Couple et argent, comment éviter les conflits

Couple et argent, comment éviter les conflits

Par Ronald McKenzie

Crédit photo: rawpixel via Unsplash

Les histoires d’argent sont souvent une source de conflit dans le couple. En attendant une thérapie universelle, examinons cinq situations fréquentes, leurs problèmes et leurs solutions.

Un sondage du syndic de faillites MNP Appel, réalisé l’hiver dernier, démontre que plus du quart des personnes mariées ou vivant en union libre admettent que le stress financier nuit à leur relation. Ce stress se transformerait même en fortes tensions chez 20% des couples canadiens qui sont endettés, souligne l’étude. 

Ce phénomène ne surprend pas Bruno Therrien. Plusieurs de ses clients en ménage sont à couteaux tirés à propos du fric. «Dans un couple, il y a souvent un conjoint plus terre à terre, plus réaliste que l’autre. À mesure que la retraite approche, leurs chemins ont tendance à s’éloigner», dit le planificateur financier et directeur régional, bureau de Sherbrooke, au Groupe Investors.

Les questions d’argent et les troubles émotifs

Si les questions d’argent n’étaient qu’une affaire de sous, les chicanes de couple disparaîtraient rapidement. L’ennui, c’est que c’est plus compliqué. Ces querelles révèlent presque toujours des troubles émotifs tapis dans le subconscient: absence de confiance en soi, difficultés à définir ses valeurs et à accepter celles de l’autre, refus de s’ouvrir au conjoint, etc. «L’argent est un symbole de pouvoir. Pour les hommes, il sert habituellement à des fins de domination. Les femmes, elles, apprécient l’argent pour ce qu’il peut apporter, comme l’embellissement d’une maison», explique Pierre Faubert, psychologue clinicien.

Pas simple, en effet… Mais en attendant qu’on développe une thérapie universelle qui calmerait les tourments de la psyché, examinons cinq situations fréquentes dans les ménages, le problème qu’elles entraînent et des façons de s’en sortir.  

Situation 1 et 2

1-Pierre et Marie ont des salaires différents, mais chacun paie la moitié des frais fixes.

LE PROBLÈME: Est-il équitable que Pierre, qui gagne 50 000$ par année, paie la moitié de tous les frais fixes du ménage (hypothèque, taxes, électricité, chauffage, etc.), soit la même somme que Marie, dont le salaire se chiffre à 78 000$? Non, sans doute.

LA SOLUTION: Chaque conjoint devrait payer sa part au prorata de son salaire net (non pas brut). Dans notre exemple, le salaire de Pierre correspond à 39% des revenus totaux du couple (50 000$ ÷ [50 000$ + 78 000$]). Celui de Marie, à 61%. Ces pourcentages devraient servir à calculer la quote-part de chacun dans les dépenses de la maisonnée.


2- Marie paie les frais fixes; Pierre, les frais variables.

LE PROBLÈME: Les frais fixes sont prévisibles et incontournables. Comme il est pratiquement impossible d’y passer outre, ils sont rarement l’objet d’un litige dans le couple. À l’inverse, les frais variables peuvent être plus subjectifs. Marie aime les vins fins, alors que Pierre se contente très bien de bouteilles ordinaires. À la longue, Pierre pourrait en avoir assez de subventionner les «caprices» vinicoles de Marie. Attention, tension!

LA SOLUTION: Marie et Pierre devraient payer ensemble, à partir d’un compte bancaire conjoint, tous les frais fixes du ménage. Quant aux frais variables, ils doivent faire l’objet d’une discussion afin d’établir qui paie quoi et à quelle hauteur. Les dépenses personnelles, elles, seront le lot de chacun.

Situation 3 et 4

3- Pierre gère seul le budget familial.

LE PROBLÈME: Fort en chiffres, Pierre s’est imposé naturellement comme le gestionnaire du budget familial. Le hic, c’est que le talent pour les maths ne signifie pas nécessairement un don pour la gestion. Ce sont deux choses fort différentes. En gestion, il y a des gestes stratégiques à faire, des occasions à saisir et des transactions à éviter. Si Marie est tenue à l’écart du processus décisionnel, elle risque d’éprouver du ressentiment envers Pierre lorsqu’il rate le coche.

LA SOLUTION: La gestion du budget familial doit se faire à deux. Même si cela est barbant, il est essentiel de tenir des réunions régulières où les questions financières sont le seul sujet à l’ordre du jour. Ce peut être une fois par mois, à chaque saison… Au couple de voir. «Mais ne parlez jamais d’argent lorsque les émotions sont à fleur de peau, vous ne feriez qu’aggraver le problème. Lorsque vous sentez que l’atmosphère est tendue, proposez de reporter la discussion», conseille Gail Vaz-Oxlade, auteure de plusieurs ouvrages sur les finances personnelles des couples.


