Pourboires: on donne combien?

Pourboires: on donne combien?

Par Sophie Stival

Crédit photo: Michael Longmire via Unsplash

Toujours délicate, la question du pourboire… Est-on obligé d’en donner? Et si oui, combien et dans quelles circonstances? Julie Blais Comeau, spécialiste de l’étiquette, répond. 

Quand Huguette a reçu les traitements d’une physiothérapeute à domicile au printemps dernier, cette dernière était très attentionnée et ne comptait pas son temps. Huguette a donc souhaité lui laisser un pourboire de quelques dollars. La spécialiste, étonnée, a refusé poliment, affirmant que ça allait à l’encontre de son code de déontologie comme professionnelle de la santé. Effectivement, les experts régis par un ordre professionnel (médecins, dentistes, psychologues…) ne peuvent généralement pas accepter de gratification sous forme d’argent. Chez un massothérapeute, quand il y a prescription médicale, on ne donne pas non plus de pourboire. 

Toutefois, si on tisse des liens avec la personne et qu’on souhaite exprimer notre reconnaissance, on peut le faire autrement. D’abord, en verbalisant notre appréciation. On pourrait aussi envoyer une note ou téléphoner à son supérieur pour signifier notre satisfaction. Ce geste mènera peut-être à une évaluation de performance positive, voire à une augmentation salariale. «Rien ne nous empêche non plus de lui apporter une gâterie, comme des chocolats ou un panier gourmand, ou encore de lui offrir un cadeau collectif», souligne Julie Blais Comeau. Par exemple, à la suite de traitements de chimiothérapie, de radiothérapie ou d’un séjour à l’hôpital, on pourrait donner un coup de fil au directeur du service et lui proposer de payer le lunch du lendemain en livrant de la pizza ou du poulet. 

Esthétique et détente

Dès qu’il s’agit de soins esthétiques, de détente (y compris un massage) ou de coiffure, il en va autrement. Selon notre degré d’appréciation, on verse jusqu’à 15 à 20 % de la facture (avant taxes et retrait de coupons ou rabais promotionnels). Quant au shampoineur, il peut certes recevoir quelques dollars, ou même davantage si on a reçu un massage crânien en prime!

Quand on déménage à un endroit où on ne connaît pas encore les commerçants (coiffeur, esthéticienne, toiletteur de notre animal de compagnie) ou qu’on souhaite encourager une nouvelle entreprise, mieux vaut poser des questions. «Comme ma grand-mère maternelle Florina disait: “Dans le doute, on s’informe.” Il sera toujours approprié d’interroger la réceptionniste ou le fournisseur de service lui-même sur la politique de pourboire à cet endroit.»

Restauration

Au Québec, le pourboire est de rigueur au restaurant, car les serveurs sont payés sous le seuil du salaire minimum. Au 1er mai 2018, ce taux était de 9,80 $/h, alors qu’il est de 12 $/h pour les autres travailleurs. Un minimum de 15 % avant les taxes est donc attendu. Attention, cependant, aux terminaux de paiement, qui invitent à sélectionner une valeur de pourboire (pourcentage ou montant). On suggère 15 %, 18 % ou même 20 % après taxes: les restaurateurs sont alors gagnants. Pour éviter toute confusion, mieux vaut choisir l’option «pourboire en dollars» et inscrire le montant qui nous convient.

Quand le service reçu n’est pas à la hauteur de nos attentes, peut-on réduire cette compensation? Ça dépend, On doit cibler d’où provient notre mécontentement: service offert, nourriture, temps d’attente, bruit ambiant, etc. Si le serveur n’a aucun contrôle sur ce problème, diminuer son pourboire le pénaliserait injustement. «Notre insatisfaction doit cependant être exprimée: le service ne s’améliorera pas si on se tait. Elle pourrait, par exemple, se refléter dans le pourboire si on laisse seulement 10 %.» Autres options: téléphoner au gérant ou envoyer un courriel après coup, si on préfère éviter la confrontation.

Dans une foire alimentaire ou une chaîne de restauration rapide, on peut ne rien donner, même si un contenant avec l’inscription «Pourboire» se trouve près de la caisse. Dans ces restos, les travailleurs sont payés au salaire minimum régulier. «Bien sûr, si on prend un café tous les matins au même endroit, que la caissière connaît nos habitudes et nous appelle par notre prénom en nous offrant son plus beau sourire, on peut laisser un pourboire!» Au buffet ou pour une livraison à domicile, on conseille de verser 10 % de l’addition. 

Voyages

Autres pays, autres mœurs… En Australie, par exemple, le pourboire n’est pas chose courante et se trouve souvent inclus dans la facture. Au Japon, ce concept est presque inexistant. Il serait même impoli de donner un pourboire à un serveur! Avant de visiter une autre contrée, on se renseigne donc sur ses us et coutumes. Nos amis, notre agent de voyage, des guides touristiques ou des blogues en ligne nous informeront à ce propos.

En escapade chez nous, au Québec, on verse généralement au porteur de nos valises 2 $ pour un premier bagage et 1 $ pour chacun des suivants. Au voiturier qui gare notre véhicule, l’usage est de donner 2 $, voire plus lorsque l’auto est retournée. Et pour l’entretien ménager de notre chambre, on pourrait laisser 2 $ et plus par jour. 

Travaux et autres services

Des peintres étudiants proposent de rafraîchir la couleur de notre salon? Une dynamique équipe de paysagistes tond notre gazon chaque semaine? On déménage et des hommes forts transportent notre mobilier et nos électroménagers? Dans toutes ces situations, combien donner et à qui? «On s’assure que le pourboire est versé au groupe en le remettant au chef d’équipe devant tout le monde, ou alors on verse la part de chacun individuellement.» Dans le cas de la pelouse, le geste peut être posé à la fin de l’été, avec un montant forfaitaire.

Compte tenu de la popularité croissante du magasinage en ligne, de plus en plus de livreurs et de postiers se rendent chaque semaine à certaines adresses. Si on en vient à reconnaître cette personne au fil du temps, pourquoi ne pas la remercier avec un pourboire ou même un chèque-cadeau durant le temps des Fêtes, par exemple? On pourrait coller ladite récompense sur notre porte, en écrivant le nom du livreur, si nécessaire. «Ce n’est alors plus une compensation, mais plutôt une reconnaissance du service exceptionnel reçu.» Cela vaut également pour le concierge de notre immeuble, notre aide-ménagère ou une personne qui promène notre chien ou nous rend service régulièrement.

À la station d’essence, par contre, même lorsque le pompiste assure le service de remplissage, on n’est pas tenu de laisser un pourboire. «À moins que le thermomètre affiche les moins 30 degrés Celsius, rendant ainsi la tâche plus difficile au préposé, le pourboire reste discrétionnaire, puisqu’on paie déjà plus cher le litre d’essence lorsqu’il y a un service à l’auto.»

Pour plus d’info: Quoi dire, comment faire et quand?, par Julie Blais Comeau (Béliveau éditeur, 21,95 $).

Ça vient d’où?

L’origine du mot pourboire, ou tip en anglais, demeure incertaine. Cette pratique répandue daterait de plus de trois siècles. En Angleterre, un aubergiste opportuniste aurait déposé sur son comptoir un petit pot sur lequel était inscrit To Insure Promptness (TIP), qu’on peut traduire par «pour assurer la promptitude (du service)». Au Moyen Âge, en France, il était d’usage que le seigneur offre une pièce de monnaie à son serviteur pour le remercier de son excellent service: «Tenez, pour boire à ma santé!»

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