En cas de fraude, qu’est-ce que notre institution bancaire peut faire pour nous?

En cas de fraude, qu’est-ce que notre institution bancaire peut faire pour nous?

Par Simon Diotte

Crédit photo: iStock

Avec la numérisation de nos vies apparaît une nouvelle réalité de plus en plus implacable : les fraudes se virtualisent. Voici ce que les institutions financières font pour freiner les criminels en ligne.

Récemment, j’ai voulu faire l’acquisition d’un appareil d’entraînement sur le site d’une compagnie de Copenhague. J’ai entré le numéro de ma carte de crédit et mes informations personnelles. J’ai cliqué: procéder au paiement.

Bang, un message d’erreur est apparu. La transaction a échoué. Je ne comprenais pas pourquoi. Presque instantanément, j’ai reçu un message texte de ma banque: «Alerte à la fraude. Lung Trainer. XXX-derniers numéros de ma carte de crédit, 510$. Textez VALIDE ou FRAUDE.» Sur le coup, j’ai été stupéfait par la rapidité du système de détection des fraudes. Mon institution financière a levé le drapeau rouge, sachant que je ne transige pas souvent avec le Danemark. J’ai texté VALIDE et un message a répondu: «Veuillez patienter quelques minutes avant d’utiliser la carte.» Ce que j’ai fait. Quelques instants plus tard, je me suis enfin procuré mon appareil.

Objectif: déjouer les arnaqueurs

Comme le démontre mon fait vécu, si les fraudeurs et arnaqueurs ne cessent d’innover pour tenter de nous soutirer notre pécule si chèrement gagné, les institutions financières entrent en mode adaptation. L’idée générale, c’est de compliquer au maximum la vie des fraudeurs afin de les empêcher de commettre leurs méfaits.«Il y a de plus en plus de collaboration entre les institutions financières pour faire face à cette nouvelle réalité», explique André Boucher, premier vice-président, chef de la sécurité de l’information à la Banque Nationale du Canada (BNC).

L’alliance devient essentielle pour contrer l’épidémie de fraude en ligne, qui prend une ampleur jamais vue. La cause: nos vies deviennent de plus en plus virtuelles. Nos transactions se passent de plus en plus en ligne, ce qui suscite l’appétit des fraudeurs, qui peuvent nous flouer à distance. Ceux-ci utilisent de plus en plus l’intelligence artificielle et d’autres technologies de pointe afin de commettre leurs crimes. En 2023, le Centre antifraude du Canada a évalué les pertes financières liées aux fraudes en tous genres à 554 millions de dollars. L’organisme fédéral a comptabilisé 41 111 victimes en 2023, un nombre en baisse de 29% par rapport à 2022, la pandémie ayant été une période charnière pour la fraude. À noter que ces chiffres seraient sous- estimés, selon le Centre antifraude du Canada, puisque seulement 5 à 10% des fraudes sont signalées.

«Les criminels ciblent les personnes qui sont peu familières avec le cyberenvironnement ou qui s’y connaissent peu en technologie, ou les entreprises qui n’ont pas de me- sures de cyberprotection ou de procédures similaires en place», explique le Centre antifraude du Canada dans un message publié en mars, le Mois de la prévention de la fraude.

Chez Desjardins, on dit prendre la fraude au sérieux plus que jamais. «Nous avons 1500 experts qui travaillent à temps plein là-dessus, avec un budget de 350 millions de dollars», explique Jean-Benoît Turcotti, porte-parole de la coopérative québécoise. André Boucher, de la BNC, ne va pas autant dans les détails, mais se réjouit que les médias parlent de plus en plus des risques reliés à la fraude. «Ça nous permet d’éduquer le public en la matière, de lui donner les outils de base pour qu’il se protège davantage», dit cet expert en cybersécurité. Comme l’indique le Centre antifraude du Canada, la sensibilisation est la meilleure défense contre la fraude. Quand les gens connaissent les astuces des fraudeurs, ils sont plus aptes à éviter les pièges.

En matière de prévention, les conseils de base sont toujours valides: mot de passe complexe, diversification des mots de passe, ne jamais partager son NIP, ne pas cliquer sur des liens douteux, etc. «Il faut aussi taper l’adresse URL de notre banque dans la barre d’adresse de notre fureteur internet. Il ne faut pas y accéder par une recherche Google, car de plus en plus de sites frauduleux copient parfaitement l’interface des banques », met en garde l’expert de la BNC. Il importe de ne pas dévoiler nos informations personnelles sur nos réseaux sociaux, pratique qui pave la voie aux fraudeurs.

