Nos lacs fourmillent de parasites. C’est une bonne… et une mauvaise chose!

Nos lacs fourmillent de parasites. C’est une bonne… et une mauvaise chose!

Par Sandra Binning et Ariane Côté, Université de Montréal

Crédit photo: iStock

Si vous êtes adepte de pêche, vous avez peut-être déjà trouvé des anomalies ou des parasites chez les poissons sauvages. En réalité, les poissons que nous pouvons couramment trouver dans nos lacs, comme l’achigan ou la truite, hébergent plusieurs espèces de parasites. Bien que les parasites fassent naturellement partie des écosystèmes, ils ont le potentiel d’engendrer de graves conséquences. Mais qu’est-ce qu’un parasite? Et quel est l’impact de ces mystérieuses créatures sur nos lacs?

Les parasites sont des organismes omniprésents qui utilisent un autre organisme pour se nourrir, se loger ou se reproduire. Ce faisant, ils peuvent altérer le comportement, la croissance, la reproduction et les chances de survie des poissons qu’ils infectent. Les parasites sont souvent plus petits que les organismes qu’ils infectent. Pensez à une tique sur un chien. Pourtant, ces minuscules bêtes jouent un rôle majeur dans l’équilibre de nos lacs.

En tant que professeure et étudiante à la maîtrise au département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, nous cherchons, avec la Chaire de recherche du Canada sur l’écoévolution des interactions hôte-parasite, à comprendre comment les changements environnementaux peuvent affecter la façon dont les poissons d’eau douce contractent, gèrent et se rétablissent des infections parasitaires. Nous vous offrons l’occasion de vous pencher vous aussi sur cet univers aussi petit que fascinant.

Un rôle plus grand que nature

Les parasites sont souvent considérés à tort comme un problème, alors qu’ils jouent un rôle clé dans le maintien des écosystèmes. Par exemple, en diminuant les taux de reproduction ou de survie de certaines espèces, les parasites permettent de maintenir l’équilibre en régulant le nombre de poissons dans une population donnée. Cela prévient la dominance d’une espèce dans un lac et les conséquences écologiques qui en découleraient.

Les parasites sont aussi une source de nourriture pour différents animaux aquatiques, comme les poissons-nettoyeurs, qui se régalent des petits crustacés parasites sur la peau de leurs clients. Les parasites peuvent également être utilisés comme indicateurs de l’état de santé d’un milieu.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, un environnement considéré sain en biologie est généralement un environnement riche en différents parasites. Un même parasite peut en effet avoir besoin de plusieurs organismes (poissons, mollusques, oiseaux et mammifères, etc.) pour assurer son développement. Une diversité de parasites chez les poissons reflète donc la présence d’une diversité d’espèces hôtes et d’interactions entre celles-ci autour du lac.

À l’inverse, les milieux récemment perturbés sont souvent moins riches en parasites. Par exemple, une étude a révélé qu’il y a moins d’espèces de parasites chez les crapets-soleils du fleuve Saint-Laurent retrouvés dans les secteurs les plus pollués par rapport aux secteurs les moins pollués.

Une question d’équilibre

En général, un poisson ne subira aucun effet néfaste à héberger un parasite. Cependant, les choses peuvent commencer à se détériorer lorsque ce même parasite augmente en nombre. Par exemple, les copépodes sont de petits crustacés se fixant aux branchies et à la peau des poissons. Ils ne causent pas de problème en faible nombre, mais peuvent endommager les branchies et causer des difficultés respiratoires, voire la mort, lorsqu’ils prolifèrent.

L’exemple des copépodes illustre bien l’équilibre complexe et fragile entre un parasite et son hôte. Cet équilibre dépend de plusieurs facteurs qui peuvent favoriser l’hôte ou le parasite lorsqu’un débalancement environnemental survient. Le nombre de parasites et leur capacité à infecter un hôte sont intimement liés aux facteurs environnementaux comme la température et le niveau de polluant. Les changements climatiques et les activités humaines participent ainsi de façon inquiétante au débalancement de ces facteurs.

Dans d’autres cas, un seul parasite peut causer de graves problèmes. Cela est souvent le cas des parasites dits invasifs, qui sont parvenus à s’introduire dans un nouveau milieu. Par exemple, le parasite responsable du tournis des truites présente des taux de mortalité très élevés, allant jusqu’à 90 % chez les saumons, les truites et les ombles de différents lacs.

L’éradication de ce parasite est généralement impossible. Ses conséquences drastiques ont donc nécessité des mesures extraordinaires dans différents lacs de l’Ouest canadien, dont le drainage du lac Johnson en Alberta et la mise à mort de tous ses poissons.

Il est soupçonné que l’introduction de ce parasite au Canada soit d’origine humaine. Ce parasite peut survivre dans les poissons, l’eau, l’équipement nautique ou les sédiments. Son introduction a pu se faire en déplaçant l’un de ces éléments d’un lac contaminé vers un autre. Cela témoigne de l’importance de bien connaître les caractéristiques des parasites afin de prévenir et contrôler les maladies qui peuvent leur être associées.

Que faire maintenant?

La recherche sur les parasites s’est longtemps concentrée sur les espèces qui posent un danger pour la santé humaine ou qui ont une importance économique. L’omble chevalier est à cet égard l’espèce de poisson avec le plus de parasites connus dans le Nord canadien.

Cela ne veut pas dire que ce poisson a effectivement plus de parasites que les autres, mais seulement que ceux-ci sont davantage répertoriés en raison de l’importance économique et culturelle de l’omble chevalier pour la région. Malheureusement, cette approche instrumentalisée de la recherche a entraîné des lacunes considérables quant aux connaissances sur les parasites de nombreux poissons d’eau douce en Amérique du Nord.

Plusieurs chercheurs s’entendent maintenant pour dire que les parasites sont cruellement sous-étudiés et sous-estimés, et qu’il faut plus que jamais les considérer. Ces nouvelles connaissances nous permettront de mieux évaluer l’état de nos lacs et donc favoriser la protection de ces écosystèmes, lesquels figurent parmi les plus menacés au monde.

Un effort collectif peut également être fait pour prévenir l’introduction de nouveaux parasites dans les plans d’eaux. Il est capital de:

  • ne pas relâcher des poissons d’aquarium (et leurs parasites) dans les ruisseaux et les étangs;

  • éviter de transporter des poissons d’un plan d’eau à un autre;

  • bien nettoyer et sécher son équipement nautique avant de l’introduire dans un nouveau milieu.

Ces actions permettent d’atténuer les impacts négatifs que l’humain peut avoir sur les populations de poissons, mais également sur la pêche sportive et commerciale. La prochaine fois que vous irez pêcher, pensez non seulement aux poissons, mais aussi aux parasites que vous aurez au bout de votre ligne!La Conversation Canada

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. 

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