L’abc des CRI et des FRV
Au travail, si vous participez à un régime de retraite à prestations déterminées et que vous quittez votre emploi avant d’avoir atteint l’âge de 55 ans, les sommes devant servir à vous procurer une rente de retraite peuvent être transférées à votre nom dans un CRI. On dit qu’un CRI ressemble à un REER, car les sommes qui y sont déposées s’accumulent à l’abri de l’impôt. Mais, contrairement à un REER, l’argent qui s’y trouve est immobilisé. Vous ne pouvez pas y toucher, sauf exceptions, car il doit servir à vous procurer un revenu de retraite.
Lorsque vous le jugerez opportun, vous pourrez transférer l’argent de votre CRI dans un FRV dont vous confierez la gestion à un établissement financier enregistré auprès de la Régie des rentes du Québec. Une fois que votre FRV sera ouvert, vous serez tenu de faire un retrait minimal chaque année, sauf la première année (comme avec un FERR). Au cours de cette première année, vous aurez le choix de ne rien retirer de votre FRV. Mais si vous le désirez, vous pourrez effectuer un retrait qui, cependant, est limité par un plafond fixé par la loi. À l’arrivée de l’an 2 et des suivantes, c’est différent: vous serez obligé de faire un retrait minimal annuel. Cette somme est imposable. Le retrait minimal d’un FRV est calculé de la même façon que celui d’un FERR (solde du FRV ÷ [90 – âge au début de l’année]). Nous verrons plus loin que cette caractéristique est la base de la stratégie de «désimmobilisation» d’un CRI.
En outre, la loi vous permet de transférer directement dans un REER ou un FERR la différence entre le retrait maximal et le retrait minimal. Si le maximum est de 7 000$, par exemple, et le minimum de 2 500$, vous pouvez donc transférer 4 500$ sans retenue d’impôt à la source. Il est même possible d’utiliser cette somme pour cotiser à un REER de conjoint si vous répondez à un certain nombre de critères.
À la différence d’un FERR, vous ne pouvez pas vider votre FRV d’un seul coup. En effet, la loi prévoit un retrait maximal annuel déterminé en fonction de votre âge, du solde de votre FRV et d’un «taux de référence» établi par la Régie des rentes. Pourquoi limiter les retraits? Parce que le but d’un FRV est de fournir un revenu viager, c’est-à-dire jusqu’à votre mort.
Les détenteurs d’un FRV
Depuis 1998, les détenteurs d’un FRV qui n’ont pas encore atteint l’âge de 65 ans peuvent choisir de retirer, en plus du maximum prescrit, un montant supplémentaire qui sert à combler le manque à gagner en attendant la Pension de la sécurité de la vieillesse du fédéral et la rente de retraite du RRQ. Ce montant supplémentaire, appelé «revenu temporaire», est plafonné à 17 480$ en 2007.
Les conditions à remplir pour avoir droit à ce revenu supplémentaire sont différentes selon que vous avez moins de 54 ans, ou entre 54 et 65 ans.
Moins de 54 ans. La totalité de vos revenus estimés au cours des 12 mois qui suivent votre demande ne doit pas dépasser 40% du maximum des gains admissibles au Régime de rentes du Québec (MGA), soit 16 840$ en 2006 (40% x MGA de 42 100$). Pour les fins du calcul, le terme «revenus» exclut ici le revenu temporaire demandé, mais comprend les salaires, les intérêts, les rentes, l’assurance emploi ou l’assurance salaire.
Entre 54 et 65 ans. Vous pouvez demander ce revenu supplémentaire temporaire, peu importe vos autres revenus. À partir de l’âge de 65 ans, n’ayant plus droit au revenu temporaire, vous devez revenir au revenu viager ordinaire calculé selon la grille des taux de référence. Par ailleurs, si l’actif de tous vos instruments d’épargne retraite (CRI, FRV, REER, rente de l’employeur, etc.) est égal ou inférieur à 40% du MGA (soit 17 480$ en 2007), vous pouvez encaisser le solde de votre CRI ou de votre FRV en entier.
Désimmobiliser un CRI
Désimmobiliser un CRI
Sous la pression de leurs clients qui pestaient de ne pas pouvoir utiliser l’argent immobilisé dans leurs CRI, des conseillers financiers futés ont découvert une manière de remédier à la situation, c’est-à-dire de désimmobiliser un CRI sans payer d’impôt. Cela se déroule en cinq étapes.
- Vous ouvrez un compte FRV.
- Vous y virez votre CRI.
- Vous transférez de votre FRV à un REER le retrait maximal autorisé par la loi.
- Vous fermez votre FRV en transférant dans un nouveau CRI le solde de ce FRV.
- L’année suivante, vous recommencez: vous ouvrez un FRV, y transférez votre CRI, etc.
Une personne de 55 ans (appelons-la Marie) qui aurait 100 000$ dans un CRI pourrait donc désimmobiliser 6 400$ la première année (en supposant un taux de référence de 6% et un rendement nul des placements). Si Marie recommence la deuxième année, c’est 6 084$ qu’elle libérera. La troisième année, ce sera 5 688$ et ainsi de suite. Au bout de 10 ans, Marie aura ainsi désimmobilisé la moitié de son CRI. L’argent étant maintenant rendu dans son REER, elle peut l’employer à sa guise, sans avoir à respecter ni minimum ni maximum.