4- Le couple n’a pas de plan financier

LE PROBLÈME : Un grand nombre de couples ne disposent d’aucun plan financier. Les dépenses à court, moyen et à long terme ne sont ni identifiées ni prises en compte. Un fonds d’urgence? Connaît pas. «En l’absence de plan financier, il est impossible de savoir où l’on s’en va. Cela crée de l’insécurité qui risque d’affecter la vie du couple», constate Bruno Therrien. Les conséquences, terriblement concrètes, peuvent être désagréables. S’il faut refaire la toiture de la maison, par exemple, comment acquittera-t-on la facture? Et si l’on veut changer de voiture, quel modèle pourra-t-on se payer?

LA SOLUTION: Dresser un plan financier complet comportant un état des revenus nets et des dépenses actuelles du couple, un relevé de toutes les dettes du ménage et une stratégie de remboursement, de même qu’une projection des frais d’entretien futurs de la maison. Compliqué? Si oui, retenez les services d’un planificateur financier diplômé de l’Institut québécois de planification financière (www.iqpf.org). Vous pouvez également vous inscrire à un cours sur le budget que donnent des associations de consommateurs dans tout le Québec (www.consommateur.qc.ca).

Situation 5

5- Conjoints de fait, Pierre et Marie n’ont pas de contrat de vie commune.

LE PROBLÈME: De nombreux mythes persistent encore autour des droits et des protections qu’ont les personnes qui vivent en union libre. Dont celui-ci, ultra-tenace : après un certain nombre d’années passées ensemble, les conjoints de fait disposent des mêmes droits que les personnes mariées.

Faux, faux, faux. Sous l’angle du droit civil québécois, les conjoints de fait sont considérés comme de purs étrangers l’un pour l’autre, et ce, peu importe la durée de leur cohabitation. Cela peut entraîner des conséquences pécuniaires dramatiques. Pierre et Marie sont conjoints de fait depuis 18 ans. Lorsqu’ils ont acheté leur maison en 1999, ils l’ont fait enregistrer au nom de Pierre seulement. Chaque mois depuis 14 ans, Marie paie sa part de l’hypothèque. En cas de séparation, aura-t-elle droit à la moitié de la résidence familiale? Pas du tout, même si elle a contribué au remboursement de l’hypothèque. Même chose pour les autres biens acquis en commun, mais inscrits au nom d’un seul des deux conjoints (une automobile, par exemple).

LA SOLUTION: Rédiger un contrat de vie commune (ou convention d’union libre). En effet, le Code civil du Québec permet aux citoyens de régir leurs relations de couple en dehors du cadre légal du mariage. Cela passe par un contrat de vie commune qui définit les rapports économiques des conjoints de fait entre eux. Il décrit notamment ce qui se produira au moment d’une éventuelle rupture. «Il peut calquer en tous points un régime matrimonial basé sur la société d’acquêts, par exemple. Et on peut y inclure des dispositions relatives au partage du patrimoine familial identiques à celles que prescrit la loi pour les personnes mariées ou unies civilement», signale Me Danielle Beausoleil, notaire associée de l’étude Prud’homme Fontaine Dolan. 

Bien que ce soit recommandé, il n’est pas nécessaire de faire affaire avec un notaire ou un avocat pour préparer un tel document. Moyennant 3,95$, vous pouvez en télécharger un à partir du site des Publications du Québec.

Argent et couple: se faire confiance

Évidemment, ces cinq cas ne représentent qu’un petit échantillon des situations où l’argent et le couple forment un duo fragile. Pensons aux difficultés propres aux familles reconstituées, aux conjoints ayant une grande différence d’âge ou qui sont issus de cultures différentes, etc.

Pour le psychologue Pierre Faubert, une relation sera réussie si les conjoints acceptent de se faire mutuellement confiance. Cela suppose que l’honnêteté est au rendez-vous, car «elle permet à la lumière d’éclairer ses intentions et celles de l’autre».

Le moyen le plus simple d’allumer cette lumière consiste à réaliser des projets en commun. Pour beaucoup de couples, le projet commun par excellence est d’élever des enfants. Mais après? «S’il n’y a plus rien, chacun a tendance à se réfugier dans son petit monde. Il peut alors se développer des habitudes qui vont séparer les personnes plutôt que de les unir», prévient le spécialiste.

Que faire pour éviter cet isolement ? Eh bien, pourquoi ne pas partir en voyage? Se retrouver seuls en terrain plus ou moins connu incite à échanger avec son partenaire! «Puis on agit différemment quand on est à l’étranger, car on est toujours en alerte, note M. Faubert. C’est un bon moyen de se révéler à soi et de découvrir l’autre.» Une fois que le climat de confiance est restauré, ou du moins amélioré, les disputes autour de l’argent sont moins douloureuses. Les couples peuvent les régler dans une ambiance plus sereine. Ce sera une grande victoire pour eux.

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