Ah, que la vie est dure! Durant notre virée au Panama, nous avons brisé la courroie serpentine, pièce essentielle de notre véhicule. Petite affaire, direz-vous? Un paquet de troubles, je vous répondrais. Nous avons réussi à trouver une courroie de dépannage qui nous a permis de revenir, mais celle-ci étant trop étroite ne permet pas au moteur de déployer toute sa puissance. Nous devons donc renoncer à plusieurs visites prévues, dont les sites archéologiques de Tikal et de Copán, au Guatemala et au Honduras, car nous devrions alors cheminer dans des montagnes de 1 500 mètres d’altitude.
À contrecoeur, nous prenons donc la décision de rentrer au Mexique en suivant la côte du Pacifique, donc la plaine. Il faut ajouter aux ennuis mécaniques et aux bris de la caravane portée, la fatigue physique et morale, car visiter ces pays du Tiers-monde, où tous les jours on côtoie une extrême pauvreté, ne va pas sans nous remuer intérieurement. Les gens vivent dans des maisons aux murs de tôle, et même de boîtes de bananes. Ils sont si pauvres que lorsque nous donnons quelques córdobas ou quelques lempiras, nous avons l’impression de jeter une goutte d’eau dans un sol desséché et quand un enfant ou un vieillard prend cet argent tenu entre vos doigts, il vous arrache une partie du cœur.
Comme il nous presse d’entrer au pays du président Calderón, nous attaquons les frontières en commençant par El Amatillo, la terrible; elle a mauvaise réputation, car ici la procédurite est endémique. Notre surprise est totale. Ce matin-là, un officier des douanes du Honduras – s’étant levé du bon pied, faut-il croire – nous prend en charge et nous pilote à travers les dédales du poste frontière. Il fait diligence et, une demi-heure plus tard, nous sommes prêts à nous frotter aux officiels du Salvador où une panne du système informatique nous retarde d’une bonne heure.
La rentrée au Mexique
Le Salvador, contre toute attente, offre un système routier presque impeccable. C’est assez étonnant vu la pauvreté qui s’étale sans fausse pudeur. Pourtant, les gens ont le sourire facile. Comme nous avions besoin d’un pneu de secours, c’est à San Miguel que nous avons trouvé ce qu’il fallait. Puis, direction vers la côte du Pacifique, un des nombreux paradis pour les surfeurs. Un magnifique coucher de soleil à La Libertad lors de notre souper nous laissera un souvenir inoubliable.
Comme ce pays est petit à traverser, il suffit de quelques heures pour nous rendre à la frontière du Guatemala, notre troisième traversée en autant de jours. Tout est d’une facilité réconfortante. Nous aurons ainsi plus de temps pour nous trouver une place où coucher, car le défi pour les caravaniers en Amérique centrale, c’est de savoir où passer la nuit de façon sécuritaire. La Posada del Sol à Mazatenango nous offre l’hébergement, mais bien plus, car la propriété toute fleurie avec de beaux arbres attire quantité d’oiseaux. Bleu, rouge, vert, jaune, noir, que de couleurs pour cette gent ailée: des perroquets, des oiseaux-mouches, des moqueurs, des motmots turquoise, des pics, des tyrans mélancoliques, des moucherolles, des buses et d’autres plus difficiles à identifier. Quel dommage de voir la nuit étendre son grand manteau noir!
Après une bonne nuit, il ne nous reste qu’à entrer au Mexique. Nous choisissons le poste frontière d’El Carmen, habituellement pas trop occupé. Nous avons vu juste: tout se déroule rondement d’un côté comme de l’autre. En fait, il y a toujours beaucoup de monde qui s’agite soit parce que ce sont de petits vendeurs de toutes sortes de choses, pas toujours très utiles, mais il faut bien gagner sa croûte, soit les cambitas qui veulent vous fournir en pesos ou en dollars américains, ou tout simplement les gens qui jasent de tout et de rien comme s’ils détenaient le temps dans leur poche et que rien ne presse.
Nous voici donc de retour au Mexique après un périple de deux mois et tout près de 6000 kilomètres. Peut-être sommes-nous trop heureux et, malheureusement, le bonheur nous fait relâcher notre vigilance alimentaire. Il a suffi d’un lunch tardif dans un restaurant d’un arrêt routier pour que nous nous payions la plus belle intoxication alimentaire qu’on puisse imaginer. À Arriaga, il fait 36 °C à l’ombre et je vous fais grâce de l’état de notre système digestif. Heureusement qu’un vent bienfaisant nous permet de ne pas suffoquer dans la capucine de notre caravane portée. Après quarante-huit heures de malaise, nous reprenons la route de la Sierra Madre del Sur qui nous mènera à notre ville coup de coeur, Oaxaca, où cette fois nous sommes sûrs de trouver la douceur de vivre.
Pour en savoir davantage sur Lina et Raymond et lire leurs autres chroniques, consultez notre article Portrait des caravaniers et premières aventures.
mise à jour le 2008-03-27