Captivante Côte-Nord

Captivante Côte-Nord

Par Sandrine Champigny

Crédit photo: Sandrine Champigny

S’il faut une bonne trotte pour se rendre sur la Basse-Côte-Nord, la route en vaut la peine: au bout de la 138, on embarque sur le Bella Desgagnés, à la découverte des trésors cachés du Québec. 

Mutton Bay, Tête-à-la-Baleine, Unamen Shipu, Harrington Harbour: autant de noms de villages qui n’évoquent peut-être rien pour la plupart des Québécois. Logés au cœur du Saint-Laurent, ces hameaux vibrent au rythme des visites du Bella Desgagnés (relaisnordik.com), le bateau qui leur fournit des victuailles. Accessibles uniquement par voie maritime ou par motoneige durant l’hiver, ils nous font plonger dans un Québec méconnu.

La mythique route 138 qui mène au bout du Québec est parfaite pour ceux qui aiment faire du kilométrage et profiter de paysages à couper le souffle, en prenant régulièrement des pauses pour admirer les petits villages. On prévoit environ 5 heures pour se rendre de Sept-Îles à Natashquan – si on décide de raccourcir la route et de prendre l’avion de Montréal à Sept-Îles – et un peu moins de 15 heures de route si on choisit de partir de Montréal en voiture. Il est possible d’embarquer sur le Bella Desgagnés dans plusieurs ports, notamment celui de Rimouski, mais l’embarquement à partir de Natashquan permet de visiter aussi, à notre rythme, le lieu natal de Gilles Vigneault. Pour le lunch, c’est à l’incontournable Café L’Échouerie (facebook.com/cafelechouerie) que ça se passe. Situé sur la plage, ce café-spectacle au menu gourmand et convivial permet de manger au son des vagues.

Tous à bord! 

Le Bella Desgagnés promet une croisière qui n’a rien de traditionnel. Ce cargo-passager peut accueillir jusqu’à 420 personnes, dont 160 en cabines, en formule tout inclus. Comme l’horaire de ce bateau transportant des marchandises est sujet à changement, on garde donc en tête que la flexibilité est primordiale si on décide d’y embarquer. Il est possible de connaître sa position exacte en tout temps sur le site du Relais Nordik, ou tout simplement de vérifier à quai si on l’aperçoit. Dans plusieurs ports, on le voit arriver de loin!

Malgré son horaire variable et sa mission pas comme les autres – à l’une des escales, on l’a vu décharger un canapé! –, le Bella ne manque pas de confort et permet d’accéder à des territoires peu fréquentés. Première pause après Natashquan: Kegaska. On s’y arrête quelques heures et il est possible d’explorer l’endroit. Certaines escales se visitent très bien en solo, mais à d’autres haltes, le village est accessible seulement en voiture. Mieux vaut donc réserver nos excursions d’avance avec Voyages Coste (voyagescoste.ca), l’organisateur de toutes les escapades dans les escales, si on veut s’assurer d’avoir une place.

Comme au cinéma

C’est dans un décor de film qu’on plonge quand on arrive à Harrington Harbour. Directement sur le port, il y a un grand entrepôt où sont vendus fruits de mer et poisson. Plusieurs bateaux de pêcheurs y débarquent le fruit de leur labeur, principalement des homards à la taille impressionnante.

Si l’atmosphère de cette île nous paraît familière, c’est qu’elle a servi de lieu de tournage au film La grande séduction, de Ken Scott. On comprend instantanément pourquoi le cinéaste a choisi l’endroit pour y installer le village fictif de Sainte-Marie-la-Mauderne: le charme est au rendez-vous à Harrington Harbour. Le bruit de l’eau, les maisons colorées et les cordes à linge partout présentes nous transportent dans une région qui semble à l’abri du temps. L’absence de véhicules, à part quelques VTT se promenant sur les trottoirs en bois du village, contribue à la quiétude des lieux. Si on y ajoute la rareté des arbres, le tout donne par moments l’impression d’avoir débarqué sur la lune.

