Je bâtis ma cave à vins

Je bâtis ma cave à vins

Par Nolsina Yim

Crédit photo: iStock Photo

1 Je choisis ma cave

Cavavin, une entreprise familiale basée à Saint-Hubert, s’est spécialisée dans les celliers depuis 1980, et s’est même lancée dans leur construction l’an dernier. Pascal Jacolin, directeur de la boutique, et Marcel Bédard, maître cellier, nous livrent leurs secrets d’expert.

Quelle est la différence entre les types de celliers: de service, de garde, cave et frigo?

Un cellier de service est destiné au vin consommé régulièrement. Il peut être autoportant (posé dans une pièce) ou encastré sous un comptoir. Il n’est pas spécialement conçu avec des matériaux non poreux, contrairement au cellier de garde et à la cave, où on veille davantage à une température constante et à la préservation d’une humidité adéquate. Quant au frigo, souvent confondu avec le cellier, il s’agit plutôt d’un simple refroidisseur en plastique, dans lequel la durée de vie du vin n’excède pas les trois ans. 

Quelles questions se poser avant de se lancer?

Quel est notre budget? Combien de bouteilles désire-t-on stocker? Où le cellier sera-t-il installé? Quelles sont les dimensions désirées? Cet espace servirait-il à une consommation courante ou de garde? Et si l’objectif est bine la conservation, parle-t-on de  5, 10 ou 15 ans? Dans quels achats de vins se lancer? Si on ne vise pas plus de 200 bouteilles gardées plusieurs années, la cave à vins s’avère intéressante, avec un cellier de service.

À quoi penser quand on aménage notre cellier ou notre cave?

Il faut s’assurer de respecter ces cinq critères: une température constante (de 10 à 14°C), un taux d’humidité entre 55 et 80 % (pour préserver la qualité du bouchon), une minimisation des vibrations (grâce à des tiroirs montés sur des roulements à billes et un compresseur posé sur des coussinets), l’absorption des odeurs avec des filtres au charbon actif et la pose de vitres anti-rayons UV (pour protéger le vin). 

Quel budget prévoir?

Un cellier de service (maximum 150 bouteilles) coûtera entre 1 000 et 2 800 $. Un cellier de garde (maximum 200 à 240 bouteilles), de 4 000 à 7 000 $: les montants sont plus élevés comme on utilisera des composantes plus élaborées dans la construction, afin de mieux conserver le vin. Le prix d’une cave sera, quant à lui, compris entre 1 000 et 4 000 $.

2 Je choisis mon vin

Michel Beauchamp, conseiller de la section Cellier de la SAQ Beaubien, formé à l’ITHQ et passionné de vins, nous guide dans la composition de la cave idéale.

Quels crus et millésimes choisir?

La conservation du vin n’est pas une science exacte, mais si l’on veut mettre toutes les chances de son côté, on privilégie les très bons millésimes et ceux d’une bonne structure tannique, qui aide au vieillissement. On pense aux classiques, comme les bordeaux, les vins du nord du Rhône, de la Toscane et du Piémont. L’Italie en général est d’ailleurs une valeur sûre. Les vins tanniques, qui «choquent» en bouche, se révèlent souvent des crus qui tiennent bien sur la durée. Des cépages comme le cabernet-sauvignon à Bordeaux, le niebbolo du Piémont et le syrah au nord du Rhône développent particulièrement une structure tannique dans les bonnes années chaudes, quand le climat équilibré donne de la concentration au vin. Les boisés, dont les chardonnays, se projettent aussi bien dans le temps. Dans les rouges, le bourgogne vieillit très bien. Les liquoreux, trop souvent oubliés, s’avèrent pourtant intéressants à entreposer, leur quantité assez importante de sucres s’allégeant au fil des années: le sucre se transforme et se fait moins sentir, des parfums complètement différents surgissent alors. Si l’on désire monter une cave de 100 bouteilles, acheter les 100 d’un seul coup n’est pas la meilleure idée. Mieux vaut se montrer patient et attendre le bon vin, les affaires intéressantes. Il faut se garder une place pour les coups de cœur aussi: le vin, c’est très émotif. On s’achètera par exemple cette bouteille modeste bue lors d’un voyage avec des amis en Italie, on la stockera pour voir ce qu’elle donnera et deux ans plus tard, quand on l’ouvrira, on se rappellera ces vacances en Toscane!

