoint peut être réclamé si ce dernier a atteint l’âge requis, souffre d’une déficience grave ou prolongée des fonctions mentales ou physiques et ne peut vivre seul, tel qu’attesté par un médecin. Votre conjoint doit avoir cohabité avec vous pendant une période d’au moins 365 jours consécutifs, dont au moins 183 jours durant l’année d’imposition visée. Vous ne pouvez réclamer le crédit si vous ou votre conjoint avez habité dans une résidence privée pour aînés ou dans une installation publique puisque des services de soins infirmiers sont déjà accessibles dans ces établissements.

Au fédéral

Depuis 2017, le crédit canadien pour aidant naturel (CCAN) a été modifié afin de considérer le conjoint comme un aidant naturel lorsque l’autre souffre d’une déficience grave ou prolongée. Le calcul de l’aide varie selon le revenu net du conjoint. 

Dans le cas de Roger, compte tenu de ses revenus modestes, il ne peut bénéficier de ce crédit non remboursable puisqu’il n’a pas d’impôt à réduire. Et en dépit des dépenses engagées pour assurer plus d’autonomie à sa conjointe à l’intérieur de leur condo, il perd aussi le crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire, également non remboursable.

Pourquoi n’offre-t-on pas une aide fiscale uniforme aux aidants naturels, d’autant qu’ils allègent le système public d’une charge financière en maintenant leur conjoint à domicile?

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