Sur place, on peut aisément se promener sans guide, car le port est à distance de marche des attractions. Deux gîtes se trouvent sur la petite île. Si on éprouve un coup de cœur, on peut donc y rester quelques jours et reprendre le navire ensuite, puisqu’il passe deux fois par semaine en haute saison.

Au suivant!

Après quelques heures de navigation, on se dirige ensuite vers Tête-à-la-Baleine. Situé en retrait du port, ce charmant petit village se visite en minibus. Une guide résidente des lieux nous raconte l’histoire du seul lopin de terre majoritairement francophone de cette partie de la Basse-Côte-Nord. Coup de cœur pour la chicoutai, un petit fruit orange qui fait les délices des Nord-Côtiers et se retrouve partout sur le sol. On le cuisine à bord du bateau, où l’on mange d’ailleurs comme des rois! Le petit bijou de ce patelin de pêcheurs? Sa magnifique église aux couleurs pastel.

De retour sur le bateau, on ne s’ennuie pas. Ceux et celles qui auraient peur d’y vivre des moments de solitude n’ont pas à s’inquiéter. Le Réseau d’observation des mammifères marins (ROMM, romm.ca) offre des ateliers d’interprétation sur différents sujets plusieurs fois par jour. Faune et flore de la Basse-Côte-Nord n’auront plus de secrets pour les participants! Entre les escales, on peut aussi se promener allègrement sur les ponts, à l’intérieur comme à l’extérieur. Si la température est clémente, on se dirige sur le pont extérieur avant pour voir le bateau manœuvrer entre les rochers parfois assez serrés à l’approche des escales. Impressionnant! 

C’est probablement à Mutton Bay-La Tabatière qu’on voit le plus de traces de la disparition presque complète de  la principale industrie qui animait la région dans le passé: la pêche. Autrefois vibrant, le village est aujourd’hui beaucoup plus tranquille, mais toujours aussi magnifique. 

Sans limites

L’aventure se poursuit entre les glaciers entourant Blanc-Sablon. Cette petite ville frontalière du Labrador mélange anglais et français, fière de cet héritage mixte. Le capelan y abonde: une pêche dite «miraculeuse», les poissons se retrouvant par milliers sur les berges entre les mois de mai et de juin. Pas besoin de canne à pêche pour les attraper! On entre dans l’eau avec nos filets et on remplit nos seaux. Un spectacle hors du commun! Si on garde l’œil ouvert et les pieds sur la plage, on peut apercevoir au loin des baleines, qu’on observe également de très près à bord du Bella Desgagnés.

Une fois débarqués du bateau, rien n’empêche de prolonger notre séjour sur la Côte-Nord en s’arrêtant au moins quelques heures aux îles Mingan pour y voir des macareux moines, et en passant par Rivière-au-Tonnerre pour faire le plein de produits locaux à la Maison de la Chicoutai (chicoutai.com). À Sept-Îles, on se promène au bord de l’eau et on se renseigne sur l’histoire de la région au Musée régional de la Côte-Nord (museeregionalcotenord.ca). À peine partis, on a déjà envie d’y retourner! 

En pratique

Y aller L’hiver, en motoneige et l’été, en bateau, il est toujours possible de se rendre sur la Basse-Côte-Nord. À noter que le Bella Desgagnés ne navigue pas en février ni en mars. Si on s’y rend en voiture, on peut se garer au port ou embarquer notre véhicule à bord si on veut poursuivre notre séjour en road trip à partir de Blanc-Sablon.

Bon à savoir Il est possible d’opter pour une formule tout-inclus (sans alcool) sur le bateau, avantageuse pour les longs trajets. Sinon, le restaurant offre aussi des repas complets payants, alors que la cafétéria sert des plats plus simples. 

À bord Le navire fait parfois des escales de nuit. Généralement peu bruyantes, elles ne dérangent pas le sommeil. Cela dit, malgré ses stabilisateurs, le bateau peut parfois tanguer quand la mer est agitée. On apporte donc des antinauséeux et, surtout, on suit les conseils de l’équipage, qui en a vu des vertes et des pas mûres! 

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