Bouclier antifraude

Mais il faut aller plus loin. L’heure est à la multiplication des outils afin d’augmenter la protection des usagers. Par exemple, un code d’accès et un mot de passe ne suffisent plus pour accéder à nos comptes en ligne. L’activation à deux étapes devient la norme. Après avoir entré notre identifiant et notre mot de passe, un code de sécurité à usage unique nous est envoyé par texto. L’authentification multifacteur diminue les risques de fraudes et de vol d’identité.

Les institutions financières ont mis au point des services d’alerte qui nous avertissent par texto ou courriel lorsque des transactions sont effectuées sur notre compte de banque ou notre carte de crédit. Cet outil nous permet de constater rapidement des activités suspectes. Il peut bloquer une transaction douteuse, comme l’illustre l’exemple cité dans l’introduction de cet article.

«Les usagers peuvent aussi établir des seuils au-delà desquels les transactions sont bloquées», indique André Boucher, de la BNC. Cet outil s’active dans les paramètres de notre compte ou application. La configuration biométrique peut également être activée pour l’accès aux applications bancaires sur notre téléphone intelligent.

Le service d’authentification par la voix se multiplie, notamment chez Desjardins. À l’image du téléphone cellulaire qui se déverrouille avec la détection de notre visage, le service à la clientèle de Desjardins nous reconnaît par nos habitudes de langage et le ton de notre voix. Une façon innovatrice d’éviter que d’autres personnes ne tentent d’usurper notre identité. «Ce service d’empreinte vocale est offert sur une base volontaire», dit Jean-Benoît Turcotti, de Desjardins. Le service serait extrêmement fiable contre les hypertrucages, selon le porte-parole de Desjardins. «Notre système d’authentification se fait dans le cadre d’une discussion naturelle avec un agent plutôt que par l’utilisation d’une phrase prédéfinie qui sert de mot de passe», explique- t-il. Cela dit, les clients qui préfèrent fonctionner avec des questions du genre «Quel est le nom de jeune fille de votre mère?» peuvent conserver leurs habitudes.

Victime, qu’est-ce qu’on fait pour vous?

Sur le relevé de notre carte de crédit, on remarque que plusieurs transactions ont été effectuées sans notre consentement, engraissant le montant de notre solde à payer. Que faire? «Dès que vous constatez une anomalie, vous devez contacter votre institution financière. À partir de ce moment-là, nos équipes de gestion de la fraude enquêteront afin de savoir ce qui s’est passé», dit Jean-Benoît Turcotti, de Desjardins. Comment procède-t-on? Sur cet aspect, les institutions financières gardent le secret. «On veut que les fraudeurs en sachent le moins possible sur nos mesures de protection», ajoute le porte-parole.

Sera-t-on remboursé ou non? Il n’y a pas de réponses toutes faites à cette question. «En cas de fraude ou d’arnaque, il y a une toujours une responsabilité partagée. C’est le fruit de notre enquête qui déterminera s’il y aura un remboursement ou non. C’est du cas par cas», indique André Boucher. Par exemple, si on a volontairement effectué une transaction douteuse à la suite d’une arnaque, le remboursement pourrait être plus difficile à obtenir. La rapidité du signalement pèse aussi dans la balance. «En nous avertissant rapidement d’une fraude, nous aurons plus de chance de « renverser » la transaction et de récupérer votre argent», dit Jean-Benoît Turcotti.

Les victimes de fraude sont ensuite accompagnées dans leurs démarches pour annuler les transactions frauduleuses et récupérer l’argent volé. «Dans le cas d’un vol d’identité – des fraudeurs ont ouvert une carte de crédit à votre nom –, on vous accompagnera dans toutes les étapes jusqu’à la correction de votre dossier de crédit», affirme Jean-Benoît Turcotti, de Desjardins.

Doit-on aviser la police? Oui, c’est notre responsabilité. «On vous incitera à porter plainte et à signaler la fraude ou la tentative de fraude au Centre antifraude du Canada», explique André Boucher, de la BNC. Ce signalement, en ligne ou par téléphone, a une grande importance. Plus les fraudes et arnaques sont dénoncées, plus les mécanismes sont mis en place pour les bloquer. «Chaque citoyen a une responsabilité collective dans la constitution de ce bouclier antifraude», dit André Boucher.

À faire sans attendre en cas d’arnaque

1. Contacter notre institution bancaire, qui vérifiera les paiements effectués sur notre carte de débit ou de crédit, et les bloquer si nécessaire ;

2. Déposer une plainte à la police et au Centre antifraude du Canada.

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