Pourquoi recommencer chaque année? «Pour éviter de payer de l’impôt sur le retrait minimal obligatoire lorsqu’un FRV entre dans sa deuxième année d’existence», explique Jocelyne Frenette, conseillère en finances personnelles à la Caisse populaire de l’Est de l’Abitibi. Et aussi pour maximiser le montant transférable. En effet, la loi stipule que ce montant doit représenter la différence entre le retrait maximal et le retrait minimal. Comme à la première année d’un FRV aucun retrait minimal n’est exigé, le montant transférable est donc égal au retrait maximal (voir le tableau Comment maximiser les montants transférables.)
Comment maximiser les montants transférables*
FRV ouverts chaque année | Retrait minimal | Retrait maximal | Montant transférable |
FRV 2007 | 0 $ | 6 400 $ | 6 400 $ |
FRV 2008 | 0 $ | 6 084 $ | 6 084 $ |
FRV 2009 | 0 $ | 5 688 $ | 5 688 $ |
Etc. |
* Solde du FRV en 2007: 100 000$. Âge de la rentière: 55 ans. Taux de référence: 6%
Les retraits minimaux
Ce n’est pas tout. Puisque Marie a entre 54 et 65 ans, elle peut demander un revenu temporaire de son FRV, comme on l’a vu précédemment. On pourrait penser que ce revenu temporaire, additionné au retrait maximal, permettrait d’augmenter le montant transférable, mais ce n’est pas le cas. En toute situation, le montant que Marie peut transférer ne peut pas excéder le retrait maximal.
Un seul FRV | Retrait minimal | Retrait maximal | Montant transférable |
An 1 | 0 $ | 6 400 $ | 6 400 $ |
An 2 | 2 753 $ | 6 084 $ | 3 331 $ |
An 3 | 2 652 $ | 5 688 $ | 3 036 $ |
Etc. |
* Solde du FRV en l’an 1: 100 000$. Âge de la rentière: 55 ans. Taux de référence: 6%.
Les retraits minimaux réduisent les montants transférables*
Et puis après?
Jocelyne Frenette précise que ces opérations d’ouverture et de fermeture de CRI et de FRV engendrent «un tas de papiers à préparer et à signer». Cependant, dit-elle, un bon conseiller ne devrait pas hésiter à le faire pour faciliter la vie de son client.
«Désimmobiliser un CRI. Oui. Et puis après?», s’interroge Daniel Laverdière, actuaire, planificateur financier et directeur principal du cabinet Planification financière Banque Nationale. «N’oublions pas qu’un CRI et un FRV sont des instruments dont le but est de vous procurer un revenu viager. Si vous désimmobilisez votre CRI pour dépenser davantage pendant que vous n’êtes pas à la retraite, vous vivez sur de l’argent emprunté.» Dans ce cas, la lumière que propose le conseiller est celle du train de la réalité budgétaire qui arrive à vive allure, illustre Daniel Laverdière.
Entendons-nous bien. Daniel Laverdière n’est pas absolument contre la désimmobilisation d’un CRI. «Si c’est le seul actif qu’une personne possède, ce serait même pertinent qu’elle en désimmobilise une partie. En cas d’imprévu, elle aura ainsi de l’argent à sa disposition. Mais si cette personne possède déjà un REER, elle peut puiser dedans si une urgence survient. Dans ces conditions, je ne vois pas quels avantages elle gagnerait à désimmobiliser son CRI.»
Nos deux experts rappellent que si Marie a un CRI, c’est que dans le passé elle a participé à une caisse de retraite à son travail. Lorsqu’elle a quitté son emploi, elle aurait très bien pu laisser son argent dans ce fonds. «Pourquoi transférerait-elle sa caisse de retraite à un CRI? Voilà la première question à poser», indique Daniel Laverdière.
Pour sa part, Jocelyne Frenette explique que la décision d’opter pour un CRI relève de plusieurs facteurs. Marie est-elle célibataire? Si oui, l’argent de sa caisse de retraite demeurera chez l’employeur lorsqu’elle mourra. Avec un CRI, au contraire, elle pourra léguer le capital à qui elle voudra. A-t-elle un conjoint? Si oui, la rente de sa caisse de retraite est-elle réversible à ce conjoint? Et puis, quelles sont les perspectives de rendement de sa caisse de retraite? Sont-elles supérieures à ce que pourrait produire un CRI?
Daniel Laverdière trouve qu’il y a beaucoup de bruit pour pas grand-chose, finalement. Un conseiller devrait mettre son énergie à préparer une bonne projection des revenus de retraite de son client, dit-il, et lui montrer sa capacité de dépenser à long terme. «Certes, on peut faciliter la vie à un client. Mais lui rend-on vraiment service?», conclut-il.
Mise à jour: octobre 2008
À lire!