Quel temps de conservation prévoir?

Là aussi, il n’existe pas de science exacte… Un très bon millésime se conserverait à peu près sept ans. On vit alors des expériences extraordinaires: les tannins sont digérés, assouplis, le bois s’est un peu estompé et le fruit est encore là, mais il est équilibré et placé. Ce qui est très intéressant, c’est d’acheter en au moins trois exemplaires une bouteille que l’on a appréciée. Par exemple, on boit un bordeaux dans lequel le fruit est là, la structure et la puissance sont belles. Il nous assèche un peu la bouche pour le moment, mais c’est une bonne année, et même s’il est un peu acide, il a déjà quelque chose qui nous plaît: ce vin possède tous les éléments pour bien vieillir. On met en cave des crus qu’on aime.

Le nombre idéal de bouteilles à acheter?

C’est difficile de se prononcer sur un chiffre. Il faut plutôt acheter selon les arrivages, tester, discuter avec les conseillers… Se constituer une cave se fait avec le temps, en diversifiant les types de vins, car les goûts changent. On commence souvent par des crus modernes très coûteux, riches, charmeurs, avant de se diriger vers des vins plus délicats, affinés, davantage construits sur l’acidité. Mieux vaut varier également les prix: on s’offre souvent du très haut de gamme, mais on attend alors toujours un grand événement pour les ouvrir… et on finit par ne pas les boire! Pourquoi ne pas se faire plaisir avec des petits joyaux à 20 ou 25 $, comme des cahors, et les garder 3 à 5 ans? Ces vins ne sont pas très recherchés, parce qu’on les juge trop tannés et costauds, alors qu’ils vieillissent vraiment bien. Comment servir le vin selon son âge? Attention à ceux qui vieillissent avec du dépôt! Pour le retenir, on utilisera un de ces petits entonnoirs ressemblant à des passoires, posé sur la carafe dans laquelle on versera le contenu de la bouteille. Plus le vin est vieux, moins il a besoin d’aération et donc d’être mis en carafe, comme l’oxydation s’échappera plus rapidement au contact de l’air. On ouvre donc la bouteille, on vérifie son goût et on y va tranquillement!

Quel outil utiliser pour classer nos vins?

Plus notre nombre de bouteilles augmente, plus on doit être organisé. Il existe par exemple des applications gratuites de gestion de cave pour tablette ou téléphone intelligent. Quand on conserve plus de 65 vins, des collerettes colorées accrochées aux bouteilles avec des notes de dégustation deviennent très intéressantes. Visuellement très clair et extraordinaire! On peut se choisir des codes de couleur: vert quand Il s’agit de bouteilles à boire, rouge pour les crus à conserver… À titre personnel, je possède un cahier écrit par ordre d’achats, avec des notes de dégustation. Je surligne plus que je ne rature, et je rajoute des précisions constamment.

Opte-t-on pour des casiers en bois ou en métal?

Tout dépend de notre budget et de l’esthétique voulue pour notre cave. Certains utilisent des drains de jardin en terre cuite à 1 $ chaque comme casiers. Ça s’empile très bien et garde la bonne température. Une bonne cave, qui n’abîmera pas le vin, ne se définira pas par le stockage, mais par le contrôle de l’humidité et de la température. Une autre option économique quand on ne veut pas investir trop d’argent serait de prendre une armoire sans les tiroirs ou des planches de bois posées sur des briques. 

Comment ranger nos bouteilles?

L’idéal est de les coucher, dans la noirceur, et légèrement penchées vers l’avant pour garder l’humidité du bouchon, qui ne doit pas être sec.

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