Vrai ou non? Repérez les fausses nouvelles

Vrai ou non? Repérez les fausses nouvelles

Par Camille Lopez journaliste vérificatrice des faits

Crédit photo: Headway via Unsplash

À l’heure où l’information provient de milliers de sources différentes, il est plus facile que jamais de partager une fausse nouvelle. Qui faut-il croire? Et comment démêler le vrai du faux? Notre guide. 

En avril dernier, des milliers d’internautes ont réclamé la démission de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, après la publication d’une photo à une manifestation contre la nouvelle loi sur l’immigration. S’en sont suivis menaces de mort, appels à la violence, insultes et menaces de viol.

Le hic? Valérie Plante n’avait jamais pris part à l’événement. En fait, au même moment, la mairesse de Montréal était… en Argentine. La nouvelle était fausse, mais les dérives violentes étaient, elles, bien réelles. «Tout ce qu’on fait sur les réseaux sociaux a une conséquence. Même cliquer sur “j’aime”, et même si on ne veut pas mal faire», prévient Jeff Yates, journaliste à Radio-Canada et pionnier de la lutte aux fausses nouvelles au Québec. 

En effet, rares sont ceux qui partagent volontairement une information erronée. Et pourtant, la désinformation pollue autant l’internet que le plastique pollue les océans. C’est que reconnaître les fausses nouvelles est un réflexe, un muscle, qu’il faut prendre le temps de développer. Tout comme il vaut mieux connaître les bonnes pratiques à adopter lorsqu’on navigue sur internet. 

Remettons d’emblée les pendules à l’heure: un article parodique, une opinion controversée ou une erreur journalistique ne sont pas des fausses nouvelles. Une «fausse nouvelle» est une information fausse, modifiée ou créée de toutes pièces dans le but de tromper le lecteur. 

Détecter les faussetés

Facebook ne nous facilite pas la tâche. Sources fiables ou pas, tous les articles qui apparaissent dans notre fil d’actualité sont présentés de la même manière. Alors, comment parvenir à reconnaître une source de bonne qualité? Avant même de cliquer sur l’article, trois signes importants permettent de détecter une nouvelle louche. «En premier, on regarde bien le lien de l’article. Est-ce un site que l’on connaît?» indique Stéphanie Dupa, bibliothécaire à Bibliothèque et Archives nationales du Québec, qui anime l’atelier «Réseaux sociaux et données personnelles», à la Grande Bibliothèque de Montréal. Certains sites mal intentionnés tentent de copier les liens connus, comme celui de Radio-Canada, en enlevant une lettre ou en changeant la fin. Au lieu de lire www.ici.radio-canada.ca, on lira alors www.ici.radio-cnada.ca ou www.ici.radio-canada.net. Le lien apparaît en bas d’une publication Facebook, en majuscules.

Facebook s’est associé à des médias pour lutter contre la désinformation qui circule plus ou moins librement sur le réseau social. On trouve ces rectificatifs dans la section «Articles connexes» sous l’article qui nous intéresse. Mais attention, ce service a ses limites. «Il faut aussi se méfier des publications contenant plusieurs fautes d’orthographe», enchaîne Stéphanie Dupa. Même sur les réseaux sociaux, les médias sérieux font attention aux erreurs de grammaire. «L’ONU prévoit d’immigrer 245 millions d’immigrés au Canada d’ici 2030. Partage si tu es contre que le Canada signe le pacte sur les Migrations!», lisait-on dans une publication Facebook partagée des milliers de fois. Bien entendu, son message est complètement faux. Les fautes de syntaxe en sont un premier indicateur.  

Reste que le meilleur moyen de vérifier la véracité d’un article est de le lire au complet. «L'astuce numéro un, c'est de prendre son temps. On ne partage pas une nouvelle qu'on n’a pas lue», rappelle Jeff Yates. Voici quelques questions à garder en tête:

Qui a écrit l’article? Si le texte n’est pas signé, c’est mauvais signe. Un journaliste et son média vérifient leurs propos et sont prêts à s'en porter garants. Derrière un article anonyme se cache souvent quelqu’un qui se déresponsabilise par rapport à son contenu. L’auteur est-il un journaliste, un chroniqueur ou un blogueur? Son titre nous aidera à déterminer s’il donne des faits ou plutôt une opinion. 

D’où provient l’article? Si la nouvelle vient d’un site internet qu’on ne connaît pas, mieux vaut vérifier ses rubriques «À propos» et «Nous contacter». S’il s’agit d’un média sérieux, ces sections nous fourniront ses coordonnées et les noms des membres de l’équipe. Les sites louches ne divulguent généralement pas ces informations. 

Quand l’article a-t-il été publié? «Ce n’est pas parce qu’une nouvelle était vraie en 2013 qu’elle l’est toujours aujourd’hui», explique Jeff Yates. Souvent, d’anciens textes recommencent à circuler sur Facebook et plusieurs internautes les partagent en pensant qu’ils sont toujours d’actualité. Pourquoi? Parce que l’interface de Facebook n’indique pas la date de publication d’un texte. «D’ailleurs, si l'article n'a pas de date, on oublie ça», ajoute le journaliste.

L’image a-t-elle été modifiée? Est-elle sortie de son contexte? «La manipulation de l’image est ultrafacile de nos jours», soutient Stéphanie Dupa. Et il n’est pas rare qu’une photo frappante soit utilisée pour attirer le lecteur, même si elle n’a rien à voir avec le texte. C’était le cas de la photo de Valérie Plante mentionnée plus haut. La photo était bien réelle, mais elle avait été sortie de son contexte. Si on a un doute sur une image, on peut la télécharger sur notre appareil et faire une recherche par image sur Google.

Des experts sont-ils cités? Qui dit quoi? D’où proviennent les faits énoncés? Les personnes qui interviennent dans le texte sont-elles réellement des experts de la question? On fait particulièrement attention aux médecins et aux scientifiques. 

«Ces questions sont valables pour tout. Même quand on lit un article dans un journal qu'on connaît bien», ajoute Jeff Yates. Des journalistes spécialisés dans la vérification des faits rendent la tâche plus facile. Si vous doutez de la fiabilité d’un article, cherchez son titre sur Google. Un journaliste a peut-être déjà fait le travail pour vous. Chez nous, Radio-Canada, l’Agence Science-Presse et Le Soleil, entre autres, embauchent des journalistes qui luttent contre la désinformation. En Europe, l’Agence France-Presse, Le Monde et HoaxBuster par exemple démentent également les fausses nouvelles.

Le doute plane toujours? «Les bibliothécaires sont là pour accompagner les gens dans leurs recherches, rappelle Stéphanie Dupa. La majorité des bibliothèques proposent des ateliers gratuits, souvent personnalisés, pour les débutants.» 

Reconnaître la source 

On n’a pas à fouiller longtemps pour tomber sur de la désinformation. En cherchant le terme «vaccin» sur Facebook, dans les premières pages que le réseau social suggère, on trouve «Non au vaccin» et «Les dangers de la vaccination». Ces deux pages ne se cachent pas d’être contre la vaccination, diffusent les opinions alarmistes de pseudomédecins et encouragent la méfiance envers la science moderne. Un exemple parmi des milliers qui illustre la prédominance de l’opinion et des «faits alternatifs» sur la vérité et les faits. 

Alors comment faire la part des choses? Comment s’assurer qu’un lobby, un fraudeur ou un groupe extrémiste ne tentent pas de nous influencer? Tout est dans l’intention. «On doit toujours se demander pourquoi l’article a été rédigé», explique Jeff Yates. Une nouvelle a-t-elle été écrite pour le bien de l’intérêt public ou pour propager une opinion non basée sur des faits? 

Par exemple, la page «Non au vaccin» publie régulièrement des articles et des vidéos associant la vaccination au satanisme et même à la pédophilie. On y rejette tout argumentaire scientifique au profit d’images sensationnalistes d’enfants malades. Des photos qui choquent, qui font peur, tout en nuisant à l’intérêt public... et à la santé publique. 

On se méfie également d’un texte présentant une soi-disant actualité où toutes les sources citées encensent le même un parti politique ou la même opinion. Par exemple, si un article sur les bienfaits du lait ne présente que le point de vue de l’industrie laitière, quelque chose cloche. Même chose pour les débats qui pullulent sur Facebook et Twitter: notre interlocuteur refuse-t-il de s’appuyer sur des faits ? Si oui, mieux vaut consulter des sources fiables de notre côté et ne pas s’embarquer dans un échange à sens unique. Un truc infaillible pour s’y retrouver: consulter des médias qu’on connaît bien. «D’autres ressources parlent-elles du même sujet? Le traitent-elles de la même manière? Existe-t-il un consensus scientifique sur la question ?» questionne Stéphanie Dupa.

Prudence également face à des groupes encourageant la méfiance envers les médias traditionnels, en se vantant d’être des «médias alternatifs» et de faire de la «réinformation». Pourquoi? Parce qu’ils ne suivent aucune règle. «Les vrais journalistes doivent respecter un code de déontologie rigoureux», note Jeff Yates. S’ils le transgressent en partageant, par exemple, des informations fausses, ils risquent leur emploi, leur réputation et des blâmes du Conseil de presse du Québec. 

Bien relayer l’information

Les fausses informations sont créées pour jouer avec nos émotions. «Quand une nouvelle nous flatte un peu trop dans le sens du poil, il faut faire attention. Quand on voit quelque chose qui nous enrage, on a le goût de réagir. Mais ça aussi, c'est un piège», prévient Jeff Yates. «Mieux vaut prendre cinq minutes, bien respirer et, après, commencer à vérifier», confirme Stéphanie Dupa. «Partager quelque chose ou écrire un commentaire, ce n'est jamais anodin», ajoute le journaliste de Radio-Canada. Et pour cause: si, sur le coup de l’émotion, on en vient à tenir des propos violents à l’endroit d’une personne, on risque une condamnation criminelle. 

Cela vaut tout autant pour le partage d’informations confidentielles. Quand la nouvelle concernant la mort tragique d’une fillette de Granby a commencé à circuler, plusieurs internautes ont partagé des photos de la victime, s’exposant sans le savoir à des poursuites judiciaires, puisque la loi sur la protection de la jeunesse interdit la publication d’informations permettant d’identifier un mineur. Dans ce cas précis, le tribunal avait aussi imposé une ordonnance de non-publication similaire concernant l’identification des parents. «Cela change-t-il quelque chose de partager cette photo-là? Aide-t-on l’enquête ou les forces de l’ordre? souligne Jeff Yates. Une manière d'être absolument certain de ne jamais enfreindre les interdits de publication, c'est de partager l'information des médias.» 

On entend par ailleurs de plus en plus parler de faux profils programmés pour diffuser massivement une information et participer à des campagnes de désinformation, qu’on appelle aussi des robots ou des bots. Mais nous ne sommes pas à la veille d’une guerre entre robots et humains, nuance Jeff Yates. «Si un compte Facebook commence à partager des publications automatiquement, il sera effacé. Les bots opèrent surtout sur Twitter et ils sont faciles à reconnaître: ces profils partagent toujours le même contenu, à une vitesse impossible pour n’importe quel être humain», explique le journaliste.

BAnQ offre des formations numériques gratuites, ainsi qu’un atelier pratique sur les fausses nouvelles. Info à banq.qc.ca/activites.

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